Par Belen Fernandez
En assassinant l’un des principaux négociateurs d’un accord de cessez-le-feu dans la bande de Gaza, Israël a clairement manifesté son intention de poursuivre et d’étendre sa guerre d’extermination.
Alors que l’on pensait que la situation au Moyen-Orient ne pouvait pas être plus explosive, l’assassinat du responsable politique du Hamas, Ismail Haniyeh, a propulsé les tensions régionales à un tout autre niveau.
Haniyeh a été tué lors d’une attaque, mardi en fin de journée, à Téhéran, la capitale de l’Iran, où il avait assisté à la cérémonie d’investiture du président iranien Masoud Pezeshkian.
Cet assassinat est sans aucun doute l’œuvre de – qui d’autre ? – de l’État sioniste, bien que le gouvernement israélien d’abstient de tout commentaire officiel pour le moment.
Un responsable israélien, le ministre du patrimoine Amichai Eliyahu, n’a apparemment pas pu contenir son exubérance haineuse et s’est rendu sur X pour proclamer: « C’est la bonne façon de nettoyer le monde de cette saleté… La mort de Haniyeh rend le monde un peu meilleur ».
Dans son message sur les médias sociaux, Eliyahu a également juré qu’il n’y aurait « plus d’accords de paix/de capitulation imaginaires » et que « la main de fer qui frappera est celle qui apportera la paix et un peu de réconfort et renforcera notre capacité à vivre en paix avec ceux qui désirent la paix ».
La force des lâches : les Israéliens commettent un massacre dans la famille de Ismaïl Haniyeh
Cela fait beaucoup d’usage du mot « paix » pour des gens qui, fondamentalement, ne veulent pas, justement, la paix. En effet, tuer l’un des principaux négociateurs d’un accord de cessez-le-feu dans la bande de Gaza est un bon moyen de contrecarrer toute perspective de paix pour le moment.
Et le saviez-vous ? Comme le note Reuters dans sa nécrologie, Haniyeh était « considéré par de nombreux diplomates comme un modéré par rapport aux membres les plus radicaux » du mouvement Hamas.
Quoi qu’il en soit, le modus operandi d’Israël est depuis longtemps d’étouffer toute opportunité de quelconque « modération » afin de justifier son propre comportement de fou furieux.
Dans un récent article d’Al Jazeera intitulé « Pourquoi Israël intensifie-t-il ses attaques lorsque les pourparlers sur le cessez-le-feu à Gaza progressent ? », le journaliste Justin Salhani a réfléchi à l’intensification de l’assaut génocidaire actuel d’Israël dans la bande de Gaza, alors même que les pourparlers sur le cessez-le-feu progressaient.
M. Salhani a rappelé un précédent pertinent lors de la deuxième Intifada en 2002, au cours de laquelle la milice Tanzim, alliée au Fatah, aurait été « prête à annoncer un cessez-le-feu unilatéral ». Israël a alors largué une bombe d’une tonne sur la maison d’un dirigeant du Hamas dans la ville de Gaza, et tout s’est arrêté là.
Aujourd’hui, Israël a officiellement tué près de 40 000 Palestiniens à Gaza en moins de dix mois, bien que le nombre réel de victimes soit supposé être astronomiquement plus élevé.
Voilà pour la « capacité à vivre en paix », pour reprendre les mots d’Eliyahu.
Bien entendu, si le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu laisse la guerre se terminer, il devra vivre avec beaucoup de choses qu’il ne veut pas vivre – comme l’opposition intérieure, les accusations de corruption et d’autres choses qui ne sont pas amusantes.
En mai, le procureur général de la Cour pénale internationale a demandé un mandat d’arrêt à l’encontre de M. Netanyahu pour des crimes de guerre présumés commis à Gaza – une éventualité qu’il est manifestement préférable d’éviter en continuant tout simplement à commettre davantage de crimes de guerre.
Et pour être absolument sûr qu’il ne reste aucune possibilité concevable de paix à court terme, Israël fait de son mieux pour provoquer ses ennemis à commettre des actes belliqueux qu’Israël lui-même peut ensuite utiliser comme excuse pour continuer à faire la guerre.
Hier encore, Israël a frappé un immeuble résidentiel dans la capitale libanaise de Beyrouth, tuant une femme et deux enfants et blessant 74 personnes, selon le ministère libanais de la santé. La cible de cette frappe était un commandant du Hezbollah accusé par Israël d’être le cerveau de l’attaque du 27 juillet contre la ville de Majdal Shams, sur le plateau du Golan syrien occupé par Israël, qui a tué au moins 12 enfants.
Le Hezbollah, qui revendique toujours la responsabilité de ses actes, a nié avec véhémence avoir perpétré l’attaque de Majdal Shams – qui, il convient de le souligner, a eu lieu dans un territoire illégalement occupé par Israël. Mais c’était une raison suffisante pour bombarder Beyrouth.
L’assassinat de Haniyeh en territoire iranien ne laisse à l’Iran d’autre choix que de répondre à Israël de manière militaire, ce qu’il a déjà montré qu’il était plus que capable de faire. Après la frappe israélienne meurtrière d’avril sur le consulat iranien dans la capitale syrienne de Damas, l’Iran a lancé des centaines de drones et de missiles sur Israël.
Il est vrai qu’il s’agissait davantage d’une démonstration de force que d’une tentative de causer des dégâts. Mais en assassinant Haniyeh à Téhéran, Israël joue littéralement avec le feu.
Pour faire échouer les perspectives de cessez-le-feu et poursuivre les tueries à Gaza, il semble donc qu’Israël va se retrouver avec encore beaucoup plus de sang sur les mains.
Le dictionnaire anglais de Cambridge définit un « État voyou » comme une « nation considérée comme très dangereuse pour les autres nations » – et il n’y a pas d’État plus crapuleux aujourd’hui que l’État d’Israël.
Auteur : Belen Fernandez
* Belen Fernandez est l'auteur de The Imperial Messenger: Thomas Friedman at Work, publié par Verso. Elle est rédactrice en chef du Jacobin Magazine. Il est possible de la suivre sur Twitter: @MariaBelen_Fdez
31 juillet 2024 – Al-Jazeera – Traduction : Chronique de Palestine