Par Qassam Muaddi
L’État génocidaire poursuit son offensive sur la ville de Jénine, en Cisjordanie, qui, selon les commentateurs, vise à satisfaire le mouvement des colons qui pousse le gouvernement israélien à exercer un plus grand contrôle sur le territoire occupé en vue de son annexion.
Jeudi, l’armée israélienne a poursuivi son offensive sur le camp de réfugiés de Jénine, dans le nord de la Cisjordanie palestinienne occupée, pour la troisième journée consécutive. L’offensive, baptisée « Mur de fer », a tué 10 Palestiniens jusqu’à présent et fait au moins 40 blessés.
Les forces israéliennes ont lancé leur offensive sur Jénine tôt mardi, avec des frappes aériennes sur le camp de réfugiés ainsi qu’une incursion des forces spéciales, qui ont positionné des tireurs d’élite surplombant le camp.
Cette première attaque a été rapidement suivie par d’importantes forces blindées venues du nord, de l’est et de l’ouest de Jénine, accompagnées d’hélicoptères de combat qui ont ouvert le feu sur les Palestiniens depuis les airs, et de bulldozers israéliens D-9 qui ont détruit des rues et d’autres infrastructures déjà endommagées.
Les premiers instants de l’attaque ont été « les plus difficiles », a déclaré à Mondoweiss un habitant de Jénine qui a demandé à ne pas être nommé. « Les gens ont été complètement pris par surprise, car les frappes aériennes ont eu lieu alors que beaucoup rentraient chez eux, et toutes les victimes qui ont été tuées jusqu’à présent étaient des civils », a-t-il dit.
« L’armée d’occupation a bouclé l’ensemble du camp, avant d’ouvrir une sortie par laquelle les résidents ne peuvent aller et venir que de 9 heures à 17 heures », ont-ils ajouté.
« Les personnes qui entrent et sortent ne peuvent le faire que par groupes de cinq personnes maximum, et elles sont fouillées, et beaucoup ont été kidnappées, y compris plusieurs femmes ».
L’offensive israélienne a commencé un mois après que l’Autorité palestinienne a lancé sa propre opération à Jénine, dans le but de reprendre le contrôle aux groupes de résistance locaux.
L’AP et la brigade de Jénine sont parvenues à un accord il y a une semaine grâce à la médiation de nombreuses personnalités politiques et de la société civile palestinienne, mais les affrontements entre les parties ont repris dimanche dernier et se sont poursuivis jusqu’à mardi matin, lorsqu’Israël a commencé son attaque sur le camp.
Mercredi, la police palestinienne a fait une descente à l’hôpital al-Razi, dans la ville de Jénine, pendant l’attaque israélienne sur le camp, et a arrêté deux Palestiniens qui y étaient soignés.
« Les habitants de Jénine ne sont pas vraiment surpris par l’attaque israélienne, car ils ont survécu à de nombreuses attaques similaires au cours des dernières années », a déclaré le résident.
« Ils sont en état de choc et en colère parce que c’est la première fois qu’une opération de la police palestinienne coïncide avec une attaque israélienne, et nous essayons encore de comprendre ce qui se passe ».
Le porte-parole des forces de sécurité palestiniennes, Anwar Rajab, a déclaré lundi que les forces de sécurité palestiniennes s’étaient retirées de Jénine au début de l’offensive israélienne « pour éviter une confrontation directe avec l’armée israélienne ».
Les forces israéliennes ont également fermé et détruit au bulldozer la rue qui mène à l’hôpital public de Jénine, a expliqué le résident. Cela oblige maintenant les gens à passer par le camp, à être fouillés et à faire un voyage beaucoup plus long pour accéder à l’hôpital par une autre entrée.
« C’est la première fois que les forces d’occupation bloquent l’accès direct à l’hôpital », a déclaré à Mondoweiss le docteur Wesam Baker, directeur de l’hôpital public de Jénine.
« Les forces d’occupation ont effectué des raids dans les environs de l’hôpital aujourd’hui, au troisième jour de leur attaque sur Jénine, et ont fouillé l’extérieur de la section des urgences », a-t-il souligné.
« Nous avons reçu au moins 10 blessés jusqu’à présent, la plupart dans les membres inférieurs, et certains ont été gravement blessés, et nous avons également reçu quatre morts », a-t-il poursuivi.
« Notre personnel fait des gardes de plusieurs jours, et ce n’est qu’aujourd’hui que nous avons pu libérer certains de nos employés et en amener d’autres pour les remplacer », a-t-il ajouté.
Le ministre israélien de la guerre, Yisrael Katz, a déclaré que l’attaque de Jénine « changera le concept israélien de sécurité en Cisjordanie », ajoutant que « Jénine n’est que le début » et qu’il y aura « d’autres opérations [israéliennes] dans d’autres parties de la Cisjordanie ».
