Ramzy Baroud – De sérieux efforts sont déployés en Israël et à l’extérieur pour tenter de ralentir l’élan en rapide évolution de la campagne internationale et d’initiative palestinienne pour le Boycott, le Désinvestissement et les Sanctions (BDS).
Le dernier de ces efforts a été une grande conférence, pleine d’aigreur, à Jérusalem occupée, qui a suivi une série de conférences aux États-Unis. D’autres conférences sont prévues.
Cela survint dans la foulée d’énormes efforts pour criminaliser la campagne BDS grâce à des efforts clairement coordonnés avec plusieurs pays occidentaux. Mais quels effets en attendre ? Environ un millier d’Israéliens et de leurs partisans se sont réunis le 28 mars dans le Centre international des congrès, à Jérusalem sous occupation, lors d’une conférence dont l’objectif affiché était la lutte contre la campagne BDS.
La conférence a été un affichage de « de peur, de paranoïa, de colère et de détermination », selon les mots du journaliste Antony Loewenstein, et a mis en avant de hauts responsables gouvernementaux, des membres de l’opposition et un conglomérat étrange d’invités, dont la célébrité has been [véritable fond de tiroir …] Roseanne Barr.
Les déclarations faites lors de la conférence étaient comme on pouvait s’y attendre,effrayantes… et constellées du vocabulaire sanglant et vengeur que l’on est habitué à trouver dans le discours politique israélien.
L’un des plus alarmante des déclarations a été celle faite par le ministre israélien des Transports, Yisrael Katz, qui a appelé à la « l’élimination ciblée civile de la direction du BDS ». Barr, d’autre part, a appelé à un bombardement nucléaire sur l’Université de Californie-Davis suite au vote par les étudiants de leur appui au BDS.
L’événement israélien a suivi une montée en flèche de condamnations de la campagne BDS, les gouvernements occidentaux du Royaume-Uni, des États-Unis, du Canada et d’autres, appelant à criminaliser le boycott d’Israël. Pourtant, tout cela est tombé sur des oreilles de sourds et l’élan du mouvement s’en est trouvé à peine ralenti. Et au contraire, le mouvement s’est maintenant accéléré.
Mais rien de tout cela ne devrait être une surprise, car c’est une répétition d’une histoire pas trop lointaine. Les gouvernements occidentaux s’étaient également attaqué au mouvement anti-apartheid d’Afrique du Sud, en traitant à chaque occasion de terroristes ses dirigeants comme Nelson Mandela et beaucoup de ses camarades.
Une fois Mandela décédé en 2013, les politiciens américains de premier plan se concurrençaient les uns les autres pour énumérer dans leurs nombreuses conférences de presse, les grandes qualités du défunt chef africain, parlant de son engagement pour la justice et les droits de l’homme. Pourtant, le nom de Mandela n’avait été retiré de la liste de surveillance du terrorisme des États-Unis qu’en 2008.
L’administration Reagan avait qualifié de terroriste le Congrès National Africain – la principale plate-forme pour la lutte anti-apartheid. La stratégie de l’ANC contre le gouvernement de l’apartheid était de « la terreur calculée », selon l’administration en place en 1986.
Cadre de réference
L’expérience sud-africaine, qui est encore fraîche dans la mémoire de beaucoup de gens, sert maintenant de cadre de référence dans la lutte contre l’apartheid israélien en Palestine, où les juifs se donne le rôle d’une race privilégiée, tandis que les musulmans et les chrétiens palestiniens sont maltraités, opprimés et vivent sous occupation.
Alors que le racisme est, malheureusement, une réalité pratiquée, observée et rapportée dans de nombreuses régions du monde, le racisme institutionnalisé par des mesures gouvernementales délibérées ne se pratique – du moins ouvertement – que dans quelques pays à travers le monde. Cependant, aucun pays n’est aussi catégorique et déterminé sur ses lois à caractère raciste et les règlements d’apartheid que le gouvernement israélien.
Presque chaque mesure prise par la Knesset israélienne et qui se rapporte aux Arabes est influencée par cet état d’esprit. les Palestiniens doivent rester inférieurs et les juifs doivent assurer leur supériorité à tout prix. Le résultat de ce délire raciste d’Israël a été une énorme quantité de violence, d’inégalité sur le terrain, de murs massifs, de tranchées, de routes réservées aux seuls juifs, d’occupation militaire et même de lois qui interdisent la remise en cause même de ces pratiques.
Pourtant, plus apparait son incapacité à réprimer la résistance palestinienne et à ralentir le flux de la solidarité du monde entier avec le peuple opprimé, plus Israël s’active pour assurer sa domination et investir dans la ségrégation raciale.
