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A la date du 20 juin 2024, 152 journalistes avaient été assassinés à Gaza depuis le 7 octobre - Photo : Mahmoud Ajjour, Palestine Chronicle
Par Ali Abdel-Wahab
Au XXIe siècle, les télécommunications – et en particulier l’internet – sont devenues des outils indispensables dans la lutte mondiale pour la liberté et la dignité. Pour les Palestiniens de Gaza, qui ont enduré plus de 17 ans de blocus israélien et de nombreuses autres décennies d’occupation coloniale israélienne, l’internet est une bouée de sauvetage essentielle : un canal qui leur permet de communiquer avec le monde extérieur et de partager leur réalité avec un public international.
Conscient de son potentiel, le régime israélien cherche depuis longtemps à dominer et à supprimer le paysage numérique palestinien.
Les données du Bureau central palestinien des statistiques révèlent que l’utilisation d’internet parmi les personnes âgées de 10 ans et plus atteingnait environ 88 % en 2022 – 92 % en Cisjordanie et 83 % à Gaza.
Ces statistiques soulignent la dépendance croissante des Palestiniens à l’égard de l’internet pour l’éducation, le travail et le commerce, ainsi que son rôle essentiel dans la réduction de la fragmentation croissante de la société palestinienne en reliant les familles au-delà des clivages géographiques et politiques.
Pourtant, les Palestiniens de Cisjordanie et de Gaza sont confrontés à d’importants obstacles imposés par l’occupation israélienne pour l’accès numérique.
En Cisjordanie, le gouvernement israélien a imposé des restrictions aux entreprises de télécommunications palestiniennes qui n’ ont eu accès à la technologie 3G qu’en 2018 et à la 4G au début de 2023.
Dans le même temps, il a enfermé Gaza dans le passé, avec seulement un accès à la 2G, ce qui en fait l’une des régions les plus isolées au monde sur le plan numérique et depuis le début du génocide israélien à Gaza, ces défis numériques se sont transformés en une véritable crise.
Au moment de la publication, la mise en œuvre de la première phase de l’accord de cessez-le-feu entre le Hamas et le gouvernement israélien était en cours.
Cet accord intervient après que les Palestiniens de Gaza ont enduré une guerre génocidaire dévastatrice de 15 mois qui a coûté la vie à des dizaines de milliers de personnes et en a blessé une multitude d’autres.
Les bombardements intensifs d’Israël sur Gaza ont eu un effet catastrophique sur ses infrastructures, notamment sur le réseau de télécommunications. La destruction systématique et généralisée des infrastructures par les forces israéliennes a entraîné une diminution terrible de l’accès à l’internet et aux télécommunications, plongeant une grande partie de la population dans des coupures de communication prolongées.
Sans connectivité, les Palestiniens de Gaza n’ont pas pu accéder à des informations cruciales, demander de l’aide ou rester en contact avec leurs proches.
Le régime israélien a également gravement entravé le secteur de la santé, car la perte des réseaux de communication perturbe les interventions médicales d’urgence.
Bien que les municipalités aient pu améliorer quelque peu l’accès à l’internet, la connectivité globale reste limitée, tombant à 80 %.
Cette note politique examine l’impact dévastateur des actions du régime israélien sur l’infrastructure des télécommunications et l’accès à l’internet à Gaza :
- Elle situe l’attaque d’Israël contre le secteur des communications dans le cadre plus large du néocolonialisme.
- Elle explique comment la mainmise d’Israël sur l’infrastructure numérique palestinienne renforce son hégémonie politique et économique, qui est l’une des caractéristiques les plus importantes du projet colonial des colons sionistes.
- Elle met également en lumière la capacité de résistance des Palestiniens face aux coupures de communication imposées.
- Enfin, elle propose des recommandations concrètes à la communauté internationale pour qu’elle soutienne l’amélioration de l’accès numérique à Gaza et rompe sa dépendance technologique à l’égard d’Israël.
Le contrôle israélien sur le paysage numérique de Gaza
Le régime israélien exerce un contrôle étendu sur le paysage numérique de Gaza par le biais d’une stratégie à multiples facettes qui limite la capacité des Palestiniens à rester connectés les uns aux autres et au monde extérieur.
Ce règne israélien sans partage sur le paysage numérique de Gaza est maintenu en réduisant au minimum les avancées technologiques, en détruisant systématiquement les infrastructures de télécommunications, en entravant les réparations et en manipulant la connectivité pour servir ses intérêts.
