Par Amany Mahmoud
Des terrassements égyptiens au nord de la bande de Gaza ont fait apparaître un cimetière romain qui remonte à 2000 ans et qui contient près de 100 tombes.
GAZA – Un citoyen palestinien a récemment trouvé de grosses pierres anciennes dans un site archéologique mis à jour par des ouvriers égyptiens qui travaillaient à la construction d’une zone résidentielle dans le camp de réfugiés de Jabaliya, au nord de la bande de Gaza.
Une équipe d’archéologues dirigée par l’archéologue français René Elter s’est rendue sur le site le 26 juin, où elle a trouvé les vestiges de ce qui serait le plus grand cimetière de la bande de Gaza datant de l’époque romaine, qui, selon eux, remonterait à environ 2000 ans.
La bande de Gaza abrite toute une série de sites archéologiques majeurs enfouis sous l’étalement urbain.
Cette situation est le résultat de la négligence du gouvernement et d’autres autorités qui n’ont ni l’expérience, ni les connaissances nécessaires pour évaluer la valeur de ces antiquités.
Plusieurs sites ont également fait l’objet de fouilles et de pillages illégaux, et les avions israéliens ont bombardé des zones archéologiques situées à proximité de sites militaires des factions de Gaza.
Le cimetière est le deuxième à être découvert dans la région cette année. Après avoir inspecté le site récemment découvert, Elter a déclaré dans un communiqué de presse que le nouveau site contenait 100 tombes ; le premier cimetière, découvert à proximité, en contenait 40.
Toutes les tombes sont ornées de peintures multicolores et de couronnes de laurier, selon Elter.
Gaza a été le foyer de diverses civilisations anciennes au cours de l’histoire, et de nombreuses ruines romaines s’y trouvent, comme l’église byzantine du camp de Jabaliya. Une grande majorité des cimetières romains sont situés dans les zones côtières du nord de la bande de Gaza et près de l’ancien port d’Anthedon, le deuxième plus grand port de Gaza à l’époque romaine. Le port était une étape importante pour les marchands entre Gaza et les villes israéliennes actuelles.
Suite au conflit de mai 2021 entre les factions armées palestiniennes de Gaza et Israël, qui a provoqué la destruction massive de bâtiments résidentiels, l’Égypte a envoyé une équipe d’ouvriers et d’ingénieurs pour construire trois cités résidentielles dans le nord et le centre de la bande de Gaza.
Au cours des opérations de dragage, un ensemble de vestiges antiques datant de l’époque romaine a été mis au jour. Il s’agissait principalement de tombes, de vestiges d’églises et de pots en poterie contenant de l’or et des pièces de monnaie. Ces sites ont ensuite été fermés jusqu’à ce que les archéologues terminent les fouilles et transfèrent les objets en lieu sûr.
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Fin juin, le Comité de suivi de l’action gouvernementale à Gaza a publié un guide archéologique pour Gaza qui relate l’histoire des sites archéologiques, tant islamiques que chrétiens, et documente une partie des civilisations islamiques ayyoubide, mamelouke et ottomane. Le guide vise également à promouvoir et à faire connaître l’importance, la grandeur et le caractère ancien de la civilisation palestinienne.
Salam al-Fairani, un ouvrier gazaoui du bâtiment, a déclaré à Al-Monitor : « Je creusais avec des ouvriers égyptiens à plus de 4 mètres de profondeur pour construire une cité résidentielle égyptienne, et les bulldozers ont commencé à sortir de grosses pierres du sol. Au début, je n’ai pas réalisé qu’il s’agissait de pierres anciennes, mais il n’a pas fallu longtemps pour que des vestiges commencent à apparaître au fond. J’ai informé le responsable du site, qui a pris contact avec les autorités compétentes, qui, à leur tour, ont chargé l’organisation Première Urgence Internationale, spécialisée dans les antiquités, d’évaluer le site. »
Dans ce contexte, Fadl al-Atal, un expert en archéologie, a déclaré à Al-Monitor que le cimetière abritait les corps des habitants de la zone historique du port d’Anthedon à l’époque romaine, et que des travaux étaient actuellement en cours pour le protéger du pillage.
Selon Atal, des analyses sont en cours pour découvrir les propriétaires des tombeaux et leurs positions dans la société.
Gaza, a-t-il poursuivi, abrite de nombreux monuments anciens datant des époques byzantine, romaine, mamelouke, perse et cananéenne.
Beaucoup d’antiquités romaines, a-t-il ajouté, ont commencé à apparaître récemment, y compris des cimetières et des églises, entre autres. « Tous ces monuments et sites archéologiques font partie de l’histoire de notre peuple et de notre identité culturelle, et ils doivent être préservés et protégés », a ajouté Atal.
Il a souligné que, à cause du manque de surveillance de ces sites archéologiques, en particulier ceux situés sur le littoral et qui ont été emportés par les vagues de la mer, ainsi que de l’absence d’experts spécialisés dans ce type de fouilles, des Gazaouis ont sorti ces pierres et les ont vendues à des carrières qui les transforment en béton. Des objets anciens ont aussi été volés et vendus à des spécialistes.
Atal a poursuivi : « La bande de Gaza manque de musées en mesure d’accueillir des artefacts car l’archéologie n’y suscite pas un grand intérêt et il y a très peu d’experts et de spécialistes. »
Selon lui, le grand nombre de sites dans diverses zones de Gaza justifierait la formation d’équipes d’experts locaux capables d’organiser des fouilles, et de jeunes cadres gazaouis pour garantir la préservation des sites archéologiques et encourager la construction d’un musée.
Auteur : Amany Mahmoud
9 juillet 2022 – Al-Monitor – Traduction : Chronique de Palestine – Dominique Muselet