Par Farah Najjar
Israël terrorise les Palestiniens d’Umm al-Hiran dans le but d’accélérer les plans de démolition, disent les habitants.
Dans le village bédouin d’Umm al-Hiran, les habitants disent que la clôture d’une enquête sur le meurtre de Yacoub Abu al-Qiyan est la preuve d’une stratégie plus large pour chasser les résidents de la communauté rurale.
Les forces israéliennes ont mortellement blessé Yacoub, un citoyen palestinien d’Israël âgé de 50 ans, en janvier lors d’un raid avant l’aube pour l’enlever de son domicile voué à la démolition. Cette démolition faisait partie du plan de l’État pour raser Umm al-Hiran, transférer ses habitants ailleurs et construire en lieu et place une nouvelle ville qui selon les Palestiniens, sera exclusivement réservée aux juifs israéliens.
La semaine dernière, les médias israéliens ont signalé que la police avait mis fin à son enquête sur le cas de Yacoub sans publier la moindre accusation. La police israélienne n’a pas fait d’annonce formelle, pas plus qu’elle n’a répondu à la demande d’Al Jazeera de fournir de plus amples explications.
Le Néguev : développement ou discrimination ?
La nouvelle a mis en colère les villageois – qui évoquent une impunité totale de la police israélienne dans le cas de meurtres de Palestiniens – mais ils restent résolus dans leur opposition aux plans de l’État pour Umm al-Hiran.
“Nous refusons absolument d’être transférés”, a déclaré à Al Jazeera Raed Abu al-Qiyan, le dirigeant de 40 ans du village et le neveu de Yacoub.
Selon une ordonnance de la Cour suprême de 2015, qui affirme que la terre appartient à l’État, celui-ci est autorisé à transférer de force les habitants du village. La décision de justice incite l’État à fournir des alternatives aux résidents, mais sans obligation de le faire.
L’État a depuis proposé de déplacer temporairement les 450 résidents du village vers le village voisin de Hura, à 8 km au sud d’Umm al-Hiran. Bien que les villageois rejettent l’offre proposée, légalement leur refus ne peut pas arrêter le processus d’expulsion.
Un ordre militaire de 1956 a déjà déplacé de force les résidents de leur village d’origine de Khirbet Zubaleh et les a obligés à déménager à Umm al-Hiran. L’ordre s’appliquait également à de nombreuses autres communautés bédouines.
Selon Myssana Morany, une avocate à Adalah, le Centre juridique pour les droits des minorités arabes en Israël, plusieurs gouvernements dans les dernières années ont refusé de reconnaître le village, lui interdisant de disposer d’infrastructures modernes et le rendant “illégal”, ainsi que des dizaines d’autres villages dans le Néguev.
Les habitants, installés ici depuis 61 ans, n’ont jamais reçu de titre de propriété légale. En 2003, l’État en a fait des “intrus”, déclenchant une bataille juridique. La décision de la haute cour de 2015 stipulait que les habitants n’étaient pas, en fait, des intrus, mais n’avaient aucune propriété légale sur le terrain.
Les autorités israéliennes appliquent régulièrement des ordres de démolition dans le Néguev au motif que ces villages n’ont pas de permis de construire, mais les habitants disent qu’il est impossible d’obtenir un permis pour construire légalement. Umm al-Hiran et quelque 40 autres villages bédouins “non reconnus” dans le sud de l’Israël, vivent par conséquent sous une menace permanente de destruction.
À ce jour, au moins 11 villages sur 36 sont officiellement prévus pour être démolis et remplacés par des villes israéliennes, selon une déclaration du conseil d’Umm al-Hiran publiée ce jeudi.
Raed explique que la construction de la nouvelle ville dans la région a commencé il y a plus de deux ans, et à ce jour, au moins deux des 150 maisons du village ont été détruites. Le Conseil national de la planification et du bâtiment d’Israël a déclaré aux villageois que leur transfert à Hura serait pour une période de sept ans, après quoi “des solutions peuvent être trouvées ou discutées”, a-t-il déclaré.
“Nous voulons être un village agricole arabe, nous ne voulons pas être poussés dans un quartier résidentiel urbain”.
Démolition de villages palestiniens bédouins dans le Néguev
Raed rapporte qu’au cours des deux dernières semaines, la police israélienne a arrêté quatre habitants du village pour avoir “incité à la violence”, une accusation qu’il qualifie de fausse. Les arrestations, dit-il, sont des tactiques utilisées par les autorités israéliennes pour faire pression et “terroriser” les habitants de façon à ce qu’ils acceptent un transfert.
Selon Raed, la police israélienne poursuit actuellement plusieurs autres villageois pour une arrestation immédiate.
La nouvelle ville construite à la place de Umm al-Hiran, qui s’appellerait Hiran, ne logerait que des juifs orthodoxes, selon une clause dans un ensemble de règlements publiés par l’Association coopérative Hiran et obtenue par Adalah. L’association, un comité d’habitants légalement autorisée, a le pouvoir de commercialiser les terres de l’État et de déterminer les conditions préalables au droit de résidence dans la nouvelle ville.
L’avocate d’Adalah, Suhad Bishara, qui représente les habitants d’Umm al-Hiran, déclare de son côté à Al Jazeera que les statuts pourraient être contestés devant les tribunaux.
“Notre position juridique est que cela, bien sûr, viole l’égalité … De tels règlements ne peuvent pas être valides légalement en raison du caractère raciste et discriminatoire de celui-ci contre quiconque n’est pas juif en Israël”, a-t-elle déclaré.
Selon la loi israélienne, nous dit Myssana Morany, les conditions de résidence du comité d’admission ne peuvent pas faire l’objet d’une discrimination fondée sur la “religion, la race ou la nationalité”, ce qui rend les exigences du conseil d’Hiran “illégales”.
Avant la décision de la Cour suprême de 2015, les habitants d’Umm al-Hiran s’étaient déjà battus pendant 13 ans dans une bataille juridique contre leur expulsion.
Dans une lettre envoyée au procureur général israélien Avichai Mandelblit plus tôt ce mois-ci, Adalah a demandé qu’il “prenne des mesures pour faire en sorte que les habitants d’Umm al-Hiran – qui vivent ici depuis 60 ans – soient inclus dans la planification générale de la nouvelle ville, ne soient pas transférés de force et se voient proposer une solution sans éviction”, a déclaré Bishara.
Adalah attend maintenant une réponse du procureur général, un processus qui pourrait prendre des mois. Les réponses détermineront comment Adalah s’attaquera à la légalité des statuts devant les tribunaux.
“Nous appelons à mettre un terme à l’incitation à la haine à l’encontre de la population arabe du Néguev”, a déclaré Raed. “Nous voulons vivre dans un pays qui respecte et reconnaisse toutes nos demandes, et respecte le mode de vie qui est le nôtre”.
Auteur : Farah Najjar
23 août 2017 – Al-Jazeera – Traduction : Chronique de Palestine