Par Ramzy Baroud
Mais un autre échange de prisonniers similaire à celui d’octobre 2011 aura-t-il bientôt lieu ?
Le 9 juillet, les médias palestiniens et israéliens ont fait état d’une communication du gouvernement israélien envoyée au mouvement palestinien du Hamas par un intermédiaire. Elle comprenait une offre israélienne d’échanger les corps des Palestiniens détenus en Israël contre les corps de deux soldats, Oron Shaul et Hadar Goldin.
Alternativement, Israël offre la libération de certains prisonniers palestiniens détenus dans les prisons israéliennes, à condition qu’ils n’aient “pas de sang sur les mains”, une référence israélienne aux prisonniers palestiniens qui n’ont pas pris part aux attaques directes qui auraient pu conduire à la mort de soldats israéliens d’occupation ou de colons juifs illégaux et armés.
Le Hamas et d’autres organisations ont rapidement rejeté la proposition israélienne, ne la considérant pas comme un point de départ pour une négociation sérieuse. Le groupe palestinien avait déjà indiqué qu’il ne négocierait aucun accord d’échange de prisonniers avec Israël tant que ce dernier ne libérerait pas un grand nombre de prisonniers palestiniens qui ont été enlevés à nouveau dans les mois et les années qui ont suivi l’échange de 2011.
Ce qui était alors appelé par Israël “l’accord Gilad Shalit” a vu la libération de 1027 prisonniers palestiniens en échange de la libération d’un soldat israélien, Gilad Shalit, qui avait été capturé par des combattants palestiniens de la résistance près de la clôture entre Gaza et Israël en 2006.
Cependant, alors que les Palestiniens célébraient encore le retour de centaines de leurs proches, Israël a commencé à ré-arrêter un grand nombre de prisonniers nouvellement libérés sous divers prétextes, rendant ainsi l’accord sans signification.
De plus, Israël a rapidement commencé à remplir ses prisons avec de nouveaux arrivants, de différentes organisations palestiniennes, des deux sexes et de tous les groupes d’âge.
Lors de l’échange de 2011, Israël a également refusé de libérer des personnalités politiques palestiniennes de haut niveau du Fatah, du Hamas, du Front populaire de libération de la Palestine (FPLP), du Jihad islamique et d’autres groupes. Cette décision a bloqué les négociations pendant des mois, et a illustré la volonté israélienne d’utiliser de nombreuses personnalités palestiniennes de premier plan comme monnaie d’échange pour de futures négociations.
On trouve entre autres, parmi ces prisonniers : le dirigeant le plus populaire du Fatah, Marwan Barghouti, et le principal dirigeant du FPLP, Ahmad Sa’adat.
En 2014, Israël a également arrêté à nouveau Nael Barghouti, à son domicile à Kobar près de Ramallah, faisant de lui le plus ancien prisonnier palestinien dans les prisons israéliennes. Barghouti est une monnaie d’échange particulièrement importante pour Israël.
Il faut dire que la raison pour laquelle Israël peut être généreux dans ces échanges de prisonniers n’est pas due, comme certains le prétendent, à l’idée qu’Israël accorde une telle importance à la vie de ses citoyens qu’il est prêt à les échanger avec un nombre sans commune mesure de Palestiniens.
Si cette idée était correcte, pourquoi Israël transfère-t-il alors ses propres citoyens, y compris des enfants, dans des colonies juives illégales dangereuses et hautement militarisées en Cisjordanie ?
Si Israël attachait vraiment de l’importance à la vie de ses citoyens, il aurait depuis longtemps démantelé les colonies illégales et tenté, en toute sincérité, de parvenir à un accord de paix équitable avec les dirigeants palestiniens.
En lieu et place, les dirigeants israéliens, qui déclenchent souvent des guerres pour en tirer des bénéfices politiques – comme Netanyahu l’a fait à plusieurs reprises dans le passé – utilisent les échanges de prisonniers également comme un moyen de gagner un capital politique et une couverture médiatique favorable.
