Comment le génocide à Gaza a fait tomber le parti démocrate

Avec plus de 50 000 tonnes de bombes fournies par les US déversées par les Israéliens sur Gaza, les centaines de milliers d'enfants de la bande de Gaza luttent contre les conséquences mortelles de la guerre génocidaire qui a décimé les services d'approvisionnement en eau et d'assainissement. Les deux tiers des systèmes d'approvisionnement en eau sont endommagés ou détruits, ce qui entraîne une diminution massive de la capacité de production d'eau et contraint les enfants et leurs familles à dépendre de sources d'eau insalubres. La menace de maladies d'origine hydrique est montée en flèche - Photo : Yousef al-Zanoun / Activestills

Par Ramzy Baroud

Les électeurs arabes et musulmans américains n’ont pas chassé les Démocrates du pouvoir, ni privé Kamala Harris du bureau ovale. Les élections ont envoyé un message incontournable : la Palestine est importante, non seulement pour les Arabes et les musulmans mais aussi pour de nombreux Américains.

Ceux qui ont coûté les élections aux Démocrates sont les Démocrates eux-mêmes. Leur défaite humiliante du 5 novembre est due en grande partie à leur rôle indéniable dans la guerre et le génocide israéliens à Gaza.

C’est Peter Beinart qui l’a le mieux exprimé dans sa tribune du 7 novembre dans le New York Times, intitulée « Les Démocrates ont ignoré Gaza et ont eux-mêmes causé leur perte ».

« Les massacres israéliens de Palestiniens volontairement affamés, financés par les contribuables américains et diffusés en direct sur les réseaux sociaux, ont déclenché l’une des plus fortes poussées d’activisme progressiste depuis une génération », selon Beinart.

L’auteur indique à juste titre qu’au cœur de cet activisme se trouvaient « les Noirs américains et les jeunes ».

Il est indéniable que, pour la première fois dans l’histoire des élections américaines, la Palestine est devenue une question de politique intérieure américaine – une prise de conscience cauchemardesque pour ceux qui voulaient que la politique étrangère américaine au Moyen-Orient demeure un domaine exclusivement israélien.

Ne parlons plus de « génocide israélien » mais de « génocide israélo-US » !

Les électeurs arabes, les électeurs noirs et les électeurs d’autres groupes minoritaires ne sont pas les seuls à avoir donné la priorité à la Palestine au moment de voter, de nombreux Américains blancs ayant fait de même.

C’est particulièrement important car cela montre que les électeurs américains sont en train de changer de paradigme, en faisant passer les luttes collectives, les valeurs et la moralité avant les politiques identitaires.

« Les démocrates risquent de ne plus pouvoir compter sur les jeunes électeurs pour gonfler leurs résultats, car il semble qu’Harris soit en passe d’obtenir le soutien le plus faible de ce siècle parmi les électeurs âgés de 18 à 29 ans », souligne un article du journal britannique The Independent.

Sachant que le soutien à la Palestine est relativement fort chez les jeunes Américains, les politiciens américains ont de quoi s’inquiéter pour les prochaines élections.

Nous savons déjà que le soutien à la Palestine est extrêmement fort chez les jeunes Démocrates. Un sondage réalisé par Gallup en mars 2023 a indiqué que, pour la première fois, les Démocrates « sympathisent davantage avec les Palestiniens qu’avec les Israéliens, 49 % contre 38 % ».

Plus étonnant encore, l’ensemble des électeurs démocrates américains est plus favorable à la Palestine qu’à Israël.

Selon un sondage du Pew Research Center en avril dernier, l’ensemble de la jeune population américaine « est plus susceptible de sympathiser avec le peuple palestinien qu’avec le peuple israélien ».

Alors qu’un tiers des adultes de moins de 30 ans sympathisent « entièrement ou principalement » avec les Palestiniens, seuls 14 % sympathisent avec les Israéliens.

Ces chiffres n’ont pas inquiété les Démocrates qui ont continué à considérer comme acquis le vote des jeunes et d’autres groupes minoritaires. Ils ont commis une grave erreur.

L’administration Biden a joué un rôle central dans le financement et le maintien de la machine de guerre israélienne, facilitant ainsi le génocide israélien à Gaza. Cela a enragé des millions d’Américains qui ont profité des élections pour punir les Démocrates de ce qu’ils avaient fait au peuple palestinien.

Selon un rapport préparé pour le projet « Coûts de la guerre » de l’université Brown, l’administration Biden a accordé à Israël une aide militaire record d’au moins 17,9 milliards de dollars au cours de la première année de la guerre génocidaire.

En outre, selon un rapport publié le 4 octobre par le journal d’investigation à but non lucratif ProPublica, « les États-Unis ont expédié plus de 50 000 tonnes d’armes » à Israël depuis le 7 octobre 2023.

Quelques heures à peine après l’annonce des résultats de l’élection présidentielle américaine, le ministère israélien de la Défense a signé un accord « pour l’acquisition de 25 avions de combat F-15IA auprès du constructeur américain Boeing pour un montant de 5,2 milliards de dollars, avec une option pour 25 autres », selon Defense News. En d’autres termes, Biden continue dans la même voie.

Biden, Harris et d’autres auront beau se contorsionner pour justifier leur soutien à Israël, il est indéniable que leur administration a joué un rôle de premier plan dans le génocide israélien à Gaza. Pour cela, les électeurs américains les ont sanctionnés à juste titre.

Malgré l’euphorie compréhensible de nombreux partisans de la Palestine aux États-Unis, nous ne devons pas nous faire d’illusions. Ni le président élu Donald Trump ni son entourage de politiciens de droite ne seront les sauveurs de la Palestine.

Rappelons que c’est le premier mandat de Trump qui a ouvert la voie à la marginalisation complète des Palestiniens.

Avec le soutien des dictatures arabes, Trump veut liquider la cause palestinienne

Il l’a fait en accordant à Israël la souveraineté sur Jérusalem-Est, de la reconnaissance des colonies illégales comme légitimes, de la guerre financière contre les Palestiniens et de la tentative de destruction de l’agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens, l’UNRWA.

Si Trump revient à ses anciennes politiques destructrices en Palestine, cela déclenchera assurément une nouvelle guerre.

Cela signifie que le camp pro-palestinien, qui a réussi à convertir la solidarité en action politique décisive, ne doit pas s’attendre à ce que la nouvelle administration américaine adopte une ligne politique plus rationnelle sur la Palestine. À en juger par l’histoire du soutien républicain à Israël, rien de ce genre n’arrivera.

Il faut donc s’appuyer sur la solidarité envers les Palestiniens qui unit tous les groupes américains qui ont voté contre le génocide lors des dernières élections.

C’est l’occasion rêvée de traduire les votes en actions et en pressions véritables pour obliger toutes les composantes du gouvernement américain à entendre et à prendre en compte les slogans assourdissants de « cessez-le-feu maintenant » et de « Palestine libre, libre ».

Les évènements ont montré que ces slogans ne sont pas des paroles en l’air et que les électeurs américains sont capables de déstabiliser le système politique, comme ils l’ont fait le 5 novembre 2024.

12 novembre 2024 – Middle East Monitor – Traduction : Chronique de Palestine – Dominique Muselet