Par Asma Barakat
Depuis le mercredi 17 avril, de multiples campements de solidarité avec Gaza ont été installés sur les campus de la ville de New York par des étudiants qui manifestent contre le génocide. L’université de Columbia et le Barnard College ont vu s’installer les premiers camps de la ville de New York, suivis rapidement par l’université de New York (NYU), la New School, le Fashion Institute of Technology (FIT) et le City College of New York (CCNY).
S’inspirant des manifestations contre la guerre au Viêt Nam des années 1960 et 1970, les étudiants de tout le pays réclament un cessez-le-feu permanent et une Palestine libre, et veulent créer des « zones libérées » pour pouvoir entamer un dialogue émancipateur entre pairs et membres de la communauté.
Les étudiants du campement de Columbia – qui ont dû faire face à une des plus violentes répressions menées dans la ville de New York – se sont institués en « Université populaire pour la Palestine ».
Les étudiants veulent offrir un espace éducatif et informatif sur « Gaza, la Palestine, et la lutte pour la libération partout dans le monde ».
Chaque section de Students for Justice in Palestine (SJP) a dressé une liste de revendications et s’est fermement engagée à occuper son université jusqu’à ce que toutes les revendications soient satisfaites.
Les trois demandes formulées par le SJP de Columbia sont similaires à celles de la plupart des étudiants protestataires. Ils veulent que l’université dévoilent l’identité de ses donateurs, qu’elle se désengage d’Israël et qu’elle accorde l’amnistie à tous les étudiants et membres de la faculté qui défendent Gaza.
SJP a été le principal groupe à organiser ces campements, mais des centaines d’étudiants non affiliés, de professeurs et de membres de la communauté sont venus soutenir le mouvement.
Chacune de ces manifestations sur les campus s’est heurtée à la brutalité de la police, qui a perquisitionné les campements et arraché les tentes, certaines universités allant même jusqu’à suspendre les étudiants et les expulser des logements appartenant à l’université.
Mais, en dépit de la réprobation de la direction, les étudiants de Columbia ont voté pour que l’université coupe ses liens avec Israël, ce qui confirme une fois de plus la position de la grande majorité du corps étudiant.
Une organisatrice de SJP à l’Université de New York – qui a souhaité rester anonyme pour des raisons de sécurité – a parlé de son arrestation à la manifestation pour la Palestine.
Elle a raconté que la police de New York, formée par les forces d’occupation israéliennes, avait fait une descente dans le campement de l’Université de New York pendant la prière de Maghrib, le lundi 22 avril.
La présidente de l’Université de New York, Linda Mills, a dit aux étudiants que la police avait été déployée pour « empêcher les dégâts », mais l’organisatrice de SJP a souligné que c’était la police qui avait provoqué des dégâts.
Elle a certifié, en tant qu’infirmière mandatée, qu’il n’y avait aucune violence et que personne n’avait besoin de soins médicaux avant que la police de New York ne se déchaîne.
La nuit s’est terminée par l’arrestation de plus de 40 étudiants et membres de la faculté. Elle se souvient que le lendemain, l’université de New York a commencé à construire un « mur d’apartheid » sur la place Gould, où se trouvait le campement.
Elle rappelle, ironiquement, que le slogan de l’université de New York est « un campus sans murs ».
Lors de son interview avec Palestine Square, cette organisatrice a posé la question suivante : « Comment pouvons-nous être considérés comme des intrus sur notre propre campus, alors même que nous avons réglé nos frais de scolarité ? »
Elle a poursuivi en expliquant qu’il s’agissait d’une toute petite illustration de la manière dont les Palestiniens et leurs alliés sont privés du droit à l’existence. « NYU est complice de la colonisation et du suprématisme blanc. Les mesures prises par l’administration sont des mesures coloniales utilisées partout dans le monde.
Malgré les difficultés rencontrées par les étudiants protestataires à l’université de New York, elle considère que « c’est un honneur de lutter pour la Palestine ».
Elle assure à Palestine Square que les étudiants de NYU ne s’arrêteront pas tant que leurs quatre demandes n’auront pas été satisfaites ; la quatrième demande est spécifique à NYU et porte sur la fermeture du campus de NYU à Tel Aviv.
L’organisatrice basée à New York souligne que les étudiants protestataires ne doivent pas laisser les médias occidentaux relayer leur message et leurs revendications car les reportages médiatiques sont mensongers et racistes.
Ces médias prétendent notamment que les manifestations sont « antisémites » alors qu’en fait elles s’opposent au génocide et au sionisme.
« Nous devons combattre ce biais médiatique en restant maître de notre communication et en nous centrant Gaza et la Palestine », ajoute-t-elle.
« Beaucoup de gens se demandent pourquoi nous renonçons à nos études pour dormir sur le béton dans le froid. C’est parce que, dans ce campement, nous avons appris, en 15 heures, davantage, en matière d’humanité, de réciprocité et de liberté de pensée, qu’en cinq ans d’études dans cette institution dite ‘libérale’. Nous apportons notre contribution au mouvement de libération de la Palestine, et, en retour, la Palestine nous libère nous aussi ».
Lorsqu’on se rend aux protestations sur les campus de Columbia et de NYU, on constate deux grandes similitudes entre les deux : le soutien massif de la communauté d’une part et d’autre part la violence des manœuvres d’intimidation de l’administration de l’université et de la police de New York sur ordre du lobby israélien.
Des gens viennent apporter de la nourriture, de l’eau et d’autres produits de première nécessité au campement de Columbia, afin de soutenir les sit-in. La même solidarité et la même entre ’aide se sont manifestées à l’Université de New York dès le premier jour.
Certains de ces campements ont reçu tellement de soutien financier qu’ils ont pu envoyer des dons aux fonds d’entraide de Gaza, comme par exemple l’ont fait le SJP et la New School.
Ces manifestations étudiantes se sont étendues à l’Amérique du Nord et à l’Europe, renforçant ainsi le mouvement mondial de libération de la Palestine. Cela fait plus de 200 jours qu’Israël se livre au génocide des Palestiniens et il est clair maintenant que la Palestine ne retombera pas dans l’oubli.
Les étudiants, avec constance et persévérance, continuent de placer Gaza au cœur de leur mouvement pour la liberté.
Auteur : Asma Barakat
* Asma Barakat est la co-créatrice d'une archive d'histoire orale intitulée « Rooted in Palestine ». Asma est titulaire d'une maîtrise en sociologie de la New School et d'une licence en sciences politiques de l'université d'État de Montclair.
28 avril 2024 – The Palestine Studies – Traduction : Chronique de Palestine – Dominique Muselet