
Illustration : Mahdi Rteil / Al-MAyadeen
Par Robert Inlakesh
La répression des manifestations étudiantes contre la guerre de Gaza est une attaque sans précédent contre la liberté académique, menée conjointement par le lobbying pro-israélien et le gouvernement.
Cette attaque contre la liberté académique, la pire de toute l’histoire des États-Unis, qui a commencé avec l’administration américaine de Biden, s’est intensifiée sous l’administration Trump jusqu’à surpasser les répressions de l’ère de la guerre froide contre les dissidents.
Tout cela parce que le lobby sioniste américain refuse de laisser les étudiants protester contre le génocide de Gaza.
On sait, depuis des décennies, que le gouvernement des États-Unis est prêt à sacrifier son image pour sauvegarder les intérêts qu’il partage avec les Israéliens, mais depuis le début du génocide du régime sioniste à Gaza, il a porté son « soutien inconditionnel » à un niveau inédit.
En 1963, le leader révolutionnaire afro-américain Malcolm X affirmait que « les crimes ont un effet boomerang (*) » en réponse à l’assassinat de John F. Kennedy. Le message était controversé, mais extrêmement clair : les crimes se retournent contre ceux qui les commettent.
Une autre version de cette maxime est apparue après les attentats du 11 septembre, cette fois lorsque le pasteur Jeremiah Wright a illustré les propos d’un ambassadeur américain sur Fox News en s’exclamant : « Les crimes ont un effet boomerang ».
Les étudiants de Columbia ne cèdent pas à la peur et luttent contre les menaces de déportation
Dans les deux cas, lorsque ces discours politiques controversés ont été prononcés, l’indignation a noyé le sens profond du message. Ce que Malcolm X et Jeremiah Wright voulaient dire, c’est que tout a un effet rétroactif, et donc que tous les crimes ont des conséquences.
Comme l’a affirmé le pasteur Wright en septembre 2001, « la violence engendre la violence. La haine engendre la haine. Et le terrorisme engendre le terrorisme ». Bien que ces paroles puissent être considérées comme provocatrices, leur but était d’inciter à une remise en question de la politique étrangère.
C’est un fait que les universités des États-Unis et de tout l’Occident collectif ont régulièrement investi dans des entreprises d’armement qui ont aidé les Israéliens à commettre des crimes de guerre contre le peuple palestinien.
Pendant un certain temps, elles ont autorisé un certain niveau de critique de l’entité sioniste et du soutien que Washington lui apporte, en croyant peut-être qu’elles n’auraient jamais à faire face aux conséquences de leur propre rôle dans l’aide apportée aux crimes israéliens contre l’humanité, mais cette croyance s’est effondrée.
L’exécution publique de la liberté académique aux États-Unis
En avril 2024, un mouvement anti-guerre historique a éclaté sur les campus universitaires des États-Unis. Il a commencé à l’université de Columbia avec un campement d’étudiants exigeant que leur institution universitaire se désengage des investissements dans les entreprises d’armement et rompe tout lien avec Israël, en signe de protestation contre le génocide de Gaza.
Soudain, les membres du Congrès payés par le lobby AIPAC, les médias américains et le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu ont commencé à dépeindre les étudiants, dont beaucoup étaient juifs, comme des nazis modernes. Le lobby sioniste s’est pleinement mobilisé à New York et dans toute l’Amérique du Nord.
En réponse au campement pacifique des étudiants, le président de l’université de Columbia, Minouche Shafik, a décidé qu’une répression violente serait la solution. La police de New York a été appelée pour disperser les étudiants, mais la résistance des étudiants aux autorités a augmenté l’ampleur des manifestations qui se sont propagées dans les universités de la « Ivy League ».
Le lobby pro-israélien est passé à la vitesse supérieure, inventant des cas d’antisémitisme et d’agressions physiques qui n’ont jamais eu lieu. En fait, une étudiante sioniste a même prétendu avoir été poignardée avec un drapeau palestinien – ce qu’une vidéo de l’incident a démenti par la suite -, ce qui lui a valu d’être complaisamment interviewée par les médias dans tout le pays.
Lettre de Mahmoud Khalil, prisonnier politique palestinien en Louisiane
Ensuite, lorsque des vigiles sionistes, des gardes de sécurité et des forces de police ont décidé d’agresser physiquement des étudiants pro-palestiniens, des professeurs et même la candidate juive pro-palestinienne à la présidence, Jill Stein, les médias ont fait comme si rien de tout cela n’avait eu lieu.
Plusieurs incidents ont été filmés, au cours desquels des étudiants noirs pro-palestiniens ont été traités de « N Word (**) », mais personne n’a osé critiquer les sionistes.
La grande majorité des présidents d’université a refusé de prendre en compte les demandes des étudiants, préférant autoriser la dispersion violente de leurs campements.
