La Convention nationale du parti démocrate n’a pas rassuré les défenseurs des droits des Palestiniens. Les démocrates ont en effet tout fait pour dissimuler leur profonde complicité dans le génocide de Gaza.
La Convention nationale du parti démocrate (DNC) n’a pas été un bon signal pour ceux qui défendent les droits des Palestiniens.
Le seul point positif de cette DNC est le premier panel de discussion officiellement approuvé par le DNC sur le thème des droits des Palestiniens, fruit d’un puissant mouvement populaire qui voulait que la Palestine soit mentionnée de manière officielle à la Convention, qui a marqué un grand pas en avant sur le plan politique.
Mais à part cette petite, mais significative, victoire, les démocrates ont largement réussi à mettre leur profonde complicité dans le génocide de Gaza sous le tapis. Les manifestants à l’extérieur se sont heurtés à la police et des manifestants et des événements ont causé de brèves perturbations à l’intérieur de la Convention, mais dans l’ensemble, Gaza n’a guère retenu l’attention, que ce soit sur la scène ou dans les médias.
La situation politique n’est pas pour autant restée statique, pendant qu’Israël poursuivait ses massacres abominables, en bombardant les écoles et d’autres lieux de refuge. Elle a malheureusement pris une tournure encore plus sinistre, ce qui laisse peu d’espoir de voir la tuerie s’arrêter de sitôt.
Les récents développements vont concourir à prolonger le génocide pendant des mois et à accélérer l’escalade régionale.
Les « pourparlers sur le cessez-le-feu à Gaza » sont le nouveau « processus de paix »
Malgré le faux optimisme colporté par Joe Biden et ses larbins, la dernière série de pourparlers sur le cessez-le-feu, bien que toujours en cours, a déjà échoué.
Avec l’appui US, les Israéliens font capoter la nième possibilité d’un cessez-le-feu
Le secrétaire d’État américain Antony Blinken a collaboré avec le premier ministre israélien Benjamin Netanyahu pour détruire toute chance de cessez-le-feu à court terme.
Blinken a annoncé ce qu’il a appelé des « propositions de rapprochement », destinées à combler les lacunes entre le Hamas et Israël sur la base de la proposition de cessez-le-feu présentée par Biden à la fin du mois de mai. Blinken n’a pas expliqué pourquoi ces « propositions » étaient nécessaires, alors même que Biden prétendait que le plan qu’il avait présenté à l’époque était en fait un plan israélien et que, lorsque ce mensonge est devenu trop évident, il a affirmé à plusieurs reprises qu’Israël l’avait accepté.
En fait, le Hamas avait depuis longtemps déclaré qu’il accepterait la proposition de Biden, telle qu’elle avait été approuvée par le Conseil de sécurité des Nations unies. Il s’agissait manifestement d’un tournant inattendu pour Netanyahu, qui s’est empressé de créer de nouvelles conditions que le Hamas ne pouvait accepter.
Jeudi, un fonctionnaire israélien a déclaré au Times of Israel que les propositions de transition de Blinken « répondent aux exigences de sécurité israéliennes », qui comprennent la poursuite du génocide, après une brève pause, jusqu’à ce qu’Israël « atteigne tous ses objectifs de guerre », ainsi qu’une présence israélienne continue le long de la frontière entre Gaza et l’Égypte, le « corridor de Philadelphie ».
Il n’est pas nécessaire d’être diplômé en affaires internationales pour comprendre qu’il ne s’agit pas de « propositions de transition », mais de conditions que le Hamas ne peut accepter. Il convient de noter que personne d’autre, qu’il s’agisse d’un gouvernement ou d’un groupe militant, ne pourrait davantage l’accepter.
De fait, ces conditions ont quelque peu ébranlé le triumvirat composé des États-Unis, du Qatar et de l’Égypte en remettant directement en question la position de l’Égypte, qui fait l’objet de deux traités, à savoir qu’Israël ne peut pas rester à la frontière sud. Si aucun des deux pays ne s’est opposé bruyamment à cette proposition, ils ne l’ont pas non plus soutenue, et l’Égypte a clairement fait savoir qu’elle ne l’accepterait pas.
L’idée qu’Israël puisse rester dans le corridor de Philadelphie constitue une violation explicite d’un accord de 2005 régissant cette bande de terre et interdisant le déploiement d’Israël à cet endroit. Israël a demandé l’annulation totale de cet accord et la révision du traité de paix de 1979 entre l’Égypte et Israël.
L’Égypte a catégoriquement refusé ces demandes et a averti que des tentatives continues de les mettre en œuvre pourraient mettre en péril le traité dans son intégralité.
Avec ce nouvel échec des négociations sur le cessez-le-feu, la menace d’une attaque de l’Iran, du Hezbollah, d’Ansar Allah et des autres membres de l’Axe de la Résistance contre Israël se fait à nouveau plus pressante. Mais le temps écoulé depuis l’assassinat du principal négociateur du Hamas, Ismail Haniyeh, à Téhéran, a donné aux États-Unis le temps nécessaire pour redéployer leurs forces et renforcer leurs défenses navales et aériennes pour protéger Israël.
Cela pourrait rendre une attaque contre Israël, qui reste très probable, largement symbolique, comme celle d’avril. Mais si l’Axe décide que cela ne suffit pas, cela augmente également le risque qu’une riposte plus importante déclenche une conflagration régionale dans laquelle les États-Unis pourraient également être entraînés.
