Par Ramzy Baroud
Les Israéliens sont furieux de la médiocre réponse de leur gouvernement à la pandémie de coronavirus, d’autant plus que la maladie du COVID-19 connaît une très large recrudescence dans tout le pays.
Netanyahu a mis en garde les manifestants, dont des milliers se sont rassemblés devant sa résidence privée à Jérusalem, contre “l’anarchie (et) la violence”. Des scènes de chaos total et des arrestations violentes sont quotidiennes dans un pays qui est déjà en proie à une crise politique largement, sinon exclusivement, due au Premier ministre lui-même.
Désespéré de trouver des dérivatifs face à ses nombreux déboires, Netanyahu a fait monter la pression pour déclencher une confrontation avec le groupe de résistance libanais, le Hezbollah. Mais cela aussi s’est avéré vain, car les médias israéliens ont contredit les affirmations officielles selon lesquelles un affrontement violent aurait eu lieu à la frontière entre Israël et le Liban.
Le Hezbollah a rappellé avec fermeté que c’est lui-même, et non Netanyahou, qui déterminera le moment et le lieu de sa réplique au récent assassinat par Israël d’un responsable du Hezbollah, Ali Kamel Mohsen.
Mohsen a été assassiné lors d’un raid aérien israélien sur environs de l’aéroport international de Damas, dans ce qui était probablement une autre tentative désespérée de Netanyahu pour faire oublier son gouvernement de coalition dans les ennuis et son procès pour corruption, en détournant l’attention du public israélien vers une question qui fait l’unanimité.
Les troubles en Israël ne concernent pas seulement un dirigeant obstiné et clivant qui manipule l’opinion publique, les médias et les différents groupes politiques pour rester au pouvoir et éviter d’avoir à répondre devant la justice sur ses accusations de corruption.
Une coalition qui part en lambeaux
Israël souffre d’une crise de légitimité politique, qui va au-delà des combats contre Netanyahu et de sa coalition avec le chef du parti Kahol Lavan (Bleu et Blanc) de Benny Gantz.
Le mariage politique entre le Likoud de Netanyahou et le Kahol Lavan de Gantz en avril dernier était totalement inattendu. L’annonce que Gantz – qui s’est engagé dans trois élections générales en moins d’un an pour tenter d’évincer Netanyahu – s’unissait avec son ennemi juré a dévasté le camp politique anti-Netanyahu, forçant les partenaires de Gantz, Yair Lapid et Moshe Ya’alon, à l’abandonner.
Mais le nouveau gouvernement de coalition entre la droite et le [prétendu] centre est devenu chaotique immédiatement après sa formation. Le mariage politique de raison d’Israël risque de se terminer par un horrible divorce.
La guerre entre Netanyahu et son principal partenaire de coalition se manifeste désormais dans tous les aspects de la vie politique israélienne : à la Knesset (le parlement), dans les les médias et dans la rue.
Lorsque le nouveau gouvernement a pris ses fonctions après l’une des années les plus tumultueuses de l’histoire politique israélienne, l’ambiance, du moins juste à ce moment-là, était quelque peu plus calme ; tant Netanyahu que Gantz semblaient unis dans leur volonté d’annexer illégalement près d’un tiers de la Cisjordanie palestinienne occupée. Le camp de droite israélien était ravi, et le [prétendu] centre lui emboîtait le pas.
Mais la réaction internationale au projet d’annexion a forcé Netanyahu à réviser son échéance du 1er juillet. Maintenant que l’annexion a été reportée à une date indéfinie, Netanyahu se voit privée d’une carte politique importante qui aurait pu l’aider à regagner sa popularité auprès des Israéliens, à un moment où il en a désespérément besoin.
Le 19 juillet, le procès pour corruption de Netanyahu a repris. Bien que le Premier ministre n’ait pas assisté personnellement à la séance d’ouverture, son image – celle d’une figure de proue solide – s’en est néanmoins retrouvée ternie.
