Par Miko Peled
Selon le droit international, les réfugiés palestiniens ont le droit de retourner dans leurs foyers et sur leurs terres et d’obtenir réparation et indemnisation pour leurs souffrances et leurs pertes personnelles et collectives. En outre, l’État d’Israël, qui est responsable du nettoyage ethnique de la Palestine, doit payer pour le rapatriement, la réhabilitation et la reconstruction que le retour nécessitera. Il est essentiel de bien comprendre pourquoi des millions de Palestiniens vivent en tant que réfugiés et ce que le droit international dit de leur situation, et une étude publiée récemment apporte un éclairage sans précédent sur la question des réfugiés palestiniens.
“Palestinian Refugees in International Law” (2nd Edition), de Francesca P. Albanese et Lex Takkenberg, a été publié en Mai 2020 par Oxford University Press. C’est un ouvrage complet sur la question des réfugiés palestiniens, et son importance ne saurait être surestimée. Cette étude remet les pendules à l’heure quant à la cause de la crise des réfugiés, fournit des statistiques capitales et procure des éléments d’information cruciaux concernant ce que dit le droit international sur les réfugiés palestiniens.
L’étude précise d’emblée que, « au moment de la publication, l’exil non-résolu des réfugiés palestiniens est entré dans sa huitième décennie. » Certains réfugiés sont de la troisième, voire de la quatrième génération, et ils constituent le « plus important groupe de réfugiés au monde. » En outre, elle précise que leur situation de réfugiés est la plus longue de l‘histoire moderne. »
Contexte historique
La campagne initiale de nettoyage ethnique massif des Palestiniens par les forces sionistes s’est déroulée de 1947 à 1949. Bien que le nettoyage ethnique et le déplacement interne des Palestiniens par Israël se soient poursuivis pendant une grande partie des années 50, et en fait continuent jusqu’à aujourd’hui, la campagne de nettoyage ethnique de 1947-1949 est ce qui a causé la destruction de la Palestine telle qu’elle avait été connue pendant des siècles. Cette campagne a été responsable de la survenue de ce que l’étude désigne comme « l’une des crises de réfugiés les plus importantes et les plus prolongées de tous les temps. » La majorité de ces réfugiés et leurs descendants, troisième et même quatrième générations, sont enregistrés en tant que ‘réfugiés de Palestine’ par l’UNRWA et sont généralement appelés réfugiés de 1948.
Les Palestiniens qui ont été exilés de la Cisjordanie, de Jérusalem-Est, et de la Bande de Gaza en 1967 sont généralement appelés « personnes déplacées » ou « réfugiés de 1967. » Leur sort et leur statut sont selon le droit international similaires à ceux des réfugiés de 1948. Toutefois, une terminologie différente leur est appliquée en raison du statut du pays d’où ils ont été déplacés – le Royaume de Jordanie, qui était à cette étape un état indépendant. Chaque année, l’Assemblée Générale de l’ONU adopte une résolution annuelle distincte qui leur est spécifiquement consacrée.
Droits des réfugiés
Ayant subi une violente agression contre leur vie et leurs biens et étant soudainement privés de la protection du gouvernement de la Palestine Mandataire dont ils étaient citoyens, les Palestiniens sont devenus des réfugiés apatrides. Ils furent admis dans des pays voisins, espérant pour beaucoup que ce serait à titre provisoire. Cependant, on pourrait avancer, comme je le fais, que cette attente résultait d’un grave malentendu quant aux objectifs et à l’influence du mouvement sioniste.
« Pour des raisons politiques et historiques les réfugiés palestiniens bénéficient d’un régime distinct constitué de normes spécifiques et d’arrangements institutionnels différents de ceux s’appliquant à d’autres réfugiés. » Cette réalité a affecté la protection que méritent les Palestiniens en tant que réfugiés et souvent « les exclue des droits et normes du traitement accordés aux autres réfugiés. » En d’autres termes, les réfugiés palestiniens sont internationalement reconnus et pourtant soumis à un régime institutionnel distinct comparé à celui des autres réfugiés partout dans le monde. Cette distinction vient des dispositions spéciales que l’ONU a dû prendre à leur intention en 1948, étant donné que l’état sioniste nouvellement constitué refusait de les laisser rentrer chez eux.
