La dictature émiratie est une auxiliaire dévouée d’Israël et il est temps de l’isoler

24 février 2025 - Les Palestiniens qui retournent dans leurs maisons détruites vivent dans des conditions épouvantables dans le camp de réfugiés de Jabalia, au nord de Gaza. La situation humanitaire catastrophique est exacerbée par la pluie et les conditions hivernales. Quinze mois de bombardements israéliens incessants ont détruit la plupart des bâtiments et des infrastructures, et les habitants de Gaza n'ont toujours pas accès aux infrastructures de base, telles que les abris, l'eau et l'électricité. Les autorités de Gaza ont déclaré qu'Israël avait empêché l'entrée de la majorité des 200 000 tentes et 60 000 mobile homes convenus pour la première phase du cessez-le-feu, n'autorisant que 20 000 tentes et un petit nombre de mobile homes, dont aucun n'était utilisable. Des centaines de milliers de Palestiniens déplacés ont un besoin urgent d'abris adéquats. Aujourd'hui, cinq nouveau-nés palestiniens sont morts de froid. Saeed Salah, le directeur de l'hôpital caritatif Friends of the Patient, a déclaré lundi aux médias que trois des bébés étaient morts dans les heures qui ont suivi leur admission - Photo : Yousef Zaanoun / Activestills

Par Muhammad Jamil

Quiconque observe attentivement le comportement des dirigeants du régime émirati, en particulier sous la direction de Mohammed bin Zayed, dans la gestion des délicates questions régionales – au premier rang desquelles le conflit israélo-arabe – constatera que ce petit État n’a eu de cesse de trahir la cause palestinienne.

Les Émirats arabes unis ne sont pas seulement les pionniers de la normalisation avec l’État d’occupation, ils s’alignent complètement sur l’idéologie des extrémistes de droite qui cherchent à s’emparer de la terre de Palestine et de son peuple.

Les justifications présentées par le régime émirati pour la signature des accords d’Abraham – la poursuite de la paix dans la région et la défense des droits des Palestiniens– se sont révélées être des mensonges flagrants. Ce qu’Israël a fait en Palestine après l’accord a démontré exactement le contraire.

L’expansion des colonies s’est non seulement poursuivie, mais elle s’est intensifiée, tandis que les attaques des colons contre les civils palestiniens et la mosquée Al-Aqsa ont atteint des niveaux alarmants. Des rapports ont même fait surface, suggérant qu’Israël se préparait à construire le troisième temple sur le site de la mosquée Al-Aqsa.

Tout cela s’est déroulé sous l’œil vigilant de Mohammed bin Zayed, qui est resté totalement passif ; il n’a même pas émis une condamnation symbolique ni menacé de geler les accords. Au contraire, les relations entre les deux parties se sont renforcées.

Les visites de haut niveau se sont poursuivies, la coopération sécuritaire, militaire et économique a prospéré, et les hommes d’affaires émiratis ont investi dans les colonies israéliennes et financé des organisations de colons extrémistes.

Ce qui est particulièrement alarmant dans cette normalisation, c’est que le régime émirati l’a imposée à son peuple, interdisant toute forme de solidarité ou même de sympathie avec les Palestiniens sous peine d’emprisonnement ou d’expulsion.

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Pendant ce temps, les colons israéliens circulaient librement dans les Émirats arabes unis, organisant des célébrations de la Torah qui glorifiaient Israël, maudissaient les Arabes et leur souhaitaient la mort.

Mohammed bin Zayed ne s’est pas contenté de normaliser les liens dans son propre pays, au Bahreïn et au Maroc ; il a cherché à imposer la normalisation dans l’ensemble du monde arabe, par des mesures parfois incitatives, parfois coercitives.

Les Émirats arabes unis ont notamment joué un rôle singulier dans l’exacerbation du conflit entre le Maroc et l’Algérie, en poussant l’Algérie à mener une campagne médiatique exceptionnellement agressive [contre la dictature marocaine].

Ce schéma a perduré jusqu’aux événements du 7 octobre et l’agression brutale d’Israël contre Gaza qui a suivi et qui a duré plus de quinze mois.

Au cours de cette période, les forces d’occupation israéliennes ont commis des crimes sans précédent, des actes de génocide qui ont coûté la vie à des dizaines de milliers de femmes et d’enfants tout en détruisant plus de 80 % des infrastructures de Gaza.

Pourtant, malgré les images poignantes de meurtres, de destruction et de famine, le régime émirati est resté impassible, et n’a même pas eu l’humanité élémentaire de bouger un petit doigt pour dire à Israël « ça suffit ».

Il est choquant de constater que la normalisation s’est non seulement poursuivie, mais qu’elle s’est approfondie. Mohammed bin Zayed est resté inébranlable dans ses engagements envers les Israéliens et les Américains, comme promis dans les accords d’Abraham, garantissant que les liens entre les Émirats arabes unis et Israël ne seraient pas affectés, quelles que soient les actions israéliennes contre les Palestiniens.

