Par Esraa Abo Qamar
Alors que ma famille se blottissait autour d’un feu pour se protéger du froid glacial de Gaza, nous avons tous partagé nos espoirs pour la nouvelle année. Bien que chacun ait ses propres souhaits, une chose est claire : aucun d’entre nous ne pourra supporter une autre année comme celle-ci.
Il y a quelques jours, par une des nuits froides de décembre, ma famille et moi avons décidé d’allumer un feu pour nous réchauffer, car il n’y a pas eu d’électricité à Gaza depuis plus d’un an pour allumer le chauffage.
Nous nous sommes tous rassemblés, avons préparé la théière et avons sorti les dernières miettes de pain pour les manger, blottis autour du feu. Pendant ce court moment, nous avons eu des conversations approfondies, notre principale préoccupation étant de savoir si une trêve pouvait enfin être conclue.
La nouvelle administration américaine soutiendrait-elle Gaza et prendrait-elle des mesures pour mettre fin à la guerre ? Ce cauchemar pourrait-il prendre fin avant la nouvelle année, nous offrant une chance de prendre un nouveau départ sans effusion de sang supplémentaire ?
J’ai pris quelques instants pour échapper à la réalité et laisser mon imagination vagabonder.
J’ai imaginé une nuit où je pourrais dormir paisiblement, à l’abri du bruit constant des drones israéliens et de la terreur de me réveiller avec des obus d’artillerie explosant à proximité. Je n’aurais plus à vivre dans la peur incessante de perdre mon père ou mes frères lorsqu’ils se rendent à la mosquée ou au marché. Je trouverais enfin la paix, même s’il est peut-être trop tard.
Mes pensées ont été interrompues par le bruit de l’eau qui bouillait. J’ai versé six tasses de thé et j’ai ajouté du sucre, même si je ne le préfère pas ainsi. Comme le dit toujours mon père : « L’amertume de la vie ne nous suffit-elle pas ? Avons-nous vraiment besoin de boire du thé amer ? »
Alors que nous sirotions le thé noir chaud, je leur ai demandé : « Si un cessez-le-feu survient, que ferez-vous ? Quel est votre projet pour une nouvelle année sans effusion de sang ? » Ma sœur de 11 ans a répondu avec enthousiasme : « Je veux aller à l’école et retrouver mes amis. Je veux rencontrer mes professeurs et retourner dans ma classe ».
Les aspirations de ma sœur pour l’année prochaine correspondent à ce que le ministère de l’éducation a annoncé : le système éducatif reprendra en janvier 2025 !
Cependant, les étudiants devront poursuivre leurs études en ligne plutôt qu’en vis-à-vis, comme ils l’espèrent et le souhaitent tous, en raison de la destruction importante des établissements d’enseignement.
D’autres écoles sont remplies de familles déplacées qui ont perdu leur maison ou ont été expulsées de force, et qui ont cherché refuge dans un endroit prétendument sûr. Ces écoles, qui étaient autrefois des centres d’apprentissage, sont devenues des refuges pour ceux qui n’ont nulle part où aller, retardant ainsi les espoirs des élèves qui souhaitent retourner dans leurs classes et dans leur vie normale.
Mon frère Hassan, qui a maintenant 18 ans, a toujours rêvé, depuis son plus jeune âge, de voyager à l’étranger pour étudier l’ingénierie et explorer le monde. Ses rêves et ses ambitions dépendent désormais entièrement de l’ouverture du poste frontière.
En 2025, Hassan espère poursuivre ses études à l’étranger et s’assurer de ne pas perdre une année de plus. Malgré la dure réalité à laquelle nous sommes confrontés, la détermination d’Hassan reste inébranlable. Il dit souvent que l’éducation est la clé pour reconstruire non seulement nos vies, mais aussi notre pays.
Ses paroles m’inspirent à garder espoir, même lorsque l’espoir semble être un luxe lointain.
Assis autour du feu, chacun d’entre nous a partagé ses rêves pour l’année à venir, aussi petits qu’ils puissent paraître aux yeux du monde extérieur, mais monumentaux pour nous.
En ce qui concerne mes parents, leurs rêves étaient simples mais profondément émouvants. Ma mère a déclaré qu’elle souhaitait seulement pouvoir nous préparer un délicieux repas, nous voir manger jusqu’à satiété et voir la joie sur nos visages lorsque nous savourons chaque bouchée. Mon père a acquiescé, ajoutant : « Je rêve d’une année où plus personne dans cette famille n’aura à dormir le ventre vide ».
Pendant la guerre, il est devenu incroyablement difficile de trouver de la nourriture. Les pénuries, la montée en flèche des prix et les dangers liés au fait de s’aventurer à l’extérieur pour chercher des produits de première nécessité ont fait de l’obtention d’un repas un combat quotidien.
Il y a eu d’innombrables nuits où nous nous sommes couchés affamés, le vide dans nos estomacs nous rappelant cruellement les épreuves que nous endurons.
D’un autre côté, d’autres fardeaux et rêves brisés pèsent lourdement sur nos cœurs.
Ma grand-mère, par exemple, a quitté sa maison de Rafah depuis plus de sept mois. Son seul souhait est de retourner dans sa maison, même si elle est en ruines, juste pour sentir à nouveau la familiarité de son propre espace.
Mais son désir le plus profond est de retrouver ses filles – mes tantes – sous un même toit. Pendant toute la durée de la guerre, elles ont été dispersées, chacune d’entre elles ayant été déplacée dans des endroits différents, sans pouvoir se réunir. Ma grand-mère rêve d’entendre à nouveau leurs rires résonner dans la maison, de les voir réunies autour d’elle, partageant des histoires et redonnant vie à ce qui fut leur foyer.
Au milieu de tous ces rêves et aspirations que j’ai entendus venant de ma famille, je me suis retrouvée à penser à ce que je veux pour la nouvelle année. Il y a tant de projets et d’objectifs que j’espérais réaliser en 2024, mais ils ont tous été reportés.
Je rêve de retourner dans mon université – ou même dans ses ruines – juste pour retrouver, ne serait-ce qu’un peu, le sens de la vie universitaire.
Je rêve de me promener dans les rues de Gaza avec mes amis, comme je le faisais auparavant. J’avais commencé à apprendre à conduire et je voulais aussi obtenir mon permis de conduire. Même s’il ne reste plus beaucoup de rues intactes, c’est aussi ce dont je rêve.
Mais peut-être plus que tout autre chose, ce que je veux maintenant, c’est simplement la sécurité ! Vivre ma vie paisiblement et calmement avec ma famille, à l’abri d’une peur constante. Je veux que tous les espoirs de ma petite famille se réalisent et je souhaite que nous ne subissions pas une autre année comme celle-ci.
Auteur : Esraa Abo Qamar
* Esraa Abo Qamar est une étudiante en littérature anglaise et une écrivaine de Gaza.
30 décembre 2024 – Mondoweiss – Traduction : Chronique de Palestine – Lotfallah
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