Simultanément, le gouvernement israélien met en avant sa propagande, réduisant les Palestiniens au silence afin d’amplifier ses messages et de s’assurer la sympathie du monde entier.
Ces efforts entrecroisés ont des conséquences considérables pour les Palestiniens, qu’il s’agisse de leur vie quotidienne, de leur bien-être psychologique ou de leur image à l’échelle internationale.
Limiter les connexions et manipuler la connectivité
Depuis le début du siège de Gaza en 2006, le gouvernement israélien a délibérément pris pour cible l’infrastructure de télécommunications de la région, bombardant à plusieurs reprises des stations de transmission, des tours de relais et des installations cellulaires.
Ces attaques, associées à des coupures d’électricité délibérées, ont laissé l’infrastructure des télécommunications dans un état peu opérant.
Les fournisseurs de télécommunications palestiniens sont confrontés à de sévères restrictions sur l’importation d’équipements de réparation essentiels, tels que les câbles de fibre optique, ce qui aggrave encore les dommages causés par les attaques israéliennes.
En outre, le gouvernement israélien contrôle la sphère électromagnétique de Gaza, limitant fortement l’accès des Palestiniens aux fréquences radio et aux connexions internet.
En faisant passer toutes les connexions à fibre optique de Gaza par son territoire, le régime israélien assure une surveillance et un contrôle complets du flux d’informations.
Ce contrôle permet la manipulation délibérée de la connectivité, empêchant les Palestiniens de communiquer efficacement en cas de crise et supprimant leur capacité à s’organiser ou à résister à l’occupation.
Le contrôle de l’infrastructure des télécommunications en tant qu’outil colonial central ne se limite pas à cibler les tours de téléphonie cellulaire ou à bloquer les équipements essentiels. Le gouvernement israélien oblige les Palestiniens de Gaza à s’appuyer sur des technologies obsolètes telles que les réseaux mobiles 2G, qui les empêchent de communiquer entre eux et de se connecter au monde extérieur.
Ce contrôle technique reflète la tactique d’endiguement de l’occupation, qui consiste à maintenir Gaza suffisamment connectée pour survivre, mais suffisamment isolée pour restreindre son aspiration à la libération.
La restriction des télécommunications par Israël constitue un élément invisible de son occupation, où sont contrôlées non seulement les frontières physiques mais aussi l’espace numérique, transformant une technologie pouvant être un outil de libération en un outil de domination.
Cette tactique coloniale redéfinit le concept de censure, que le régime israélien déploie non seulement pour faire taire les voix du peuple indigène, mais aussi pour imposer une réalité dans laquelle les Palestiniens ne peuvent pas contrôler leurs moyens de communication.
Amplifier la perspective asymétrique d’Israël
Cette domination numérique joue un rôle essentiel dans la stratégie médiatique plus large d’Israël. En perturbant fréquemment l’accès à l’internet et aux communications, le régime israélien manipule le flux d’informations pour renforcer la propagande sioniste tout en dissimulant ses atrocités.
Les politiques du gouvernement israélien garantissent que les Palestiniens sont systématiquement réduits au silence, empêchés de partager leurs expériences avec la communauté internationale et contraints à un état de dépendance à l’égard de l’information.
Ce blocus et cet isolement délibérés de l’internet garantissent que les perspectives israéliennes dominent le discours mondial, marginalisant les voix palestiniennes et protégeant les actions israéliennes d’un véritable examen.
Le contrôle israélien du flux d’informations n’est pas seulement une politique du moment, mais fait plutôt partie d’une stratégie globale d’occupation numérique qui ouvre la voie à un contrôle total du paysage médiatique.
Le black-out médiatique imposé à Gaza permet à l’occupation de poursuivre sans relâche ses politiques génocidaires.
Les recherches révèlent que pendant les moments clés des offensives militaires, Israël perturbe non seulement la communication à l’intérieur de Gaza, mais bloque également l’accès aux plateformes numériques mondiales qui pourraient dénoncer ses violations.
En réduisant les Palestiniens au silence et en façonnant les perceptions mondiales, le régime israélien exploite le domaine numérique pour poursuivre ses objectifs de colonisation et d’occupation tout en présentant au monde une réalité faussée du siège.
Dans ce contexte, le contrôle du flux d’informations dans la sphère numérique est une extension de l’occupation militaire, Israël utilisant sa propagande comme moyen de remodeler la perception du conflit par le monde.