« Le monde entier est contre nous », est une justification assez courante en Israël même, face à la réaction internationale devant les pratiques d’apartheid. Avec le temps, cela devient une prophétie qui finit par se réaliser elle-même et se nourrit de notions du passé qui ne sont plus applicables. Peu importe combien de sociétés se désinvestissent d’Israël – la dernière étant G4S, la plus importante société de sécurité dans le monde – et peu importe combien d’universités et d’églises votent pour le boycott d’Israël… la société israélienne reste retranchée derrière les slogans et son sens déconcertant de victimisation.
Beaucoup d’Israéliens pensent que leur pays est une « villa dans la jungle » – une notion constamment reprise par les principaux dirigeants israéliens. Le Premier ministre d’extrême-droite, Benjamin Netanyahu, joue volontairement sur le registre de la peur dans sa propre société. Incapable de la moindre conscience des crimes indubitables qu’il a commis contre les Palestiniens depuis des années, il continue à propager le mythe de la pureté d’Israël et de la méchanceté du reste du monde.
En février, il a parlé de la nécessité de créer encore plus de clôtures pour garder sûre sa « villa dans la jungle » et, a-t-il dit : « pour nous défendre contre les bêtes sauvages » dans les pays voisins. La déclaration a été faite quelques semaines seulement avant le lancement de la Semaine annuelle contre l’apartheid israélien dans de nombreuses villes à travers le monde. C’est comme si le dirigeant israélien voulait à tout prix contribuer à la campagne mondiale qui, avec succès, dénonce Israël comme État d’apartheid qui doit être boycotté.
Conforté par l’idée que les États-Unis et d’autres gouvernements occidentaux sont de leur côté, la plupart des Israéliens n’ont aucun complexe à faire l’apologie du racisme et à appeler à plus de violence contre les Palestiniens. Selon une récente enquête menée par le Pew Research Center et publiée le 08 mars dernier, près de la moitié de la population juive d’Israël veut l’expulsion des Palestiniens à l’extérieur de leur patrie historique.
L’étude qui a été menée entre octobre 2014 et mai 2015 – quelques mois avant que ne commence l’Intifada actuelle en octobre 2015 – est vue comme une première dans ce genre enquête d’opinion, puisque plus de 5600 adultes israéliens ont été interrogés en vis-à-vis et que des myriades de questions ont été abordées, dont la religion et la politique. 48% des juifs israéliens veulent l’expulsion des arabes israéliens… De plus, le nombre de ceux qui se définissent comme « religieux » est beaucoup plus élevé : 71%.
Quelles options sont alors laissées aux Palestiniens – les victimes depuis 68 ans de la purification ethnique appliquée à leur propre patrie historique – quand ils sont décrits et traités comme des « bêtes » que l’on peut tue à volonté et qui souffrent sous un système écrasant d’apartheid et de discrimination raciale qui n’a jamais cessé après toutes ces années ?
La campagne BDS a, jusqu’ici, été la stratégie et la tactique les plus efficaces pour soutenir la résistance et la résilience palestinienne, et dans le même temps, pour tenir Israël responsable de ses politiques de renforcement de l’apartheid. L’objectif principal qui sous-tend la campagne BDS – portée par un mouvement entièrement non-violent et défendu par la société civile à l’échelle mondiale – n’est pas punir les Israéliens ordinaires, mais d’éveiller les consciences à travers le monde aux souffrances des Palestiniens, et ainsi établir un seuil moral qui doit être franchi si une paix juste doit être trouvée.
Ce seuil moral a déjà été établi dans la relation entre les Palestiniens et les Sud-Africains quand Mandela a lui-même déclaré : « Nous savons tous trop bien que notre liberté est incomplète sans la liberté des Palestiniens. »
Il ne cherchait pas à être cordiale ou diplomatique. Chacun de ses mots était pesé. Et, aujourd’hui, beaucoup à travers le monde font le même rapprochement et sont de tout cœur en accord avec lui.
* Dr Ramzy Baroud écrit sur le Moyen-Orient depuis plus de 20 ans. Il est chroniqueur international, consultant en médias, auteur de plusieurs livres et le fondateur de PalestineChronicle.com. Son dernier livre, Résistant en Palestine – Une histoire vraie de Gaza (version française), peut être commandé à Demi-Lune. Son livre, La deuxième Intifada (version française) est disponible sur Scribest. Son site personnel. :
6 avril 2016 – Transmis par l’auteur – Traduction : Lotfallah