L’une des erreurs courantes que font les gens concernant les droits des réfugiés palestiniens c’est de croire que l’obtention de droits dans leur pays d’accueil, dont la citoyenneté, affaiblira en quelque sorte leurs revendications envers Israël. D’après cette étude, « il faut tordre le cou une fois pour toute » à cette croyance. En fait, l’étude affirme, par ailleurs, que pour la réalisation des droits des réfugiés palestiniens, la communauté palestinienne doit opérer un changement de paradigme, et que la diplomatie régionale et internationale doit apporter un certain degré de soutien « qui a fait grandement défaut jusqu’ici. »
En outre, la fragmentation politique et physique dont est victime le peuple palestinien et la diversité des cadres légaux et des acteurs qui sont en charge de son sort sont devenues des caractéristiques de son vécu et de son malheur. Il doit se produire un changement fondamental dans la façon dont les réfugiés palestiniens sont perçus, « non pas comme les victimes d’un processus politique qui a échoué, mais comme des personnes qui ont des droits, et sont en droit de forger leur propre destinée »
Identité et nombres
« Aujourd’hui, sur plus de 13 millions de Palestiniens dans le monde, huit millions environ sont des réfugiés. » 5,5 millions sont enregistrés en tant que ‘réfugiés de Palestine’ auprès de l’Office de Secours et de Travaux des Nations Unies (UNWRA) en Jordanie, au Liban, en Syrie, dans la Bande de Gaza, et en Cisjordanie.
L’étude estime qu’environ 1,5 millions de Palestiniens sont actuellement dispersés en dehors des pays arabes, et leur statut et leurs papiers les rend statistiquement invisibles et donc, difficiles à suivre. En raison de leur dispersion, les réfugiés palestiniens ont souvent une : identité à trait d’union Palestinien-Jordanien-, Palestinien-Syrien, Palestinien-Américain, Palestinien-Irakien, etc. il faut préciser que pour la plupart des Palestiniens la résidence à long terme dans des pays d’accueil ne s’est pas traduite par la protection qu’offre la citoyenneté.
Un autre fait peu connu que révèle cette étude c’est que depuis la fin des années 60, plus de 700 000 réfugiés palestiniens ont été éjectés de pays arabes, créant des défis extraordinaires, y compris la nécessité de chercher l’asile dans un autre pays. Ce qui rend la situation plus grave encore, c’est que l’Assemblée Générale de l’ONU n’a pas donné de mandat pour prendre soin d’eux. Ils ne sont pas inclus dans la population de réfugiés enregistrée par l’UNWRA et ne bénéficient pas d’une assistance complète de la part de l’agence.
Question démographique
Ce qu’il est désormais convenu d’appeler la « question démographique » est le nom de code de l’obsession sioniste, à savoir établir une majorité juive en Palestine – territoire qui jusqu’en 1948 avait une forte majorité arabe. C’est un enjeu pressant depuis les premières années du Mandat britannique. Pourtant, malgré le soutien britannique au projet national juif et les vagues de migration juive en Palestine depuis la fin du dix-neuvième siècle, à la fin de 1947, la population juive de Palestine ne représentait qu’un tiers de la population totale de la Palestine.
La Grande Bretagne facilita la migration juive en `Palestine et fit de centaines de milliers de migrants juifs européens des citoyens de la Palestine mandataire. « Le décret sur la citoyenneté du 1ier août 1925, accorda les droits de la citoyenneté pleine et entière à tous les sujets turcs (ottomans) résidants habituellement en Palestine, dont la vaste majorité était des Palestiniens arabes.
En 1946, la population de Palestine était estimée à 1 846 000 habitants, dont 1 203 000 Arabes palestiniens et 608 000 juifs. Au cours des trente années du contrôle britannique sur la Palestine, la population juive augmenta de plus de 30 pour cent comparé à une moyenne de croissance de 10 pour cent au cours des 20 dernières années de l’empire ottoman, période déjà marquée par une immigration juive accrue.