Alors que le régime israélien met en œuvre des obstructions numériques pour rendre peu perceptible le récit palestinien, il a également recours à des technologies avancées telles que l’intelligence artificielle pour analyser le contenu et surveiller la parole palestinienne sur les plateformes numériques.
Ces pratiques visent à contrôler ce qui est dit, comment et quand cela est dit. Notamment, cette stratégie repose sur les mêmes outils technologiques que ceux auxquels ّle gouvernement israélien refuse l’accès aux Palestiniens.
Alors qu’Israël développe son infrastructure numérique pour se présenter comme un paradis de haute technologie, il maintient Gaza dans un état de verrouillage numérique, où les voix palestiniennes sont bloquées et l’accès aux technologies les plus récentes est limité.
Les conséquences : isolement, aliénation et contrôle de la parole
L’impact du contrôle exercé par Israël sur la connectivité numérique de Gaza est profond et multiforme. D’un point de vue pratique, la destruction et la manipulation des infrastructures de télécommunications perturbent des aspects essentiels de la vie à Gaza, qu’il s’agisse des soins de santé, de la sécurité de l’emploi ou des capacités d’intervention d’urgence.
Sur le plan psychologique, le manque de connectivité favorise un sentiment de crainte et d’isolement, amplifiant les sentiments d’impuissance et de désorientation de la population.
Le régime israélien utilise les coupures de communication comme une forme de punition collective, car elles renforcent l’isolement des Palestiniens entre eux et avec le monde extérieur. Ces coupures les privent de contacts avec leurs familles et leurs amis qui pourraient les aider à atténuer l’impact du siège et des destructions.
Ce phénomène, souvent appelé « aliénation numérique », sape le tissu social essentiel à la survie collective et à la résistance sous l’occupation. En conséquence, les individus sont isolés de leur société et privés d’outils d’expression essentiels.
Tout bien considéré, l’internet est à la fois un outil de communication et un espace de résistance et d’existence. Lorsque le régime israélien prive les Palestiniens de leurs droits numériques, il les prive d’outils essentiels à l’autodétermination et de la possibilité de remettre en question la propagande de l’occupation.
Jusqu’en octobre 2023, ces efforts pour maintenir les Palestiniens déconnectés ont également contribué à un récit colonial dominant. En amplifiant sa propre position tout en réduisant les Palestiniens au silence, Israël est parvenu à s’attirer la sympathie d’une grande partie du monde et à éviter de devoir rendre compte de ses actions, en particulier dans la bande de Gaza sous blocus.
La prédominance du récit israélien a des implications sur le long terme, façonnant les perceptions de l’occupation et de la lutte palestinienne pour la libération au sens le plus large.
Les télécommunications au cœur du génocide
Depuis le début du génocide en octobre 2023, Israël a intensifié sa stratégie de suppression de la connectivité de Gaza, bombardant délibérément les infrastructures critiques pour renforcer l’isolement et perturber la résistance palestinienne à l’occupation et à la colonisation.
Le Centre arabe pour l’avancement des médias sociaux, 7amleh, a estimé que les forces israéliennes ont détruit plus de 50 % de l’infrastructure de télécommunications de Gaza et en ont endommagé 25 %. Ces chiffres sous-estiment probablement l’étendue de la dévastation, puisque PalTel, la plus grande entreprise de télécommunications de Palestine, indique que son réseau est toujours hors service à 80 %.
Dans un contexte de disponibilité minimale de l’électricité et de pannes répétées, les frappes israéliennes et l’embargo sur les matériaux de réparation ont fait échouer les tentatives de rétablissement des services.
Dans une escalade des plus cruelles, les forces israéliennes ont à plusieurs reprises pris pour cible et tué des réparateurs, même lorsque des organisations internationales ont communiqué leurs coordonnées à l’armée israélienne afin de garantir un passage sûr.
Les infrastructures qui ont survécu dépendent désormais presque entièrement de générateurs alimentés par de rares réserves de diesel, ce qui rend les services de télécommunications très dépendants de la disponibilité du carburant.
En mars 2024, on estimait que la reconstruction du secteur coûterait au moins 90 millions de dollars, mais le bilan financier va bien au-delà de la reconstruction. La valeur totale de toutes les infrastructures détruites par les forces israéliennes à Gaza s’élève à environ 18,5 milliards de dollars.
