La vision du “Return Council”
Le Return Council est une organisation de Juifs israéliens qui soutiennent le droit au retour des réfugiés palestiniens et des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays, et qui agissent pour promouvoir la réalisation de ce droit. Le Conseil ne s’identifie à aucun parti politique et est ouvert à tous les Israéliens qui croient en la réalisation du droit au retour.
Le Council cherche à influer sur l’opinion publique israélienne en ce qui concerne le retour par le biais d’activités publiques, de lectures, de conférences, de publications, etc. Il s’appuie sur l’idée que l’expulsion des habitants de ce pays est à l’origine du conflit et que seul le retour pourra créer un espace de paix, de justice et de démocratie entre le Jourdain et la Méditerranée.
On trouvera ci-après l’exposé de la position du Council concernant la réalisation du retour, les moyens de le mettre en œuvre, son coût et ses avantages, et ses incidences sur l’espace local en termes politiques, socio-économiques et autres. Le présent exposé de cette position résume les discussions qui ont eu lieu jusqu’à présent et invite les lecteurs à approfondir la discussion et à élargir le débat sur cette question.
Nous vous invitons à considérer ce document comme un acte politique destiné, d’abord, à imaginer le retour, puis à le mettre en œuvre dans l’espace.
1. Vers le retour
Actuellement, il est de notre responsabilité d’agir pour promouvoir le retour des réfugiés palestiniens et des personnes déplacées à l’intérieur du territoire. Nous devons agir au sein de la société juive pour faire prendre conscience de l’importance du retour, de sa nécessité, de son caractère légitime et de sa faisabilité. Nous entreprenons cette tâche comme il se doit, malgré les énormes défis que cela implique.
Nous, membres du Council, sommes pleinement conscients de la nécessité de surmonter les obstacles au sein de la société israélo-juive afin de briser le tabou qui empêche de discuter publiquement du retour. Cela fait partie de notre responsabilité en tant qu’Israéliens, et de la nécessité de se racheter et de réparer l’injustice persistante faite au peuple palestinien.
Les obstacles auxquels nous nous heurtons sont notamment les suivants :
– Le traumatisme de l’Holocauste, qui est pour certains Juifs un traumatisme directement personnel.
– Le racisme sous forme de phobie des Arabes, des juifs arabes, de l’arabité, de l’Islam et de l’Orient.
– La crainte d’altérer le caractère juif du pays.
– La confusion entre identité personnelle et identification nationale : la conviction que le maintien d’une identité collective juive dépend d’un État juif.
– La crainte des groupes juifs hégémoniques de devoir renoncer à leurs privilèges, la peur de l’égalité.
– La crainte que l’inégalité actuelle entre les juifs ashkénazes et les juifs mizrahim signifie que ce soit ces derniers, ainsi que d’autres groupes marginalisés, qui paieraient le prix du retour.
– La crainte de sanctions socio-économiques à l’encontre de ceux qui remettent en cause les croyances conventionnelles de la société israélienne.
– La crainte que la majorité de la population juive émigre.
– La crainte des responsables du nettoyage ethnique de 1948 et de leurs descendants d’être déconsidérés, d’être tenus pénalement responsables, et d’être obligés de faire face à un passé (et à un présent) de crimes de guerre.
Nous proposons d’agir au présent sur la base des principes suivants :
Considérer le retour comme une occasion de poursuivre les réformes sociales et comme la clé de l’émancipation des groupes actuellement marginalisés.
Exiger que les injustices à l’encontre des communautés marginalisées de la société israélienne, y compris les Mizrahim, soient reconnues et réparées dans le cadre du retour.
Encourager les groupes subalternes à jouer un rôle essentiel dans la conduite de la lutte.
Reconnaître que l’espace post-retour permettrait de réorganiser les ressources foncières et les ressources en matière d’emploi sur une base plus équitable qu’actuellement.
Promouvoir la planification concrète de l’espace post-retour, afin d’apaiser les craintes et permettre de concevoir de manière tangible cet espace futur.
De cette façon, nous serions en mesure de démontrer que le retour est réalisable.
Plans d’action proposés :
– Convoquer un forum d’organisations sociales pour une réflexion collective sur une vision d’une nouvelle société qui fait place au retour.
– Collaborer avec des mouvements qui parlent aux Juifs du retour.
– Remettre en question l’amalgame actuel entre l’identité juive et l’État dans des forums éducatifs tels que des écoles religieuses informelles, des mouvements de jeunesse, des centres sociaux, etc.
– Lancer des actions locales de retour effectif au présent, qui serviraient de modèle pour d’autres initiatives.
– Utilisez le modèle de visite commentée existant de Zochrot comme outil pour former l’imagination à la pratique du retour, et l’acte de retour symbolique, ne serait-ce que pour une courte période.
– Inclure la promotion du retour dans les programmes d’éducation antiraciste qui ont déjà cours au sein du public juif.
– Le militantisme dans les médias grand public et sur les réseaux sociaux.
2. La vie après le retour
Pour contribuer à la compréhension de ce que signifie le retour et sa faisabilité, il faut le concevoir et le planifier, et en conséquence créer l’espace nécessaire. Les relations entre les différents groupes seraient fondées sur le consentement et une constitution garantissant démocratie, liberté et égalité.
État et gouvernement
Nous envisageons le retour à un État démocratique basé sur les valeurs de liberté et d’égalité, la séparation de l’église et de l’état, celle de la nationalité et de la religion, où la liberté de culte sera reconnue. Ce futur état n’aura pas de caractère national juif souverain, mais permettra l’expression d’une identité collective autonome, telle que l’autonomie éducative, religieuse ou culturelle.