L’idée de bouter les Arabes palestiniens hors de Palestine par le biais de l’expulsion et du transfert s’était très tôt ancrée dans l’état d’esprit de la direction sioniste. Dès les années 1930, l’agence juive avait mis en place une commission de transfert de population qui a élaboré des plans pour évacuer la population palestinienne « en obtenant des terres pour eux dans les pays voisins, ou en obtenant que la Grande Bretagne les déplace. » Au cours de 1948, plusieurs commissions de transfert furent mises en place par l’Agence juive, et plus tard par le gouvernement israélien pour « faciliter l’exode. »
Lors de la signature des accords d’armistice en 1949 entre le nouvel état d’Israël et ses voisins arabes, il ne restait que 15 pour cent de la population arabe de la Palestine d’avant 1948 dans le territoire qui deviendrait Israël.
Criminalisation du retour et confiscation des biens
L’état d’Israël a déclaré son indépendance le 14 mai 1948. Dès juin de cette année-là, le gouvernement israélien avait pris la décision d’interdire aux réfugiés de rentrer chez eux. En 1952, Israël a adopté la Loi sur la Nationalité, qui effectivement banissait plus des deux-tiers des citoyens arabes palestiniens de la citoyenneté de la Palestine sous Mandat britannique, territoire qui était toujours leur propre pays.
En 1954, Israël adopta ‘la Loi sur la Prévention de l’Infiltration’, qui concrètement criminalisait le retour des réfugiés palestiniens. Les soldats qui voyaient des « infiltrés, » terme utilisé pour décrire tout Palestinien tentant de revenir dans sa maison ou sur ses terres, étaient autorisés à tirer à vue sur eux. Ceux qui étaient capturés et non tués sur place étaient emprisonnés et de nouveau expulsés.
Ceci n’était pas seulement motivé par la cruauté sioniste mais aussi par l’avidité.
Les richesses que les Palestiniens laissaient derrière eux « étaient stratégiques pour l’état d’Israël émergeant. » Les Palestiniens ont laissé derrière eux d’immenses étendues de terres agricoles, des outils, du bétail, des boutiques, des usines, des lieux de culte, des maisons particulières, des avoirs financiers, et des effets personnels. Les récoltes des champs et des vergers ont aussi été abandonnées, parmi lesquelles de vastes stocks d’agrumes en attente d’exportation contre des devises.
Les biens meubles ont été vendus par les autorités israéliennes. Le gouvernement a même mis en location des carrières de pierre abandonnées et vendu les fruits de cactus provenant de champs abandonnés. « Au-delà de ce gain monétaire, le contrôle des biens des réfugiés permettait à Israël et à l’agence juive d’installer à bon compte des centaines de milliers d’immigrants juifs qui commençaient à affluer en Israël après 1948. »
« Le fossé entre ces biens et leurs propriétaires/occupants s’est encore plus creusé en raison du transfert, par le biais ‘d’accords d’achat, ’ à l’Autorité de Développement israélienne, et par la suite au Fond National juif, pour la gestion. » Ces institutions sionistes ont rendu impossible la restitution de ces biens – meubles comme immeubles – de réfugiés palestiniens et de Palestiniens déplacés de l’intérieur à leurs propriétaires légaux et légitimes.
En plus de couper les liens entre la terre et ses propriétaires d’origine, Israël a transformé le territoire pour qu’il bénéficie à sa propre croissance économique. « Dès 1950, le Custodian était devenu le plus grand propriétaire terrien en Israël. » Il avait acquis l’autorité légale d’attribuer les biens palestiniens aux immigrants juifs qui arrivaient.etude-doxford-conteste-affirmations-israel-sur-refugies-palestiniens
Dans les années 1950, les Lois sur les Biens des Absents ont consolidé la pratique de saisie des biens des absents et leur transfert à l’état d’Israël pour la jouissance exclusive de la population juive. Les biens des absents ont grandement contribué à faire d’Israël un état viable. Ces lois ont permis à Israël de s’emparer de fermes et d’habitations urbaines de Palestiniens et de les peupler des nouveaux venus juifs en provenance d’Europe et de pays arabes. Les kibboutz juifs et les colonies agricoles ont commencé à exproprier de leurs terres tant les réfugiés que les Palestiniens restés dans ce qui était devenu Israël. Les Palestiniens qui sont restés n’ont pas eu d’autres choix que de travailler pour ces mêmes Israéliens qui avaient volé leurs terres.