Gantz, qui avait déjà accepté le plan d’annexion, était trop roublard pour s’associer totalement à cette entreprise politique risquée. Cette sale besogne a été laissée à Netanyahu qui connaissait les risques liés à un projet politique pouvant rater, mais qui n’avait d’autre choix que de le poursuivre.
Attendant la bonne occasion de se jeter sur son “partenaire” en difficulté, Gantz en a trouvé l’occasion dans un rapport publié par le quotidien israélien Haaretz.
La magouille budgétaire
Le 22 juillet, Haaretz a rapporté que “Netanyahu a décidé de ne pas faire adopter le budget pour 2020 et de convoquer des élections générales le 18 novembre”, pour échapper à l’obligation de “remettre les clés au ministre de la défense et président de Kahol Lavan, Benny Gantz” afin que lui, Netanyahu, puisse “suivre les procédures judiciaires” liées à son procès pour corruption.
Selon cette information, Nétanyahou a accepté d’échanger le siège de Premier ministre avec Gantz en novembre 2021 uniquement pour gagner du temps et éviter une quatrième élection qui pourrait l’exposer à une défaite électorale et à un procès pour corruption, sans filet de sécurité politique.
Malgré le risque d’une nouvelle élection, Netanyahu tient à ôter le ministère de la justice des mains de Kahol Lavan, car celui qui contrôle le ministère de la justice contrôle le sort de Netanyahu devant les tribunaux israéliens. Laisser Gantz avec une carte aussi puissante n’est une option ni pour le Likoud ni pour Netanyahu.
C’est pourquoi le Likoud prétend que l’accord budgétaire ne peut durer qu’un an, alors que Kahol Lavan affirme qu’il doit couvrir une période de deux ans. La “conspiration” du Likoud, telle que révélée dans les médias israéliens, laisse entendre que le ministre des finances du Likoud, Israel Katz, prévoit d’utiliser les prochaines négociations budgétaires comme raison pour briser la coalition de centre-droit et exiger de nouvelles élections, privant ainsi Gantz de la possibilité de remplir son mandat de premier ministre conformément à l’accord de gouvernement.
Crise d’une démocratie en trompe-l’œil
Cependant, la crise est plus importante que le conflit entre Netanyahu et Gantz. Alors qu’Israël s’est longtemps vanté d’être “la seule démocratie du Moyen-Orient”, la vérité est que la “démocratie” israélienne était dès le départ une escroquerie, dans la mesure où elle s’adressait aux juifs israéliens et était discriminatoire envers tous les autres.
Ces dernières années, cependant, le racisme institutionnalisé et l’apartheid en Israël n’ont plus été cachés derrière des discours politiques alambiqués. Netanyahu, en particulier, a fait son maximum pour faire d’Israël le havre fascisant, chauvin et raciste qu’il est aujourd’hui.
Le fait que Netanyahu soit récemment devenu le premier ministre à la plus grande longévité d’Israël – élu à plusieurs reprises par les citoyens juifs d’Israël – indique que le dirigeant israélien n’est que le reflet des maux plus importants qui affligent la société israélienne dans son ensemble.
Réduire le débat aux nombreux échecs de Netanyahu pourrait être sembler commode, mais l’évidence est que des dirigeants corrompus ne peuvent exister que dans des systèmes politiques corrompus et malsains. Israël est maintenant l’exemple criant de cette vérité.
* Ramzy Baroud est journaliste, auteur et rédacteur en chef de Palestine Chronicle. Son dernier livre est «These Chains Will Be Broken: Palestinian Stories of Struggle and Defiance in Israeli Prisons» (Pluto Press). Baroud a un doctorat en études de la Palestine de l’Université d’Exeter et est chercheur associé au Centre Orfalea d’études mondiales et internationales, Université de Californie. Visitez son site web: www.ramzybaroud.net.
1er août 2020 – Middle East Monitor – Traduction : Chronique de Palestine – Lotfallah