Par Razan Alhaj
Les enfants de Gaza traversent l’une des pires tragédies humaines connue par le monde moderne. Pour eux, chaque jour est une nouvelle lutte pour la survie au milieu de la destruction, de la peur et de l’effondrement de tous les éléments essentiels à la vie.
Depuis le début de l’agression israélienne en octobre 2023, les dimensions tragiques de la situation se dévoilent, propulsant les enfants, qui représentent la plus grande proportion de la population, en première ligne comme les principales victimes de cette atroce réalité.
Rien qu’en parcourant les médias sociaux, on mesure l’ampleur de la tragédie : on voit des scènes poignantes d’enfants dans de longues files d’attente pour obtenir un morceau de pain, ou transportant de lourds bidons d’eau qui les font presque tomber à terre, et d’autres allongés sur le sol sous des tentes usées, attendant patiemment que la guerre qui a volé leur enfance, prenne fin.
Ces scènes ne sont pas une exception, mais une réalité quotidienne pour des milliers d’enfants de Gaza.
Ainsi, on pourra mentionner l’enfant Ahmed Al-Samani (13 ans), assis à l’entrée de sa tente, attendant que les quelques herbes qu’il a cultivées près de sa tente arrivent à maturité pour les vendre au marché. Ahmed raconte d’une voix pleine de tristesse : « J’ai planté du persil et du cresson pour les vendre au marché. Je veux acheter des produits de nettoyage et de la nourriture pour ma famille. »
Il ajoute : « Après notre déplacement depuis le nord de la bande de Gaza, je suis devenu responsable de ma mère et de mes sœurs. J’essaie de subvenir à leurs besoins en l’absence de mon père. »
Gaza : quand le fardeau des adultes repose sur les épaules des enfants
Ahmed fait partie des milliers d’enfants contraints d’endosser des responsabilités bien trop lourdes pour leur âge. Alors, au lieu de vivre une enfance normale, remplie de jeux et de connaissances, il se retrouve à porter le fardeau d’une famille entière en plein déplacement et dans la misère.
Le rêve oublié de l’éducation
À Gaza, le rêve de scolarisation est devenu hors de portée pour la plupart des enfants à cause de l’agression ; les raids israéliens ont largement ciblé les infrastructures éducatives, avec 132 écoles et universités complètement détruites et 348 établissements d’enseignement partiellement endommagés.
Ces chiffres, communiqués par le bureau de presse gouvernemental, révèlent l’ampleur de la destruction du secteur de l’éducation.
Des centaines de milliers d’enfants ont été privés de leur droit fondamental à l’éducation, et aller à l’école est devenu un luxe inaccessible face aux déplacements massifs et aux bombardements incessants. Pour les enfants, l’école est plus qu’un simple lieu d’apprentissage ; c’est un espace de sécurité et de stabilité psychologique.
Ainsi, Sara Abu al-Khair, 10 ans, rêve de retourner à son école dans le nord de Gaza : « Je veux retrouver mes amis et mon école. Les cours de dessin et les jeux dans la cour me manquent ».
Mais la réalité de Sara, aujourd’hui, ne lui apporte que davantage de douleur, car elle est entassée avec sa famille dans une petite tente sans aucun espoir de retrouver de sitôt une vie normale.
Des épidémies galopantes
Les conditions sanitaires dans les tentes pour personnes déplacées sont aussi mauvaises que les autres conditions de vie ; la pollution de l’environnement, le manque d’eau potable et l’absence de services de santé ont contribué à la propagation d’épidémies parmi les personnes déplacées, en particulier chez les enfants. Le docteur Hassan al-Hajj, pédiatre dans un centre médical du Croissant-Rouge déclare : « L’environnement actuel est propice à la propagation des maladies. Nous constatons une augmentation des cas de gale, d’infestation par les poux, de diarrhées aiguës et de maladies respiratoires à cause de la surpopulation et de la malnutrition ».
Les enfants déplacés souffrent également du manque de vaccinations essentielles. Le Dr Hassan ajoute : « Le retour de maladies telles que la poliomyélite et l’hépatite constitue un grand danger pour la vie des enfants, en raison de l’absence de vaccins et de traitement nécessaires. Ces maladies avaient été éradiquées auparavant, mais elles sont maintenant revenues, devenant une nouvelle menace à cause des conditions actuelles. »
De plus, de nombreux enfants sont contraints d’effectuer des travaux pénibles pour aider leurs familles, comme porter des sacs de farine ou transporter de l’eau sur de longues distances. Ces tâches laissent des séquelles physiques et psychologiques graves chez les enfants, dont l’enfance devrait être remplie de jeux et de joie, et non de fardeaux et de responsabilités.