Ces vastes étendus de bonne terre arable étaient maintenant détenues par l’état et étaient utilisées par des colonies juives et des agriculteurs individuels pour y cultiver des céréales et des légumes. Les maisons arabes inoccupées ont été utilisées pour loger des immigrants. Avec le temps, les villages palestiniens vidés ont été soit transformés, soit détruits. Certains furent transformés en parcs et forêts ; d’autres furent utilisés pour la culture et le développement. « Toutes ces mesures ont progressivement rendu la possibilité du retour des réfugiés de plus en plus improbable. »
Les porte-parole d’Israël et des sionistes à travers le monde aiment prétendre que les juifs sont venus sur une terre stérile et vide et qu’ils l’ont fait fleurir. Cette étude montre à l’évidence qu’ils sont venus dans un pays déjà prospère et qu’ils ont volé ses richesses.
Le rapport du médiateur de l’ONU pour la Palestine
Nous manquerions à nos obligations si nous ne mentionnions la contribution et en fait le sacrifice du Médiateur de l’ONU pour la Palestine, le comte Folke Bernadotte. Bernadotte était un diplomate suédois, à qui il a été demandé, après qu’il eut négocié avec succès le sauvetage d’environ vingt mille prisonniers des camps de concentration nazis (dont plus de la moitié étaient juifs), d’assumer le rôle de médiateur pour la Palestine. Il s’est rendu plusieurs fois dans le pays et a rendu plusieurs rapports.
Le comte Bernadotte a rendu son premier rapport sur les réfugiés à l’ONU le 16 septembre 1948. Le rapport décrit ses efforts pour obtenir du Gouvernement provisoire d’Israël un accord pour un retour échelonné des réfugiés. Cette étude affirme clairement que « les efforts pour trouver une solution diplomatique échouèrent à cause de la ferme opposition du gouvernement provisoire d’Israël au retour des réfugiés. » Le rapport de Bernadotte soulignait que :
« Le droit des personnes innocentes délogées de chez elles par la terreur actuelle et les ravages de la guerre, de revenir chez elles, doit être affirmé et concrétisé, accompagné de l’assurance d’une indemnisation adéquate pour les biens de ceux pourraient choisir de ne pas revenir. »
Le ‘droit’ au retour et à indemnisation adéquate des réfugiés palestiniens est récurrent dans son rapport, quelles que soient les opinions exprimées par le gouvernement provisoire d’Israël. Le droit au retour était considéré par Bernadotte comme faisant partie des prémisses les plus élémentaires au règlement du conflit. L’extrait suivant de son rapport trouve toujours un écho aujourd’hui :
« Il ne peut y avoir de règlement juste et complet sans reconnaissance du droit du réfugié arabe de retourner dans la maison dont il a été délogé … Ce serait une infraction aux principes de justice élémentaire si l’on refusait à ces victimes innocentes du conflit le droit de rentrer chez eux alors que des immigrants juifs affluent en Palestine, et, de fait, présentent la menace du remplacement permanent des réfugiés arabes. »
Le Médiateur a non seulement insisté sur le droit au retour des réfugiés mais a aussi exprimé clairement que ces droits devaient être affirmés plutôt qu’établis. Ceci reflétait le consensus dominant quant aux normes du droit international relatif aux réfugiés.
Bernadotte a également précisé que,
« Le droit des réfugiés arabes de retourner dans leur foyer en territoire sous contrôle juif le plus tôt possible devrait être affirmé par l’ONU, et leur rapatriement, réinstallation et leur réhabilitation économique et sociale, ainsi que le paiement d’une indemnisation adéquate pour les biens de ceux choisissant de ne pas rentrer, devraient se faire sous supervision et assistance de l’ONU. »
Le plaidoyer de Bernadotte en faveur des réfugiés palestiniens et son affirmation que Jérusalem – alors occupée et soumise à une campagne de nettoyage ethnique minutieux – devrait passer sous contrôle international et non sous contrôle sioniste étaient intolérables pour le gouvernement sioniste. Le 17 septembre 1948, un jour après avoir soumis son rapport d’étape, Folke Bernadotte a été assassiné par des membres d’une milice sioniste dans un attentat terroriste.
