La victoire du jeune Gabriel Boric au Chili est un encouragement, un espoir pour un peuple qui a peut-être été l’un des plus touchés par les inégalités au cours des quatre dernières décennies d’imposition du modèle néolibéral.
Gabriel Boric, un député de gauche qui s’est montré très critique à l’égard d’Israël et qui soutient également la campagne de boycott des produits provenant des colonies israéliennes en Palestine occupée, a été élu président du Chili à l’issue d’une victoire écrasante.
Boric, âgé de 35 ans, qui s’est fait connaître comme dirigeant étudiant, a obtenu 56% des voix, soit 12% de plus que Jose Antonio Kast, un politicien de droite et pro-israélien.
Boric, qui deviendra le plus jeune président de l’histoire du Chili, est depuis longtemps un critique d’Israël. En tant que député, il a soutenu un projet de loi proposant un boycott des produits israéliens provenant des colonies de Jérusalem Ouest et Est sous occupation, ainsi que du plateau du Golan occupé par Israël.
Ce pays qui, en 1973, a subi un coup d’État militaire contre le gouvernement socialiste de Salvador Allende, a connu la plus barbare des dictatures où régnaient en maître la criminalité, les enlèvements, la disparition de personnes et la suspension de toutes sortes de libertés et de droits.
Et tout cela – y compris le coup d’État militaire – a été réalisé avec l’approbation et la complicité de la CIA et du gouvernement américain.
Non seulement un général fasciste a dirigé ce pays, mais, avant de quitter le pouvoir en 1990, il a laissé en héritage une Constitution taillée sur mesure pour ses excès, et des institutions armées telles que les carabineros, chargées de réprimer le peuple.
La Constitution de l’ère Pinochet et l’appareil policier répressif font toujours partie de la scène chilienne actuelle, 48 ans après le coup d’État fasciste. Un nouveau texte constitutionnel est en cours d’élaboration par une large commission qui le soumettra à un référendum.
Quant aux carabineros, il faut se souvenir de leurs actions les plus récentes, comme celles de 2019, lorsqu’ils ont violemment attaqué de grandes manifestations populaires pacifiques réclamant au gouvernement de l’actuel président Sebastián Piñera, des changements économiques et sociaux.
Ils ont blessé plus de 400 personnes qui ont perdu un œil ou les deux à cause des plombs et des balles que leur ont tirés les forces en uniforme.
Telle est la réalité que Gabriel Boric, qui entend représenter le peuple après avoir remporté plus de 55% des voix, devra affronter à partir de maintenant, et surtout à partir du moment où il prendra le pouvoir au Palais de la Moneda, à la tête d’un rassemblement politique avec des secteurs du centre et de la gauche.
L’expérience de plus de 30 ans de “gouvernements démocratiques” qui ont promis beaucoup et n’ont pas fait grand-chose sur la scène chilienne, devrait inciter à aller vers l’inclusion, tant de ses partisans que des autres formations politiques qui sont aujourd’hui majoritaires au Parlement, avec lequel le jeune président devra traiter pour faire approuver les projets et les lois nécessaires sur le chemin de la construction d’un nouveau pays.
Une grande oligarchie – très représentative du système qui règne au Chili – encouragée pendant les années de dictature par les ainsi-nommés “Chicago Boys” et leur modèle économique prédateur et d’exclusion, verra certainement l’arrivée au pouvoir de jeunes et de personnes de gauche comme une réelle menace pour leurs intérêts économiques et leurs privilèges sociaux.
La vitrine du néolibéralisme qu’est devenu le Chili est en train de trembler sur ses bases alors que, dans le même temps, les couches humbles de la campagne et de la ville voient avec espoir l’arrivée de nouvelles opportunités jamais permises pendant la dictature, ni pendant les gouvernements néolibéraux qui ont suivi.
Mais Gabriel Boric doit emprunter un chemin plein d’embûches dans les circonstances actuelles du Chili, où gouverner ne sera pas seulement un art et un effort, mais un engagement à faire le bien.
Je me souviens à ce moment-là du transfert de gouvernement de la dictature de Pinochet à la soi-disant “démocratie”, dirigée à l’époque par le président Patricio Aylwin. C’était le 11 mars 1990. J’y suis allé en tant que journaliste pour faire un reportage sur ce changement de gouvernement.
J’y ai entendu des discours et des promesses qui ne m’ont jamais semblé réalisables par ceux qui prétendaient le faire depuis les positions d’une soi-disant “démocratie” engagée, non pas envers le peuple, mais envers les grands intérêts économiques, et très liée à ce que dictaient les États-Unis.
Il y a eu plusieurs gouvernements, mais le programme économique et social néolibéral de l’ère Pinochet et ses structures gouvernementales et militaires sont restés inamovibles.
Briser cette inertie, et le faire de manière inclusive dans un Chili qui en a besoin, sera le grand défi de Gabriel Boric, âgé de 35 ans, élu par le peuple à la présidence du Chili.
Auteur : Elson Concepción Pérez
21 décembre 2021 – Granma – Traduction : Chronique de Palestine – Lotfallah