Par Ramzy Baroud
Ce n’est un secret pour personne que le comportement politique de Netanyahu est presque entièrement conditionné par sa volonté de rester au pouvoir aussi longtemps que possible afin d’éviter une éventuelle peine d’emprisonnement. Mais combien de temps cette “anguille” parviendra-t-elle à survivre, maintenant que la date de son procès a été fixée ?
Après des mois de négociations avec les têtes politiques du pays, d’une part, et de discours destinés à son propre courant de droite d’autre part, Netanyahu n’a pas réussi à créer l’élan nécessaire qui le mettrait à l’abri de poursuites et garantirait son maintien aux commandes de la politique israélienne.
Après avoir échoué à former un gouvernement après les élections d’avril, Netanyahu a magistralement lié son sort de Premier ministre à toutes les questions politiques israéliennes, internes et externes.
Pourtant, il est peu évident que les avancées diplomatiques et financières de Netanyahu aient donné les résultats escomptés en augmentant son soutien parmi les Israéliens, d’autant plus que Benny Gantz, qui dirige le parti Kahol Lavan (Bleu et Blanc), a poursuivi son chemin toujours plus à droite, sapant lentement le soutien de Netanyahu dans tous les secteurs de la société israélienne.
Les élections de septembre ont démontré la capacité de Gantz à contrebalancer les divers avantages politiques de Netanyahu aux yeux des électeurs israéliens.
Les Israéliens retourneront dans les bureaux de vote le 2 mars pour leurs troisièmes élections générales en moins d’un an. Dans ce court laps de temps, Gantz a réussi à modifier à plusieurs reprises son image pour se comporter comme un politicien d’extrême-droite, tout en se présentant comme un centriste, prêt à s’engager avec la gauche afin de construire une future coalition gouvernementale.
Sachant que le nœud coulant s’est resserré autour de son cou depuis les premières élections d’avril, Netanyahu a eu recours à Washington pour que celui-ci rende public son soi-disant “accord du siècle“.
En effet, le “plan pour le Moyen-Orient” a été rendu public plus tôt que prévu pour fournir au leader israélien aux abois une dernière bouée de sauvetage qui l’aiderait à remporter ses multiples bagarres avec un coup décisif.
Hélas, pour Netanyahu, les choses ne se sont pas déroulées comme prévu.
L’histoire était censée se dérouler comme suit : 1) l’administration Donald Trump révéle le plan qui donnerait tout à Israël et ne donnerait rien aux Palestiniens, 2) Netanyahu prendrait naturellement tout le crédit de sa plus grande réussite au pouvoir et suivrait ce plan en annexant toutes les colonies juives illégales en Cisjordanie, en plus de toute la vallée du Jourdain.
Mais ce n’est pas la façon dont les choses se sont passées. Le 4 février, Netanyahu est revenu sur sa première décision d’annexer une grande partie de la Cisjordanie avant les élections. Au lieu de cela, il a déclaré lors d’un rassemblement électoral que cette annexion était conditionnée à sa victoire électorale.
Alors que de nombreux médias ont spéculé, sans aucune preuve, que le report de l’annexion était le résultat d’une sollicitation de Washington, la vraie raison est probablement liée aux propres problèmes politiques de Netanyahu chez lui.
Netanyahu doit être conscient que les cartes à jouer du “Deal du siècle” et de l’annexion de la Cisjordanie sont son dernier espoir d’arracher une victoire électorale confortable, de se voir accorder l’immunité et d’éviter de devoir purger une peine de prison pour corruption.
Mais, que se passerait-il si Netanyahu annexait des parties de la Cisjordanie sans pour autant remporter les élections? Dans ce scénario, le leader israélien poursuivi par la justice n’aurait plus de marge de manœuvre et aucun avantage politique à faire valoir dans un futur marchandage.
Cela explique la temporisation soudaine du projet d’annexion de Netanyahu, d’autant que le Premier ministre avait, lors d’un récent rassemblement électoral, présenté l’annexion sous la forme d’un troc politique.
“Lorsque nous gagnerons, nous étendrons la souveraineté sur toutes les communautés juives de Judée-Samarie”, a déclaré Netanyahu, en référence à l’annexion de la Cisjordanie palestinienne occupée.
En prix de consolation et pour éviter les réactions de colère de la frange de l’électorat la plus à droite du pays, en particulier les colons juifs politiquement bien organisés, Netanyahu a annoncé le 20 février qu’il relancerait un plan en sommeil depuis longtemps en faisant construire 3000 nouvelles unités d’habitation pour les colons juifs illégaux dans Jérusalem Est.
“Aujourd’hui, j’ai approuvé la construction à Givat Hamatos de 3000 logements pour les Juifs”, a rapporté Reuters, avec 2000 logements supplémentaires qui devraient également être construits dans la colonie illégale de Har Homa.
Ces mesures sont particulièrement importantes, car de telles constructions isoleront complètement la ville palestinienne de Bethléem de Jérusalem-Est occupée, tuant ainsi tout espoir de contiguïté territoriale palestinienne dans tout État futur.
Les adversaires de Netanyahu dans l’opposition, le gouvernement et la Cour suprême se méfient, bien entendu, des manigances de Netanyahu.
Alors que Gantz répond souvent aux initiatives opportunistes de Netanyahu en faisant le plus souvent en faisant de la surenchère par rapport aux positions de son adversaire, le soutien de la Knesset au Premier ministre particulièrement tiède. En fait, le 28 janvier, Netanyahu a été contraint de retirer sa demande d’immunité, sachant que cette demande ne recevrait pas le soutien voulu.
Dans le même temps, les procédures judiciaires concernant les cas de corruption de Netanyahu font leur chemin.
Selon le ministère israélien de la Justice, Netanyahu sera contraint d’assister à son procès devant le tribunal de district de Jérusalem, même en sa qualité de Premier ministre et indépendamment de ce qui se passera lors des élections du 2 mars. Un panel de trois juges entendra l’affaire, où Netanyahu devrait partager son temps entre la gestion des affaires du gouvernement israélien et sa défense face aux accusations de corruption.
Il s’agit d’une situation inédite pour Israël. Jamais auparavant dans l’histoire du pays, son oligarchie n’a été confrontée à de tels dilemmes juridiques et politiques.
Étant donné qu’Israël continue de fonctionner sans constitution et, parce que c’est la première fois qu’un Premier ministre en exercice fait face à un procès, la Cour suprême est la seule autorité capable d’interpréter les lois du pays afin de faire avancer la procédure judiciaire. Mais même cela est problématique.
Ayelet Shaked, l’ex-ministre de la Justice – dont la vulgarité est bien connue – tente déjà de faire dérailler cette probabilité, car elle a ouvertement averti les juges de la Cour suprême du pays que toute implication dans le processus politique serait “équivalente à un coup d’État”.
Les Israéliens se trouvent désormais à l’aube d’une nouvelle ère, marquée par l’effondrement du système juridique du pays, une crise politique ininterrompue et une instabilité sociale sans perspective de fin.
* Ramzy Baroud est journaliste, auteur et rédacteur en chef de Palestine Chronicle. Son dernier livre est «These Chains Will Be Broken: Palestinian Stories of Struggle and Defiance in Israeli Prisons”» (Clarity Press). Baroud a un doctorat en études de la Palestine de l’Université d’Exeter et est chercheur associé au Centre Orfalea d’études mondiales et internationales, Université de Californie. Visitez son site web: www.ramzybaroud.net.
26 février 2020 – RamzyBaroud.net – Traduction : Chronique de Palestine – Lotfallah