Les affaires ont continué comme si de rien n’était, les délégations israéliennes participant activement aux expositions militaires et économiques, obtenant leurs propres pavillons, assistant à des conférences de haut niveau et bénéficiant du soutien total des Émirats. Les Émirats arabes unis ont même promu des images de ces événements, indifférents aux critiques.

Pendant ce temps, des pays géographiquement éloignés de la Palestine, comme l’Espagne, l’Irlande, la Norvège, le Honduras, la Colombie, la Bolivie et l’Afrique du Sud, ont élevé la voix contre les crimes israéliens, certains rompant même leurs relations diplomatiques.

Lorsque les Houthis ont pris pour cible les navires se dirigeant vers Israël via le détroit de Bab al-Mandeb, provoquant des pénuries d’approvisionnement en Israël, Mohammed bin Zayed s’est précipité à la rescousse.

Il a établi un corridor terrestre traversant les Émirats arabes unis, l’Arabie saoudite et la Jordanie jusqu’à la Palestine occupée afin de garantir l’acheminement des biens essentiels, un effort qui a largement contribué à empêcher l’effondrement de l’économie israélienne.

Pour masquer leur complicité, les Émirats arabes unis ont lancé une campagne humanitaire baptisée « Chevalier vaillant », qui n’avait rien à voir avec son nom. Ce n’était rien d’autre qu’un effort de propagande pour blanchir les crimes du régime émirati.

Les témoignages recueillis à Gaza et les rapports internationaux ont confirmé que, tout au long des 15 mois de guerre, les pénuries de nourriture, de médicaments et de carburant n’ont fait qu’empirer, et que la soi-disant aide des Émirats arabes unis pour atténuer la crise humanitaire a été négligeable.

En outre, la machine médiatique émiratie a relayé sans relâche les récits israéliens, dépassant souvent les médias israéliens en termes d’hostilité à l’égard des Palestiniens.

Les Émirats arabes unis ont activement œuvré pour saboter toute tentative de résolution sérieuse lors des sommets arabes et islamiques, ainsi que dans les forums internationaux convoqués pour traiter du génocide.

Dans son livre The War, publié en octobre 2024, le journaliste d’investigation américain Bob Woodward a révélé la véritable position du régime émirati sur le génocide. Il a révélé qu’à huis clos, les conversations privées de Mohammed bin Zayed étaient en contradiction flagrante avec ses déclarations publiques.

Lors d’une réunion avec le secrétaire d’État américain Antony Blinken, Mohammed bin Zayed aurait déclaré : « Israël doit être patient : il dispose de tout l’espace nécessaire pour terminer le travail et éliminer les factions de Gaza. Il faudrait qu’Israël nous permette d’envoyer de l’aide pour maintenir le soutien de l’opinion publique pendant ce temps ».

En outre, les Émirats arabes unis ont exercé une pression active sur des pays par l’intermédiaire des canaux diplomatiques pour qu’ils adoptent le discours israélien et s’abstiennent de prendre des mesures à l’encontre d’Israël.

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Ils ont même tenté de contraindre l’Afrique du Sud à retirer sa plainte contre Israël devant la Cour internationale de justice. Cependant, l’Afrique du Sud a refusé de céder, restant ferme dans sa bataille juridique – une bataille qui, de manière révélatrice, n’a été soutenue, dans le monde arabe et musulman, que par la Turquie et la Libye.

Malgré tous leurs efforts pour garantir la poursuite du génocide israélien, les Émirats arabes unis ont finalement échoué. À l’approche de son retour à la Maison-Blanche, Donald Trump a exercé des pressions en faveur d’un cessez-le-feu et a finalement obtenu une trêve fragile.

Mais quelques jours après son entrée en fonction, Trump a dévoilé une nouvelle proposition choquante : le déplacement massif de la population de Gaza. Interrogé sur ce plan, l’ambassadeur émirati aux États-Unis, Yousef Al Otaiba, a déclaré : « C’est difficile, mais il n’y a pas d’autre solution ! »

Cette déclaration dangereuse, célébrée par Trump sur sa plateforme, et l’échec du régime émirati à prendre des mesures contre son ambassadeur, confirment que les Émirats arabes unis restent engagés dans une voie singulière au service des agendas des États-Unis et d’Israël dans la région.

La rhétorique creuse sur la défense des droits des Palestiniens dans les forums internationaux n’est rien d’autre qu’une manipulation flagrante.

Il est désormais évident que le régime émirati ne renoncera jamais à la normalisation avec Israël, car sa survie est liée au sort de l’État d’occupation sous protection américaine.

Les Émirats arabes unis, de plus en plus qualifiés d’État voyou en raison des ravages qu’ils ont causés dans les pays voisins, ne peuvent se permettre de rompre cette sinistre alliance, sachant que, dès qu’ils le feront, les peuples auxquels ils ont nui se soulèveront contre eux.

Nous sommes conscients que les régimes arabes ne sont pas innocents dans leurs relations avec Israël, que ce soit en secret ou en public. La Jordanie et l’Égypte, toutes deux liées par des traités de paix avec Israël, ont maintenu leurs accords indépendamment des événements en Palestine.

Cependant, ils ont adopté une position ferme contre le plan de déplacement de Trump et n’ont pas utilisé leurs ressources pour alimenter les conflits régionaux comme l’ont fait les Émirats arabes unis.