Les espoirs qu’on mettait en Kamala Harris s’amenuisent
Le refus des démocrates et de la campagne de Kamala Harris d’inviter un orateur américain d’origine palestinienne à s’exprimer lors du DNC n’est que le dernier faux pas d’un parti qui, même s’il reconnaît avoir besoin d’électeurs progressistes, musulmans, arabes et palestiniens, ne peut se résoudre à se débarrasser de son mépris des vies palestiniennes, en particulier celles de la bande de Gaza.
Ce n’était pourtant pas difficile. Le Mouvement des non-engagés et d’autres Palestiniens et défenseurs de la Palestine au sein du parti, voulaient simplement que quelqu’un parle au public de la souffrance à Gaza et de la nécessité d’un cessez-le-feu. Il aurait pu s’agir d’une voix modérée, qui aurait touché le cœur des participants et appelé à la fin du massacre d’Israël, un discours que même l’aile pro-israélienne du parti n’aurait pas pu attaquer ouvertement.
Au lieu de cela, ils ont exclu les Palestiniens et donné la parole aux parents d’un otage israélo-américain qui, en refusant de prendre parti pour un des deux camps (ce qui est tout à fait compréhensible compte tenu de la situation de leur fils) et en se concentrant très clairement sur les otages israéliens, ont fait preuve de plus d’empathie pour les Palestiniens de Gaza que n’importe qui d’autre lors de la Convention.
C’est absolument honteux de la part des démocrates, de Kamala Harris et Tim Walz, et du parti dans son ensemble, y-compris de beaucoup de ses membres soi-disant progressistes.
La décision de faire taire les voix palestiniennes tout en mettant l’accent sur les terribles souffrances d’un otage juif américain et de sa famille envoie un message révoltant à la base démocrate : nous attachons beaucoup d’importante à la vie des juifs israéliens, mais aucune à celle des Palestiniens.
Il n’y avait aucune nécessité politique à cela. L’AIPAC et les donateurs auraient peut-être été mécontents de la présence d’un orateur palestinien, mais ils n’auraient pas abandonné les démocrates uniquement parce que quelqu’un s’était inquiété du sort des civils à Gaza. Et ce n’est pas le seul signal choquant envoyé par Harris pendant la DNC.
Haile Sofer, PDG du Conseil démocrate juif d’Amérique et ancien conseiller de Kamala Harris en matière de sécurité nationale, a déclaré avec assurance que cette dernière n’arrêterait jamais l’aide militaire à Israël et ne lui mettrait jamais de conditions. Elle a fait cette déclaration lors d’un événement parrainé par le Comité juif américain en marge du DNC.
Sofer est une personnalité importante du parti démocrate et de la communauté juive, et elle n’a pas la réputation de faire des déclarations politiques sans fondement. Sa proximité avec Harris confère à cette déclaration une grande crédibilité, même si elle ne s’exprimait pas spécifiquement au nom de Harris, mais donnait simplement sa propre interprétation des opinions de cette dernière. Elle connaît bien ces opinions puisqu’elle a contribué à les façonner.
Un peu moins crédible, mais tout de même très préoccupant, le représentant de l’Illinois Brad Schneider a déclaré au même auditoire qu’Ilan Goldenberg, qui a été engagé la semaine dernière par Harris pour assurer la liaison avec la communauté juive américaine, lui avait dit que Harris n’essaierait pas de réintégrer le JCPOA, l’accord sur le nucléaire iranien.
Schneider est une source un peu moins fiable. Il est plus enclin aux déclarations grandiloquentes, aux mauvaises interprétations et au manque de discernement que Sofer. Il a également la réputation, ici à Washington, de ne pas toujours bien réfléchir avant de parler.
De plus, la déclaration elle-même est largement ouverte à l’interprétation, tant en ce qui concerne ce que Goldenberg aurait pu vouloir dire (il pourrait bien avoir simplement essayé d’apaiser les inquiétudes des pro-israéliens fanatiques concernant sa propre position sur l’Iran, par exemple) qu’en ce qui concerne la façon dont Schneider lui-même l’interprète. En d’autres termes, c’est un peu inquiétant, mais il est loin d’être certain que cela reflète la pensée réelle de Harris en matière de politique.
Le problème, c’est que Harris ne nous donne aucune raison d’espérer une meilleure politique pour le Moyen-Orient que celle de son patron actuel.
Tous les premiers signaux sont négatifs. Le « ton empathique », tant vanté, que Harris a tenté d’adopter n’est pas seulement en train de s’user et de s’estomper avec le temps, mais tout ce qu’il montre, c’est qu’elle est un peu meilleure que Joe Biden pour tromper le public américain avec des mots doux qui dissimulent à peine une politique génocidaire en Palestine, une approche militariste de l’Iran et de l’ensemble de la région, et une totale complaisance pour des alliés violents et criminels, comme Israël et l’Arabie saoudite.
Il est très décevant et inquiétant de constater que Kamala Harris est en dessous de tout, quand il s’agit de répondre aux progressistes, aux Palestiniens, aux musulmans, aux Arabes et au grand nombre de juifs et d’alliés anti-génocide, qui supplient presque les démocrates d’arrêter de considérer leurs votes comme acquis et de leur donner plutôt une raison de voter pour Kamala Harris plutôt que de voter simplement contre Donald Trump.
Auteur : Mitchell Plitnick
* Mitchell Plitnick est le président de ReThinking Foreign Policy. Il est le co-auteur, avec Marc Lamont Hill, de Except for Palestine : The Limits of Progressive Politics. Mitchell a notamment été vice-président de la Fondation pour la paix au Moyen-Orient, directeur du bureau américain de B'Tselem et codirecteur de Jewish Voice for Peace.Son compte Twitter.
23 août 2024 – Mondoweiss – Traduction : Chronique de Palestine – Dominique Muselet