Mais cela ne suffisait pas au lobby sioniste et aux milliardaires sionistes qui menaçaient de retirer leurs fonds aux universités, en plus de faire tout leur possible pour renverser les présidents.
Elise Stefanik – qui est maintenant l’ambassadrice de Donald Trump à l’ONU – a reçu 796 829 dollars de donateurs pro-israéliens entre 2023 et 2024. Elle a été l’une des élues les plus en vue à mener la charge contre le mouvement étudiant, se vantant même d’avoir contribué à renverser cinq présidents d’université.
Ces présidents d’université et les décideurs de leurs institutions académiques ont pourtant réprimé les manifestations et refusé de satisfaire les demandes des étudiants, mais ce n’était pas assez pour le lobby sioniste.
L’élimination de cinq présidents d’université est sans précédent dans l’histoire des États-Unis, même pendant la guerre froide, un tel événement ne s’était pas produit.
La classe milliardaire sioniste des États-Unis et le lobby pro-israélien ne pouvaient tout simplement pas permettre aux étudiants indignés par le génocide en cours dans la bande de Gaza de s’exprimer.
Tout ce processus a commencé sous le mandat de l’ancien président américain Joe Biden, mais s’intensifie maintenant à toute vitesse sous le règne de Donald Trump.
« La liberté d’expression est de retour », a déclaré le président peu après son investiture en janvier, après quoi il a entrepris de brûler le Premier Amendement de la Constitution américaine par une attaque sans précédent contre la liberté d’expression.
En commençant par la détention par l’ICE (l’immigration) du résident permanent légal et ancien étudiant de Columbia, Mahmoud Khalil, l’administration Trump a mené une croisade contre des étudiants qui n’avaient commis aucun crime, mais qui exerçaient leur droit à la liberté d’expression.
Le gouvernement américain salit les manifestants pacifiques contre le génocide en les qualifiant de « partisans du Hamas » et d’« antisémites », et cherche à les expulser.
Trump a également menacé de retirer 400 millions de dollars de financement fédéral à l’université de Columbia, exigeant que son programme d’études sur le Moyen-Orient et les Afro-Américains soit placé sous la juridiction du gouvernement.
Ces menaces de cesser les financements se sont étendues au-delà de Columbia, puisque la Maison Blanche a ouvertement menacé d’étriper les universités qui autorisaient ce que le président a appelé des « manifestations illégales », en référence aux protestations contre les crimes de guerre israéliens.
Comme Malcolm X et Jeremiah Wright nous l’avaient dit, les mauvaises actions entraînent des conséquences. C’est exactement ce que ces universités sont en train de découvrir, sans toutefois encore se rendre compte qu’en continuant à réprimer leurs propres étudiants, elles ne se sauvent pas elles-mêmes, mais choisissent plutôt d’aider ceux qui ne reculeront devant rien pour remettre en cause la liberté académique.
Les universités elles-mêmes commencent à ressentir le contrecoup de leurs décisions d’investir dans l’armement, dans le mal.
La Palestine sert actuellement de prétexte au gouvernement américain pour en finir avec la liberté d’expression sur les campus universitaires, avec l’aide du puissant lobby sioniste, mais la liberté ne reviendra pas lorsque les manifestations contre l’apartheid et les crimes de guerre israéliens prendront fin.
Si c’était le cas, pourquoi d’autres départements feraient-ils déjà l’objet d’une surveillance gouvernementale stricte ?
Alex Karp, PDG de la société d’analyse Palantir Technologies, soutenue par la CIA, a été un fervent opposant aux campements d’étudiants et continue de critiquer les nouvelles idées qui prévalent sur les campus universitaires.
Karp a révélé la véritable raison pour laquelle il ne supporte pas les manifestations, lorsqu’il a dit que « si nous perdons le débat intellectuel, nous ne pourrons plus jamais déployer d’armée en Occident ».
Le lobby sioniste ne veut pas débattre parce qu’il sait que sa position est intenable, alors il applique son « plan B » : réprimer les manifestations, expulser et déporter les étudiants, les attaquer et les priver de leur droit à la liberté d’expression.
C’est peut-être aux États-Unis que cette répression a le plus fait parler d’elle, mais il y a des lobbies sionistes dans tout l’Occident, et ils font pareil partout.
Notes :
(*) L’expression US est : « the chickens are coming home to roost ».
(**) N pour nègre
Auteur : Robert Inlakesh
* Robert Inlakesh est un analyste politique, journaliste et réalisateur de documentaires actuellement basé à Londres, au Royaume-Uni. Il a rapporté et vécu dans les territoires palestiniens occupés et travaille actuellement avec Quds News et Press TV. Il est le réalisateur de Steal of the Century: Trump's Palestine-Israel Catastrophe. Suivez-le sur Twitter.
3 avril 2025 – Al-Mayadeen – Traduction : Chronique de Palestine – Dominique Muselet
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