Le directeur exécutif de l’Autorité palestinienne de régulation des télécommunications a annoncé que les pertes directes et indirectes dans le secteur des télécommunications étaient estimées à un demi-milliard de dollars. Dans le même temps, l’ampleur de la dévastation menace la poursuite des services même après l’arrêt du génocide.
Les effets d’entraînement de cette destruction s’étendent à tous les secteurs critiques de Gaza, perturbant en particulier les soins de santé et les efforts humanitaires.
Des télécommunications solides sont essentielles pour coordonner les opérations médicales et de secours, et les interruptions de service ont mis d’innombrables vies en danger.
Les hôpitaux et les intervenants d’urgence ne peuvent pas communiquer efficacement ni coordonner les soins médicaux, ce qui empêche les patients d’avoir accès à une aide vitale.
Médecins sans frontières a confirmé que les coupures de communication compromettent les soins médicaux et exacerbent les souffrances des civils. Dans le même temps, l’Organisation mondiale de la santé a recensé de nombreux décès dus à l’impossibilité de contacter à temps les services médicaux d’urgence.
Dans un monde de plus en plus numérique, la crise des télécommunications à Gaza a également déstabilisé son secteur financier, aggravant les conditions économiques. Les pannes d’Internet ont interrompu les transferts de fonds internationaux et locaux, empêchant les Palestiniens d’accéder à leurs comptes bancaires ou d’effectuer des transactions financières essentielles. [1]
La fermeture effective du système bancaire de Gaza a déclenché une grave crise de liquidités, privant les familles de l’argent nécessaire à la satisfaction de leurs besoins essentiels.
Ces perturbations ont également eu un impact dévastateur sur l’emploi, en particulier chez les jeunes Palestiniens qui dépendaient auparavant du travail à distance pour subvenir à leurs besoins. Avec des taux de chômage dépassant 79 % avant octobre 2023, la programmation, la conception et la traduction à distance offraient de rares possibilités de revenus dans un territoire assiégé où les déplacements et la mobilité sont sévèrement limités.
Cependant, depuis le début du génocide, l’accès irrégulier à l’internet a contraint de nombreux travailleurs à distance à se mettre au chômage, éliminant ainsi une source de revenus vitale à un moment où la famine provoquée par Israël a fait grimper en flèche le coût des produits de première nécessité.
La désintégration des possibilités de travail à distance est particulièrement préjudiciable aux jeunes de Gaza, qui sont touchés de manière disproportionnée par la dévastation économique. L’impossibilité de gagner un revenu dans un contexte de flambée des prix des denrées alimentaires a conduit à une augmentation de la pauvreté et du désespoir parmi cette population en situation critique.
Cette aggravation des difficultés financières des Palestiniens est une conséquence délibérée de la stratégie coloniale d’Israël, qui vise à contrôler et à isoler la population de Gaza, aggravant ainsi les souffrances infligées par le siège et la violence génocidaire.
Les stratégies d’adaptation des Palestiniens
Malgré les énormes défis posés par l’imposition par Israël d’une coupure des communications, les Palestiniens de Gaza ont fait preuve d’une remarquable résistance à l’isolement tout au long du génocide. Ils ont su développer des stratégies innovantes pour communiquer entre eux et avec le monde extérieur :
- 1. L’utilisation de cartes SIM israéliennes : celles-ci offrent d’autres options de communication, mais sont périodiquement interdites ou suspendues par l’occupant israélien, ce qui met en évidence la dépendance imposée même dans les efforts déployés pour surmonter l’isolement.
- 2. L’utilisation de cartes SIM égyptiennes : dans le sud de Gaza, en particulier près de la frontière égyptienne, les Palestiniens ont utilisé des cartes SIM égyptiennes telles que Vodafone et Etisalat, ce qui leur a permis de bénéficier d’une connectivité même limitée.
- 3. La technologie eSIM : des puces numériques permettent de se connecter à des réseaux externes sans carte SIM physique. Cependant, cela nécessite de nouveaux smartphones coûteux et une activation préalable de l’internet, ce qui limite l’accessibilité.
- 4. Les réseaux WiMAX locaux : des familles et des entreprises ont mis en place de petits réseaux locaux qui utilisent les technologies WiMAX pour fournir un accès à l’internet dans une zone étendue. Toutefois, ces réseaux ne sont pas entièrement fiables en raison du contrôle israélien des lignes internet.
Malgré ces efforts d’adaptation pour contourner la coupure des télécommunications, les Palestiniens de Gaza ne peuvent toujours pas accéder librement à un internet stable ou à l’information.
