Par Abdel Bari Atwan
La colère de la Russie à l’égard d’Israël pourrait avoir de lourdes conséquences, explique Abdel Bari Atwan.
La conclusion à laquelle je suis arrivé après une brève visite à Beyrouth la semaine dernière, au cours de laquelle j’ai rencontré divers contacts de tous les horizons politiques, est que la région se dirige rapidement vers la guerre.
C’est presque inévitable. La Syrie est assiégée, le Liban est en faillite, la Jordanie sur le point de l’être, l’Irak est dans le chaos, l’Union du Maghreb est en conflit et le Golfe a perdu ses repères.
L’Iran, qu’il le veuille ou non, est l’acteur le plus puissant et devrait en sortir grand gagnant.
Un tournant dans la résistance
Le fusible qui fera exploser la région pourrait très vraisemblablement être l’un des trois développements suivants possibles.
Premièrement, une invasion de l’enceinte de la mosquée al-Aqsa à Jérusalem occupée par des fascistes israéliens à l’occasion de l’anniversaire de la Nakba et de la création d’Israël, ou lors de sa « Journée de Jérusalem », plus tard ce mois-ci.
Deuxièmement, la préparation d’un navire dans un port méditerranéen pour briser le blocus de la bande de Gaza, comme le Mavi Marmara en 2010.
Le chef du Hamas à Gaza, Yahya al-Sinwar, a déclaré dans un discours la semaine dernière que des préparatifs sont en cours pour ouvrir une ligne maritime permanente à l’intérieur et à l’extérieur de Gaza, et a averti que toute attaque contre le navire déclencherait des représailles massives de missiles.
Troisièmement, des représailles conjointes iraniennes, syriennes et libanaises pour toute attaque israélienne contre des cibles iraniennes à l’intérieur de la Syrie.
Le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a déclaré dans son discours marquant la Journée internationale de Jérusalem que réserver les représailles pour le bon moment et le bon endroit appartenait au passé et que toute agression future entraînerait une réponse rapide et immédiate.
La duplicité israélienne se heurte à ses limites
Un facteur crucial à cet égard est la détérioration rapide des relations entre la Russie et Israël.
Le président Poutine est furieux de ce qu’il considère comme des coups de poignard dans le dos d’Israël contre la Russie, et contre lui-même personnellement, et ses « amis » dans la trahison de Tel-Aviv en envoyant secrètement des armes, du matériel militaire et des mercenaires en Ukraine.
Le ministère russe des Affaires étrangères a accusé de manière flagrante Israël de soutenir les néonazis ukrainiens. Le ministre de la Défense, Sergueï Choïgou, a annulé un appel téléphonique avec son homologue israélien pour protester contre sa duplicité.
La goutte d’eau qui a fait déborder le vase, selon un expert arabe bien connecté basé à Moscou sur la Russie, a été lorsque Israël a voté en faveur d’une motion américaine visant à expulser le pays du Conseil des droits de l’homme de l’ONU.
L’Iran a tout à gagner de cette détérioration, non seulement parce qu’il s’est rangé du côté de la Russie dès le début de la crise, mais aussi parce que la Russie en a davantage besoin en tant que partenaire dans la région.
Elle a besoin de l’expertise iranienne, développée sur plus de quatre décennies, pour résister aux embargos américains – en particulier dans les secteurs du pétrole, de l’équipement et de la technologie – et pour contrer les pressions et les tentatives de déstabilisation américaines sur le front intérieur.
Poutine a un doigt au-dessus du bouton nucléaire alors que ses agences de sécurité surveillent et observent de près le comportement de tous les pays européens, en particulier l’Allemagne et les machinations de ses dirigeants actuels.
Le gouvernement allemand « de gauche » met maintenant la pression pour que l’Europe boycotte le pétrole et le gaz russes et refuse la demande de Poutine que la Russie soit payée en roubles.
Il faut bien noter que les Russes ne pourront jamais oublier que 27 millions de leurs compatriotes ont été tués aux mains des Allemands pendant la Seconde Guerre mondiale
La Russie est également, selon des sources dignes de foi, très contrariée par l’exploitation des médias européens et surtout allemands dans une campagne d’incitation à la haine à son encontre.
Elle est également furieuse de l’ingratitude des Israéliens et de leur trahison après que Poutine se soit conformé pendant des années à toutes leurs demandes en Syrie et ailleurs au Moyen-Orient.
La Russie envisagerait en conséquence de révoquer la double nationalité du million de Russes qui ont émigré vers la Palestine occupée et acquis la nationalité israélienne tout en conservant leur nationalité russe.
L’histoire nous enseigne que dans la plupart des guerres, ceux qui restent neutres ou feignent la neutralité s’en sortent souvent mal. Cette guerre ne fera pas exception.
Auteur : Abdel Bari Atwan
* Abdel Bari Atwan est le rédacteur en chef du journal numérique Rai al-Yaoum. Il est l’auteur de L’histoire secrète d’al-Qaïda, de ses mémoires, A Country of Words, et d’Al-Qaida : la nouvelle génération. Vous pouvez le suivre sur Twitter : @abdelbariatwan
4 mai 2022 – Raï al-Yaoum – Traduction : Chronique de Palestine – Dominique Muselet