L’armée israélienne a déclaré dans un communiqué que son attaque sur Jénine visait à « démanteler l’infrastructure terroriste », en référence à la brigade de Jénine, le groupe de résistance local qui affronte les raids israéliens à Jénine depuis la fin de 2021.
Bouclage de la Cisjordanie
Katz avait déjà annoncé des préparatifs militaires pour de « vastes opérations » en Cisjordanie, peu après l’annonce de l’accord de cessez-le-feu à Gaza, dans le but de « changer la situation sécuritaire » en Cisjordanie, selon Katz.
L’offensive s’est déroulée en même temps qu’une série de démissions au sein de la direction de l’armée israélienne, notamment celle du chef d’état-major de l’armée israélienne et du commandant du front sud de l’armée israélienne, qui ont tous deux déclaré qu’ils avaient démissionné parce qu’ils n’avaient pas réussi à éviter l’attaque du 7 octobre.
Le ministre israélien des finances, Bezalel Smotrich, qui fait également partie du cabinet de guerre israélien, a également déclaré récemment que les dirigeants de l’armée israélienne seraient remplacés afin de « reprendre la guerre à Gaza ».
Parallèlement à l’offensive sur Jénine, les forces israéliennes ont imposé un strict bouclage de la Cisjordanie depuis le week-end dernier.
Depuis samedi, l’armée israélienne a érigé au moins 17 barrières métalliques à l’entrée des villes et des villages de Cisjordanie, coupant ainsi les communautés palestiniennes les unes des autres et entravant considérablement la liberté de mouvement dans le territoire occupé.
Dimanche, de nombreux Palestiniens qui avaient quitté Ramallah dans l’après-midi ont déclaré être arrivés chez eux à Naplouse, à une heure de route, à 2 heures du matin.
À Hébron, une Palestinienne, Iman Jaradat, âgée de 45 ans, est décédée d’une crise cardiaque à un poste de contrôle israélien au nord-est d’Hébron, alors qu’elle se rendait à l’hôpital.
Les politiciens fascistes israéliens, largement soutenus par le mouvement des colons de Cisjordanie, appellaient déjà à l’imposition de points de contrôle et à la restriction de la liberté de circulation des Palestiniens avant le 7 octobre 2023.
Itamar Ben-Gvir, ministre israélien de la sécurité et colon fasciste qui a récemment démissionné, a déclaré dans les premiers jours qui ont suivi le 7 octobre que « la vie des colons [en Cisjordanie] est plus importante que la liberté de mouvement des Palestiniens », arguant que les points de contrôle limiteraient les attaques des Palestiniens contre les colons.
Opportunité et opportunisme politique
Itamar Ben-Gvir a démissionné du gouvernement israélien pour protester contre l’accord de cessez-le-feu à Gaza. Son allié, Bezalel Smotrich, qui a également voté contre l’accord au sein du cabinet de guerre israélien, n’a pas démissionné mais a menacé de le faire si Israël ne reprenait pas la guerre après la fin de la première phase de l’accord dans six semaines.
La démission de Smotrich provoquerait l’effondrement de la coalition gouvernementale dirigée par Benjamin Netanyahu et forcerait la tenue de nouvelles élections.
De nombreux analystes considèrent l’escalade israélienne en Cisjordanie comme une action politiquement motivée par le gouvernement de Benjamin Netanyahu pour apaiser Smotrich en échange de son acceptation de l’accord de cessez-le-feu, afin de sauver son gouvernement.
Depuis quelques années, Smotrich milite pour l’annexion totale de la Cisjordanie et appelle à l’expulsion massive des Palestiniens. Au début du mois, il a déclaré, en s’adressant à des colons israéliens, qu’Israël devrait attendre l’investiture de Donald Trump avant de procéder à des annexions plus directes.
En novembre dernier, Smotrich a déclaré que 2025 serait l’année de l’annexion de la Cisjordanie par Israël.
L’attaque israélienne contre Jénine a commencé la veille de l’investiture de Donald Trump, et les restrictions sévères imposées aux Palestiniens en Cisjordanie sont intervenues quelques jours seulement après l’entrée en vigueur du cessez-le-feu à Gaza.
Ce sont autant de signes que les colons israéliens et leurs dirigeants pourraient profiter du besoin actuel de cohésion politique de Benjamin Netanyahu, ainsi que du soutien attendu de la nouvelle administration américaine, pour faire avancer leur projet d’annexion en Cisjordanie.
Auteur : Qassam Muaddi
* Qassam Muaddi est un journaliste palestinien basé à Ramallah. Il couvre l’actualité palestinienne : événements politiques, mouvements sociaux, questions culturelles ... Il écrit pour les quotidiens libanais Assafir et Al Akhbar, les sites Middle East Eye, Mondoweiss et The New Arab, ainsi que pour les journaux électroniques palestiniens Metras et Quds News Network.Son compte twitter.
23 janvier 2025 – Mondoweiss – Traduction : Chronique de Palestine
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