L’infrastructure endommagée et les pannes constantes révèlent que ces stratégies d’adaptation sont des solutions temporaires, incapables de fournir une connectivité durable. La restriction de l’accès aux services de télécommunications fait partie de la stratégie de l’occupant visant à imposer aux Palestiniens un état de handicap permanent.
En d’autres termes, le gouvernement israélien contrôle et affaiblit délibérément l’infrastructure des télécommunications pour maintenir Gaza dans un état de dépendance technique.
Néanmoins, la résistance palestinienne à l’hégémonie israélienne dans les domaines de la technologie et de l’information ne consiste pas seulement à surmonter les obstacles techniques. Elle est essentielle pour contrer les efforts visant à isoler les Palestiniens et à supprimer leur droit à l’autodétermination.
À cet égard, les Palestiniens ont utilisé la technologie non seulement comme un moyen de survie, mais aussi comme un outil de fermeté et de défi qui remet en question la dépendance technologique qui leur est imposée par le régime sioniste.
Recommandations
Les recommandations suivantes visent à atténuer les effets de l’isolement numérique délibéré du peuple palestinien par le régime israélien. Elles visent à renforcer les capacités de communication en cas de crise et à amplifier le discours palestinien au niveau mondial en surmontant la dépendance technologique. Elles suggèrent également des moyens pour les Palestiniens de réclamer leurs droits numériques dans le cadre plus large de la lutte pour la libération.
- 1. Faciliter la livraison d’équipements essentiels par l’intermédiaire des organisations humanitaires : les organisations humanitaires internationales ayant accès à Gaza devraient faire tout leur possible pour assurer l’entrée d’équipements de télécommunications essentiels, notamment des appareils de communication sans fil, des téléphones satellites et des batteries rechargeables.
Ces organisations devraient travailler rapidement pour livrer ces équipements à Gaza. Il est essentiel de donner la priorité à la distribution de ces outils aux groupes les plus touchés et les plus vulnérables pour maintenir le flux d’informations. - 2. Organiser les réseaux de bénévoles et les ressources :avec la perturbation constante des services internet et de télécommunications, l’organisation de réseaux de volontaires au niveau local et de quartier devient cruciale. Ces réseaux peuvent aider à maintenir la communication au sein de la communauté en utilisant des technologies de base ou traditionnelles, telles que les téléphones mobiles Bluetooth, les systèmes de messagerie sans fil, les standards téléphoniques locaux ou de simples réseaux radio.
En outre, la mise en place de centres d’urgence numériques équipés de batteries de longue durée et de technologies de communication de base peut fournir des services essentiels pendant les situations d’urgence, en veillant à ce que les familles reçoivent en temps utile des informations sur la sécurité, la distribution de l’aide et les efforts de secours.
Ce réseau de communication au niveau local peut réduire de manière significative l’impact d’un isolement total pendant les attaques. - 3. Contourner les algorithmes des médias sociaux : compte tenu de la censure permanente et des restrictions algorithmiques imposées aux contenus palestiniens sur les plateformes de médias sociaux, il est essentiel de mettre en œuvre des stratégies permettant de contourner ces obstacles et d’accroître la portée des voix palestiniennes.
Des méthodes créatives, telles que l’utilisation de symboles alternatifs comme la pastèque, peuvent aider à contourner la détection automatique.
La diffusion de contenus sur plusieurs plateformes peut encore élargir leur portée, en veillant à ce que la censure numérique ne réduise pas au silence les récits palestiniens. - 4. Renforcer la pression internationale pour mettre fin aux attaques contre les infrastructures de télécommunications : les décideurs politiques mondiaux devraient exercer une pression continue pour exiger la fin des attaques israéliennes contre les infrastructures de télécommunications à Gaza.
Ils devraient également consacrer des ressources pour documenter les violations israéliennes et les soumettre à des organismes internationaux tels que le CDH.
Ces efforts devraient appeler à des mesures légales de responsabilisation pour le ciblage israélien des réseaux de communication essentiels. En effet, la communauté internationale doit tenir Israël pour responsable de la destruction d’infrastructures essentielles afin de le dissuader de recommencer à l’avenir. - 5. Renforcer la résistance numérique : le renforcement de la résistance numérique est essentiel à l’autonomisation des Palestiniens vivant sous le siège israélien. Cela implique une formation aux techniques de travail à distance, permettant aux individus de poursuivre leur travail et leurs études malgré les barrières physiques et technologiques imposées par l’occupation.
