L’éminent homme politique palestinien Nabil Shaath [membre du Fatah et ex-négociateur palestinien] a rompu son silence depuis que la police égyptiennes a arrêté son fils le mois dernier.
Ramy Shaath, âgé de 48 ans, a été enlevé de son domicile au Caire le 5 juillet en milieu de journée, a annoncé sa famille dans un communiqué publié mercredi sur Facebook.
“Au moins une douzaine d’agents de sécurité lourdement armés ont pris d’assaut et fouillé sa résidence sans présenter aucun document légal”, a ajouté le responsable.
S’exprimant sur New Arab jeudi, Shaath a déclaré que l’arrestation était liée au militantisme de son fils dans le mouvement BDS (Boycott, Désinvestissement et Sanctions), ainsi qu’à sa critique de la participation de l’Égypte à un workshop économique organisé à Bahreïn par les États-Unis, considéré la première partie du plan controversé de Washington pour liquider la question palestinienne.
Shaath a déclaré que la détention de Ramy avait été renouvelée toutes les deux semaines pour deux semaines supplémentaires.
“Selon les avocats de la sécurité égyptienne, les critiques de Ramy contre l’Égypte en raison de sa participation au workshop de Bahreïn et son activité dans le mouvement de boycott contre Israël sont au service de ceux qui s’opposent à la sécurité égyptienne”, a déclaré Shaath.
Le Caire a envoyé un responsable de niveau intermédiaire à la conférence de juin à Manama, à l’occasion de laquelle le gendre du président américain Donald Trump, Jared Kushner, a lancé l’initiative.
“Ramy nous pose un problème”
Shaath, un ancien Premier ministre par intérim qui a joué un rôle clé dans les négociations des Accords d’Oslo en 1993, a déclaré que sa famille avait appris, deux semaines après l’arrestation de son fils, qu’il était actuellement détenu à la tristement célèbre prison de Tora.
Cette arrestation intervient 10 jours après que les autorités aient fait une descente dans 19 entreprises soupçonnées d’être liées aux Frères musulmans interdits, les accusant de financer un complot visant à renverser l’État.
Après avoir disparu pendant 36 heures, Shaath a comparu devant des procureurs et a été accusé d’ “assistance à un groupe terroriste” lié au même complot, a déclaré la famille.
Shaath a déclaré que le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, ainsi que le chef des services de renseignements palestiniens, Majed Faraj, avaient contribué aux efforts visant à obtenir la libération de son fils.
“Je suis resté silencieux tous ces derniers jours dans l’espoir que les efforts diplomatiques palestiniens conduiraient à la libération de Ramy”, a-t-il déclaré.
Shaath a ajouté que Faraj avait rencontré les responsables des services de renseignement égyptiens deux semaines après son arrestation et avait appris que Ramy serait libéré dans quelques jours.
“Ils ont dit à Faraj : “Ramy nous pose un problème et le BDS nous pose des problèmes”, a déclaré Shaath.
“J’ai empêché les membres de la famille et les amis de faire des déclarations publiques mais après presque deux mois, ils ne pouvaient plus se taire”, a-t-il ajouté.
L’Autorité de Ramallah n’a fait aucun commentaire formel.
Arrêté pour cause d’activités pacifiques
Ramy Shaath, qui a été conseiller auprès du président de l’Organisation de libération de la Palestine, Yasser Arafat, vit en Égypte depuis 1977. Il a quitté la politique à la fin des années 90 et est maintenant le coordinateur général de la branche BDS en Égypte.
Le mouvement a publié jeudi une déclaration sur Twitter condamnant son arrestation et sa détention ultérieure.
“La campagne populaire égyptienne pour le boycott d’Israël tient le ministère égyptien de l’Intérieur responsable de la sécurité de notre coordinateur général”, indique le communiqué.
“Son arrestation est un désastre”, a déclaré sa femme Céline Lebrun-Shaath, de nationalité française, qui a été déportée du Caire peu après son arrestation, selon la déclaration de la famille.
S’adressant à l’agence de presse AFP, l’épouse de Ramy, Céline, a déclaré qu’elle se sentait “impuissante … ne sachant pas quand je le reverrai”.
“Nous voulons que [l’Égypte] libère Ramy. Il n’a rien fait dont il soit accusé”, a-t-elle déclaré. “Il est simplement arrêté pour ses activités pacifiques.”
Sa famille a déclaré qu’ils avaient pu lui rendre visite régulièrement mais qu’ils étaient préoccupés par son état de santé car il souffrait d’hypercholestérolémie.
Selon diverses organisations de défense des droits de l’homme, l’Égypte aurait emprisonné jusqu’à 60 000 personnes depuis le coup d’État militaire de 2013 dirigé par l’actuel président Abdel Fattah el-Sisi contre Mohamed Morsi, le premier président élu démocratiquement du pays, décédé en détention après s’être effondré dans une salle d’audience au Caire en juin dernier.
22 août 2019 – Al Jazeera – Traduction : Chronique de Palestine