Parallèlement, l’état offrira un système judiciaire laïc et un système d’enseignement public et laïc. L’expression de l’identité collective juive ne sera pas sioniste et n’affichera pas d‘aspiration de souveraineté. L’identité collective palestinienne pourra également inclure le judaïsme.
La constitution promulguée par le nouveau régime interdira toute mesure coercitive d’une nationalité envers une autre, quelle que soit l’identité de la future majorité.
Enseignement et culture
Nous nous efforcerons de permettre l’expression pleine et entière des différentes cultures, en reconnaissant les origines culturelles orientales et l’intégration au Moyen-Orient. En lieu et place des attitudes euro-centriques actuelles, nous agirons en faveur de la reconnaissance d’autres groupes culturels comme éléments moteurs de la société.
Un système d’enseignement multiculturel et égalitaire sera mis en place, et respectera la diversité et la singularité des identités culturelles du pays, sans les diviser, les aliéner et les séparer, et l’accent sera mis sur les éléments communs.
L’enseignement public sera bilingue (en arabe et en hébreu). Divers types d’écoles (séparées, mixtes, publiques et privées) seront offerts, et chaque citoyen et résident sera libre de choisir ce qui lui convient le mieux. Dans la période de transition vers le nouveau régime, tous les symboles nationaux seront changés.
La planification en amont du retour, et la préparation des communautés, à la fois existantes et rapatriées, contribueront à la compréhension de la réalité qui s’était développée depuis la Nakba jusqu’au retour. Cette compréhension permettra une construction plus saine de l’espace qui subira des transformations radicales suite au retour.
Les terres
Le retour nécessitera une réforme foncière, qui pourrait s’appuyer sur le fait qu’aujourd’hui, 93% du territoire national sont la propriété de l’état, et que ce territoire était majoritairement la propriété des Palestiniens jusqu’en 1948, lorsqu’ils en ont été dépossédés. Le principe directeur est que les terres des réfugiés doivent leur être restituées.
Néanmoins, il sera nécessaire de trouver des solutions humaines et appropriées, qui ne créeront pas d’injustice et de souffrances humaines pour les occupants actuels.
Des tribunaux spéciaux seront créés pour faciliter la réparation et proposer des solutions dans des cas particuliers. Sous certaines conditions, il sera possible, par exemple, pour des occupants actuels de louer leur terre, d’indemniser les propriétaires de terres qui ne leur seront pas restituées, et pour des communautés palestiniennes dépeuplées de choisir de s’unir à d’autres communautés dans le cadre de leur réinstallation, etc.
La propriété des ressources locales sera transférée aux communautés palestiniennes dans le cadre d’un plan visant à la création de l’égalité économique et à la réduction des écarts entre les groupes nationaux et en leur sein.
Société et économie
L’incorporation des réfugiés tirera partie de l’exemple de cas historiques d’incorporation d’immigrants un peu partout dans le monde, y compris celle des immigrants juifs en Israël, pour le meilleur ou pour le pire. Il faut construire des maisons et des infrastructures, ainsi que des hôpitaux et des écoles ; assurer l’accès à l’emploi; et se préparer à la nouvelle densité de population. Une formation pratique et psychologique pour les deux parties sera nécessaire – études des deux langues, traitement du traumatisme causé par l’expulsion, etc.
Il faudra prévoir l’indemnisation des préjudices causés dans le passé ainsi que des plans pour empêcher la limitation géographique et la création de classes économiques distinctes.
Pour permettre des préparatifs adéquats, la période au cours de laquelle des terres pourraient être restituées ou des indemnisations versées sera limitée (10 à 15 ans). Avec l’aide d’une agence gouvernementale dédiée, les réfugiés décideront d’accorder ou non priorité aux divers groupes de réfugiés.
La naturalisation sera possible même après cette période. L’état encouragera la mixité et combattra la séparation entre différents groupes, en faisant en sorte, par exemple, que les rapatriés s’installent au sein de communautés urbaines ou rurales juives établies sur les ruines de communautés palestiniennes. Toutes les communautés d’admission seront abolies.
Le retour pourrait être l’occasion d’ «ouvrir tous les dossiers » et de réorganiser le pays sur une base égalitaire dans tous les domaines, tels que celui des droits LGBT, et celui de la discrimination et de la violence envers les femmes par un engagement constitutionnel de l’éradiquer. Un tel état providence investira dans la santé et l’enseignement.
L’État accueillera les réfugiés de toutes les religions du monde entier sur la base des conventions internationales. Il n’y aura pas d’encouragement spécial fait aux juifs d’immigrer et ils ne bénéficieront pas de la citoyenneté automatique. Le nouvel État adoptera des lois sur l’immigration qui s’appliqueront à toute personne cherchant à s’installer sur son territoire.
Dans le cadre de la réparation des préjudices historiques rendu possible par le retour, il faudra s’attaquer à la discrimination historique perpétrée contre les juifs misrahim, y compris la question de la localisation et des limites municipales.
Le pays réglera également le statut de ses citoyens misrahim avec les pays arabes en matière de propriétés foncières, dans les cas où ils ont été forcés de quitter ces pays (par le biais d’une indemnisation individuelle et/ou du retour sur les propriétés d’origine)
Sécurité et relations étrangères
Les dispositions en matière de sécurité du futur État s’appliqueront à tous les citoyens et résidents et les protégeront de la même manière.
Des accords de paix seront conclus avec les États voisins. Nous envisageons un espace moyen-oriental régi sur le modèle de l’Union européenne.
29 novembre 2018 – zochrot.org – Traduction: Chronique de Palestine – MJB