Par Eman Abusidu
Un projet passionnant réunit des enfants du Brésil et de la bande de Gaza, en Palestine. Ils échangent des lettres pour partager leurs espoirs et leurs rêves. Conçu par la journaliste primée Angela Bastos, ce projet de correspondance s’adresse à des enfants de différents milieux qui partagent tous l’expérience de la pandémie de coronavirus.
Le reportage multimédia d’Angela Bastos, “Echanges épistolaires en temps de pandémie”, a été publié cette semaine, dans le quotidien NSC de l’État de Santa Catarina au Brésil. Elle m’a raconté comment cela s’était passé.
“Pendant la pandémie, j’ai écrit de nombreux articles sur l’impact du coronavirus et j’ai parlé à de nombreux spécialistes, à des mères et même à des enfants”, a-t-elle expliqué. “Puis je me suis demandé, si c’était aussi difficile pour nos enfants, au Brésil, que ça l’est pour les enfants dans un camp de réfugiés ? Ces derniers pourront-ils s’isoler et pratiquer la distanciation sociale ? Quelle est la situation en matière de santé ? Pourront-ils se laver les mains fréquemment et correctement ? Recevront-ils suffisamment d’aide humanitaire?
Bastos compare les expériences de vie des enfants brésiliens avec celles de leurs homologues du Moyen-Orient, dans un récit construit autour de la solidarité, en sensibilisant aux défis et aux conditions insalubres des camps de réfugiés par l’échange de lettres et de dessins. “Que ce soit au Brésil, au Liban ou dans la bande de Gaza, nous constatons que les enfants abordent la vie avec beaucoup plus de légèreté que les adultes, malgré les difficultés. Bien sûr, dans le cas des camps de réfugiés, ces difficultés sont aggravées par des problèmes tels que la misère, la faim et l’absence de domicile fixe”.
Avec l’aide de quelques amis, Bastos a sélectionné un groupe de 22 enfants âgés de 8 à 17 ans qui étaient prêts à échanger des lettres. “J’ai parlé à des amis qui avaient des enfants et je leur ai expliqué mon idée. Leur réponse a été enthousiaste ; ils voulaient aider à ce qui est une merveilleuse cause humanitaire”. Un enfant de six ans a demandé à sa mère d’acheter une carte, tandis qu’un autre de 16 ans a voulu jouer une chanson sur sa guitare ; d’autres ont demandé à leurs parents d’enregistrer des vidéos spéciales.
Leurs lettres comprenaient des poèmes et des dessins, et parlaient de leurs espoirs et de leurs rêves. En Palestine, par exemple, Jana veut voyager et devenir médecin ou scientifique. Vicente, 16 ans, un brésilien, espère que l’humanité pourra s’unir pour surmonter les difficultés communes. Olivia et Mousa aimeraient se rencontrer au Brésil et au Liban un jour.
Joud, 9 ans, a écrit du Brésil pour demander à Muayyed, 11 ans, qui vit dans la bande de Gaza, de lui parler de l’isolement dû au Covid-19 ainsi que du blocus israélien sur le territoire. Tous les deux vivent sous la menace de la pandémie, mais ils ne sont pas égaux devant ses effets, et ils en sont conscients. Ils savent que le Covid-19 risque d’être plus nocif pour les habitants des pays et des quartiers les plus pauvres, et pour ceux qui se trouvent déjà dans une situation extrêmement vulnérable.
Pour les enfants de Gaza, en fait, la vie pandémique n’est pas très différente, puisqu’ils vivent enfermés depuis 13 ans sous le siège israélien. Leurs maisons sont situées dans l’un des endroits les plus densément peuplés du monde et l’un des plus pauvres ; des centaines de milliers de personnes vivent dans des camps de réfugiés à moitié en ruines et des bâtiments bombardés. Ils sont bien placés pour demander au reste du monde ce que ça leur fait d’être coupés des autres et de ne pas pouvoir se déplacer librement à cause de la fermeture des frontières. Bienvenue dans le mode de vie qui leur est imposé !
Bastos en est tout à fait consciente. “Une grande partie de la population de Gaza est réfugiée et vit dans des camps. Pour mener à bien mon projet et toucher des enfants réfugiés, j’ai dû contacter la bande de Gaza”.
C’est alors que Razan Alsaafin est entrée en scène pour mener à bien le projet avec les enfants de Gaza.
“Grâce à mon travail au Club Madarek, j’ai pu entrer en contact avec les enfants et leurs familles”, m’a-t-elle expliqué. “Je leur ai parlé de l’idée d’Angela et leur ai ensuite demandé d’écrire ou de dessiner des lettres pour les enfants brésiliens”. La réponse et l’interaction ont été merveilleuses, mais il y a eu des difficultés car le blocus interdit aux enfants palestiniens d’avoir des contacts avec des personnes d’autres cultures. “Nous devions leur dire ce qu’ils avaient le droit d’écrire et leur expliquer à qui ils écrivaient. J’espère que nous pourrons envoyer davantage de messages vidéo au Brésil, ainsi que des lettres, dans les jours à venir”.
Lorsque le projet a démarré, la vie était relativement calme à Gaza, puis à la mi-septembre, les roquettes et les bombes ont recommencé à tomber. Sana, 10 ans, l’a raconté à son correspondant Kian, ce qui lui a fait découvrir la situation en Palestine occupée. Il lui a répondu qu’il avait commencé à apprendre un poème célèbre sur la Palestine.
Malgré les effets négatifs de la pandémie, Angela Bastos est optimiste. “Au milieu du chaos, nous avons lancé des messages sur le net et des bouteilles à la mer pour transmettre des paroles d’espoir, de vie, de résistance et d’apprentissage”. Les Brésiliens qui participent au projet, a-t-elle ajouté, ont découvert ce qu’était la vie dans les camps de réfugiés sous occupation à travers les yeux et les lettres des enfants palestiniens, qui de leur côté apprécient qu’on ne les oublie pas.
“Nous espérons que ces échanges se poursuivront pour sensibiliser de plus en plus de monde à la question des réfugiés, ainsi qu’à celle des immigrants”, a-t-elle conclu. “Il s’agit pour nous d’une cause humanitaire extrêmement importante et nous voulons que nos enfants en aient bien conscience”.
Auteur : Eman Abusidu
* Eman Abusidu est correspondante du Middle East Monitor au Brésil. Son compte twitter.
16 octobre 2020 – Middle East Monitor – Traduction : Chronique de Palestine – Dominique Muselet