En soutenant les initiatives qui fournissent un accès aux services internet et à des espaces de travail sécurisés, on aide les Palestiniens à développer une économie numérique durable, qui leur offre une indépendance économique et des possibilités d’autosuffisance. Le renforcement de cette résistance améliore la vie quotidienne des Palestiniens et renforce leur capacité à contester l’occupation par le biais de la technologie. - 6. Recouvrer la souveraineté numérique : l’Organisation de libération de la Palestine et l’Autorité nationale palestinienne devraient faire valoir leur statut de membres des Nations unies pour exiger le droit du peuple palestinien à bénéficier du spectre électromagnétique en tant que ressource souveraine vitale pour le développement technologique et économique.
Il s’agit notamment de saisir les instances internationales, telles que l’Union internationale des télécommunications, pour obtenir des compensations pour les dommages subis par les entreprises du secteur privé en raison des restrictions israéliennes et de la destruction systématique des infrastructures.
Il faut également renforcer les efforts diplomatiques auprès des États membres pour qu’ils adoptent des résolutions condamnant ces restrictions et documentant les pertes économiques subies par les Palestiniens.
Les diplomates palestiniens devraient coopérer avec les organisations internationales et les experts pour souligner l’importance de la souveraineté numérique palestinienne et son rôle dans la promotion du développement durable. - 7. Investir dans la technologie : en coopération avec les établissements d’enseignement et le secteur privé, tout futur gouvernement palestinien doit adopter une stratégie nationale globale de transformation numérique qui s’aligne sur les exigences de la quatrième révolution industrielle.
Il s’agit notamment de numériser les services gouvernementaux et d’utiliser les technologies d’intelligence artificielle pour améliorer l’efficacité et la rapidité de la prestation de services, ainsi que de développer une plateforme nationale pour soutenir le travail à distance pour les nouveaux diplômés et les chômeurs.
Les crédits alloués à la recherche scientifique devraient également être augmentés pour soutenir l’innovation technologique et des centres de formation technique devraient être créés à l’intention des étudiants de tous âges.
Les lois et les législations devraient stimuler l’investissement dans le secteur technologique, en particulier les start-ups, et renforcer la cybersécurité pour protéger les données et les systèmes numériques palestiniens. - 8. Le recours aux logiciels libres : renforcer le recours aux logiciels libres est une étape stratégique vers l’indépendance technologique et la réduction de la dépendance à l’égard des technologies importées. Un futur gouvernement palestinien, en collaboration avec les établissements d’enseignement, devrait élaborer un plan intégré pour adopter des logiciels libres dans tous les secteurs, tout en proposant des programmes de formation aux jeunes pour qu’ils puissent développer et modifier ces logiciels dans des langages de programmation ouverts.
Il devrait également coopérer avec des entreprises internationales spécialisées dans les logiciels libres afin de les adapter aux besoins du marché palestinien. Cette étape nécessite la conception et le développement de solutions logicielles personnalisées pour divers secteurs palestiniens, en mettant l’accent sur le renforcement des capacités propres en matière de gestion de réseau et d’ingénierie des systèmes numériques.
Enfin, compte tenu des graves défis numériques auxquels sont confrontés les Palestiniens sous l’occupation israélienne, il est devenu impératif d’adopter des stratégies à long terme visant à atteindre l’indépendance technologique et à libérer l’économie et la société palestiniennes de la dépendance imposée.
Les recommandations ci-dessus ne se limitent pas à la résolution des crises actuelles, mais présentent plutôt des suggestions pour un avenir dans lequel les Palestiniens s’appuieront sur leurs capacités pour construire une économie numérique durable et une société capable de relever les défis technologiques.
Note :
[1] D’après un entretien avec des employés de la Banque de Palestine le 8 octobre 2024.
Auteur : Ali Abdel-Wahab
* Ali Abdel-Wahab, membre d'Al-Shabaka, intervient comme analyste de données et assistant d'évaluation et de suivi à l'Institut Tamer pour l'éducation communautaire à Gaza. Il est titulaire d'une licence en informatique et s'intéresse au monde des données, au big data et aux sciences sociales informatiques. Il a travaillé comme assistant de recherche dans plusieurs instituts palestiniens et européens et a écrit plusieurs articles et documents scientifiques. li Abdel-Wahab est également membre du forum politique de la jeunesse au centre Masarat de Gaza.
4 février 2025 – Al-Shabaka – Traduction : Chronique de Palestine – Lotfallah
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