Il est également bien connu que ces régimes, sans exception, ont perpétré d’innombrables crimes contre leur propre peuple pendant des décennies, simplement parce qu’ils réclamaient un changement.

Lors des soulèvements du printemps arabe, ces régimes, financés par les fonds émiratis, ont écrasé les révolutions par la violence, l’emprisonnement et la torture, renforçant ainsi la dictature, la corruption et le pillage économique.

Compte tenu des dégâts considérables causés par le régime émirati au niveau national et régional, l’isoler est devenu une nécessité urgente. Son ingérence, en particulier dans la cause palestinienne, doit cesser.

Si les États arabes conservent une once de dignité, ils ne doivent plus tolérer les actions dangereuses des Émirats arabes unis.

La voie qu’ils ont choisie pour s’aligner sur Israël va à l’encontre de la logique, la morale et l’éthique. Les Émirats arabes unis doivent rendre des comptes et faire face aux conséquences de leurs actes.

Le monde arabe n’a pas besoin des Émirats arabes unis, surtout au moment où des pays non arabes ont adopté des positions honorables. Tous ces pays devraient s’engager dans des efforts conjoints pour contrer les menaces imminentes.

L’ordre politique arabe – et même mondial – est dans une grande fragilité au moment même où Trump reprend le pouvoir. Sa politique étrangère est dictée par la force brute et les accords commerciaux, n’offrant aucune garantie de protection des États-Unis.

L’Ukraine a été abandonnée du jour au lendemain. L’Union européenne est confrontée à des menaces existentielles. Trump considère le Canada comme son prochain État client. Compte tenu de leurs antécédents en matière de trahison d’alliés proches, les Émirats arabes unis et d’autres pays ne devraient-ils pas être ostracisés ?

Les dirigeants arabes doivent revoir leurs stratégies et donner la priorité aux intérêts de leurs peuples au lieu de servir aveuglément les objectifs des États-Unis et d’Israël. Les décennies d’effusion de sang, de pillage et de destruction doivent prendre fin.

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Il est temps de se libérer de l’emprise américaine et de forger des alliances indépendantes fondées sur le respect mutuel et des principes clairs qui défendent les droits et la souveraineté des nations.

Le sommet arabe d’urgence, initialement prévu le 27 février mais reporté au 4 mars en réponse à la proposition de Trump, faisait suite à une réunion des dirigeants du Conseil de coopération du Golfe à laquelle participaient l’Égypte et la Jordanie et qui s’est achevée sans déclaration officielle.

Cependant, au lieu d’être reporté, le sommet aurait dû être convoqué immédiatement après l’annonce du fragile accord de cessez-le-feu.

L’accent aurait dû être mis sur le renforcement du cessez-le-feu et la mise en œuvre de mesures concrètes visant à apporter une aide humanitaire et à reconstruire Gaza, plutôt que de réagir à une proposition qui n’avait pas d’avenir.

Ce serait, en effet, une grave erreur d’organiser le sommet uniquement pour répondre au plan de Trump – car ce plan est déjà dans les poubelles de l’histoire.

Ceux qui se préparent à participer à ce sommet doivent se rendre compte que la proposition de Trump n’est rien d’autre qu’une manœuvre tactique pour les pousser à affronter le peuple palestinien et à intervenir militairement pour démanteler les factions palestiniennes à Gaza. Il ne faut pas qu’ils tombent dans ce piège.

Le sommet devrait plutôt donner la priorité à la consolidation du cessez-le-feu, à l’obtention de l’aide humanitaire pour la population de Gaza, au lancement de la reconstruction et à la prise de mesures décisives pour mettre fin au génocide rampant en Cisjordanie.

Il est désormais indéniable que Netanyahu et son gouvernement d’extrême droite sont constamment à la recherche d’opportunités d’expansion et d’agression. Leur quête de normalisation n’est qu’un outil pour réaliser leurs ambitions territoriales messianiques.

S’il y a un résultat positif au plan de Trump, c’est qu’il a révélé les véritables intentions de Netanyahu. Il a accueilli la proposition avec enthousiasme et, avec une audace effrontée, a même suggéré d’établir un État palestinien en Arabie saoudite.

L’Arabie saoudite était le prochain pays à faire l’objet d’une normalisation. Les deux parties avaient réalisé des progrès significatifs lors de réunions secrètes et publiques et la finalisation du projet était dangereusement proche.

C’est pourquoi le sommet arabe doit être à la hauteur des défis à venir.

Netanyahu et son gouvernement sont prêts à recommencer le carnage. Leur mépris flagrant pour la première phase de l’accord de cessez-le-feu est évident, et ils continuent d’imposer des conditions impossibles pour la seconde phase, signalant ainsi leur intention de perpétuer la violence. Cela exige une résistance ferme et décisive, et peut-être même une intervention militaire.

Il serait honteux que les dirigeants arabes restent une fois de plus les bras croisés alors que Netanyahu reprend le génocide qu’il a commencé il y a 16 mois.

1er mars 2025 – Middle East Monitor – Traduction : Chronique de Palestine – Dominique Muselet

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