Alors que les enfants plus âgés luttent pour survivre, les nouveau-nés à Gaza risquent de mourir dès leur naissance ; la situation sanitaire catastrophique dans les hôpitaux, qui souffrent du manque de médicaments et d’équipements médicaux, ne permet pas d’apporter les soins nécessaires à ces nourrissons.
Les futures mères souffrent également de malnutrition et de déshydratation en raison du manque de nourriture et d’eau potable. Ces conditions entraînent des accouchements à haut risque, et les bébés naissent souvent avec un poids insuffisant ou souffrant de graves problèmes de santé.
Les charges psychologiques et les traumatismes
Dans une interview réalisée avec l’enfant Mohamed Mohsen (12 ans), contraint de se déplacer avec sa fratrie de trois enfants, sans ses parents, Mohamed a d’abord pleuré longuement en parlant de sa nostalgie de ses parents, avant de déclarer : « Je veux serrer ma mère dans mes bras. J’ai essayé quatre fois de retourner dans le nord de la bande de Gaza, mais à chaque fois, les soldats tiraient sur moi, alors je revenais à ma tente, les larmes aux yeux, car je n’avais pas pu franchir ce barrage qui me sépare de ma famille. »
Selon son frère aîné : « Cela a affecté sa santé mentale, il souffre maintenant d’une anxiété constante et d’une nervosité accrue, tandis que son quotidien est devenu une lutte permanente contre la dureté de la vie qui lui a été imposée bien trop tôt. »
Il y a beaucoup d’autres enfants dont les histoires ressemblent à celle de Mohamed. À Gaza, ils souffrent de profondes séquelles psychologiques qui laissent une empreinte durable dans leur vie.
L’innocence sous le feu : les enfants dans le génocide à Gaza et leur appel à l’aide
Les scènes de meurtres, de destruction, la perte d’êtres chers et la vie dans une atmosphère de peur et d’angoisse ont plongé des milliers d’enfants dans un besoin urgent d’interventions psychologiques spécialisées.
Statistiques catastrophiques
Les chiffres publiés par le bureau de presse gouvernemental de Gaza concernant le nombre d’enfants martyrs reflètent la tragédie humaine. Depuis le début de l’agression, l’occupation israélienne a tué plus de 17 581 enfants, dont 837 n’ont même pas atteint leur première année.
Ces enfants ne sont pas de simples chiffres, mais ce sont aussi les histoires de jeunes âmes, dont la vie a été interrompue avant même de commencer, et des souvenirs de familles qui ont perdu ce qu’elles avaient de plus précieux. En outre, 35 060 enfants vivent sans l’un ou l’autre de leurs parents, voire sans les deux, ce qui double leur souffrance psychologique et sociale, les laissant dans un état de solitude et de privation.
La communauté internationale
Face à cette catastrophe humanitaire, la communauté internationale a la responsabilité morale et humanitaire d’intervenir immédiatement pour mettre fin à l’agression et apporter une aide urgente aux enfants de Gaza, notamment en leur fournissant des médicaments et de la nourriture, en lançant des programmes de soutien psychologique pour les réhabiliter et en travaillant à la reconstruction des infrastructures endommagées.
Alors que l’agression se poursuit, le silence international devient complice de l’aggravation de la souffrance des enfants, qui paient le prix le plus lourd de cette guerre.
Les enfants de Gaza mènent aujourd’hui une lutte quotidienne pour leur survie dans des conditions atroces. Ces petites âmes, qui s’accrochent à la vie malgré tout ce qu’elles affrontent, méritent d’être au cœur de l’attention humaine et internationale.
Soutenir ces enfants n’est pas une option, mais une obligation morale et humaine. Leur souffrance doit servir de sonnette d’alarme pour rappeler au monde que l’humanité est toujours en danger, et que protéger l’enfance à Gaza n’est pas seulement une responsabilité morale, mais aussi une nécessité pour garantir un avenir heureux aux générations à venir dans ce monde.
Auteur : Razan Alhaj
* Razan al-Hajj est une journaliste palestinienne de la bande de Gaza qui a écrit pour un certain nombre de sites web dans le domaine l'humanitaire et de l'investigation.
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