Nétanyahou, dont l’image a été considérablement ternie en raison de son enquête et de son procès en cours pour corruption, s’efforce de détourner l’attention de ses ennuis personnels en fixant l’attention ailleurs. Maintenant que son projet d’annexion illégale des terres de Cisjordanie a été reporté, il a désespérément besoin d’une autre initiative qui le présenterait comme une sorte de héros aux yeux des Israéliens, en particulier de son électorat d’extrême-droite.
Outre les corps des deux soldats, deux Israéliens, Avram Avera Mengistu et Hisham al-Sayed, qui auraient franchi par erreur la clôture pour entrer dans la bande de Gaza, sont également détenus dans le territoire assiégé. Les images télévisées de deux cercueils, drapés de drapeaux israéliens, ainsi que de deux autres Israéliens remis en liberté seraient certainement un énorme coup de pouce pour le dirigeant israélien en difficulté.
Les groupes palestiniens à Gaza le comprennent bien. Ils savent aussi qu’une telle opportunité pourrait ne pas se représenter avant des années. C’est pourquoi ils tiennent à ce qu’un futur échange de prisonniers résolvent trois points majeurs : premièrement, la libération de tous les prisonniers ré-arrêtées depuis 2011 ; deuxièmement, la libération d’autant de Palestiniens que possible sur les plus de 5000 actuellement détenus dans les geôles israéliennes; et, enfin, la libération des prisonniers palestiniens de premier plan représentant les différentes organisations de l’OLP et des courants islamiques.
Ce dernier point, en particulier, est de grande importance, car les rivaux traditionnels, le Hamas et le Fatah, ont activement maintenu un front politiquement uni face à l’annexion imminente par Israël de près de 30% de la Cisjordanie. La libération des principaux dirigeants du Fatah, comme Marwan Barghouti par exemple, aura un impact positif immense sur le moral de l’opinion publique palestinienne, en particulier parmi les partisans du Fatah, en stimulant les pourparlers d’unité comme jamais auparavant.
Israël, bien évidemment, fera tout son possible pour empêcher les Palestiniens d’unifier leurs rangs politiques mais, compte tenu du fait que les Palestiniens détiennent quatre Israéliens à Gaza, les cartes ne sont pas entièrement entre les mains de Netanyahu.
Cela ne veut pas dire que les groupes palestiniens ne subissent pas eux aussi une certaine pression. Les familles des milliers de Palestiniens emprisonnés attendent désespérément de bonnes nouvelles concernant leurs proches, d’autant plus que les conditions sanitaires des prisonniers se détériorent en raison de la propagation de la pandémie de coronavirus.
Le 9 juillet, Saadi al-Gharably est mort au centre médical de Kaplan, en raison de ce que le Palestinian Prisoners Advocacy Group dénonce comme une “négligence médicale”. Plus tard, le prisonnier Kamal Abu Wa’ar, originaire de la région de Jénine et malade du cancer, a été testé positif pour le COVID-19.
Divers signes indiquent qu’un échange de prisonniers entre Israël et des groupes palestiniens est sur le point de se conclure. La question est de savoir si Nétanyahu va sortir sa carte politique gagnante maintenant, ou s’il va attendre un moment où il en aura encore plus besoin ?
* Ramzy Baroud est journaliste, auteur et rédacteur en chef de Palestine Chronicle. Son dernier livre est «These Chains Will Be Broken: Palestinian Stories of Struggle and Defiance in Israeli Prisons» (Pluto Press). Baroud a un doctorat en études de la Palestine de l’Université d’Exeter et est chercheur associé au Centre Orfalea d’études mondiales et internationales, Université de Californie. Visitez son site web: www.ramzybaroud.net.
22 juillet 2020 – RamzyBaroud.net – Traduction : Chronique de Palestine – Lotfallah