Les terroristes ont agi sur ordre de se débarasser de Bernadotte, et bien qu’il ait été dit plus tard que les assassins étaient membres d’un groupe marginal extrémiste et que le gouvernement central provisoire avait formellement condamné l’assassinat, il ne fait guère de doute que l’ensemble de l’institution sioniste était complice du meurtre de Bernadotte.
Bien que les assassins fussent bien connus et eussent même donné des interviews, aucun n’a jamais été traduit en justice. L’une des personnes connues pour avoir été directement impliquées dans l’assassinat est Yitzhak Shamir, bien qu’il n’ait pas fait partie du groupe terroriste qui a commis le meurtre. Shamir a ensuite occupé de nombreux postes du gouvernement israélien, y compris celui de premier ministre.
Résolution 194
L’Assemblée Générale de l’ONU a accepté les recommandations de Folke Bernadotte lorsqu’elle a adopté la Résolution 194, et à la suite de sa mort, a constitué la Commission de Conciliation des Nations Unies pour la Palestine (CCNUP), qui a endossé les principales fonctions du Médiateur. En ce qui concerne les réfugiés, la résolution spécifie que l’Assemblée Générale :
Décide qu’il y a lieu de permettre aux réfugiés qui le désirent, de rentrer dans leurs foyers le plus tôt possible et de vivre en paix avec leurs voisins, et que des indemnités doivent être payées à titre de compensation pour les biens de ceux qui décident de ne pas rentrer dans leurs foyers et pour tout bien perdu ou endommagé lorsque, en vertu des principes du droit international ou en équité, cette perte ou ce dommage doit être réparé par les Gouvernements ou autorités responsables ;
Suite au refus d’Israël de se conformer à la requête du Médiateur de permettre aux réfugiés de rentrer dans leurs foyers, l’Assemblée Générale affirme, dans le paragraphe 11, qu’elle,
Donne pour instructions à la Commission de conciliation de faciliter le rapatriement, la réinstallation et le relèvement économique et social des réfugiés, ainsi que le paiement des indemnités, et de se tenir en liaison étroite avec le Directeur de l’Aide des Nations unies aux réfugiés de Palestine, et, par l’intermédiaire de celui-ci, avec les organes et institutions appropriés de l’Organisation des Nations unies.
Le travail de la Commission de Conciliation des Nations Unies pour la Palestine (CCNUP) s’est achevé en 1964. D’après cette étude, les dossiers dans les archives de la Commission révèlent qu’elle a estimé la valeur de la terre que possédaient les réfugiés palestiniens à 204 660 250 livres palestiniennes britanniques, qui équivalent à 9,6 milliards de dollars EU en 2019.
L’étude stipule également que les estimations de la Commission sont considérées comme étant « incomplètes et prudentes, » mais qu’elles sont néanmoins les plus précises qui aient été faites à ce jour du point de vue méthodologique. « Au-delà de la perte des terres, un régime de compensation devrait aussi prendre en compte les pertes de biens meubles, des allocations pour trouble de jouissance (représentant la perte de revenus jusqu’à ce que le /la réfugié.e puisse se réinstaller), un paiement à titre gracieux représentant une compensation générale pour les préjudice subis, et les frais de réinstallation. »
En août 1961, sur suggestion du gouvernement E U, la Commission a nommé le Dr Joseph E. Johnson en qualité de représentant spécial. L’estimation globale de Johnson du montant dû aux réfugiés palestiniens au titre de compensation s’élevait à 1,377 milliards de dollars EU en 1962. C’est l’équivalent de 22,975 milliards de dollars EU en 2019. Tout ceci pour les réfugiés de 1948 uniquement.
La résolution 194 est l’une des résolutions les plus largement réaffirmées de l’histoire de l’ONU. Cette étude stipule que « des résolutions qui ont été réaffirmées des centaines de fois confirment non seulement un consensus international de longue date mais acquièrent également un caractère légal. » La Résolution 194 a été réaffirmée régulièrement au cours des années, et a même servi de précédent dans les réactions internationales à d’autres crises de réfugiés.
L’Arrêté militaire 58
Dans la foulée de l’attaque israélienne et de la conquête de terres arabes, et immédiatement après qu’elle eut saisi la Cisjordanie, l’armée israélienne a publié l’Arrêté militaire 58. Il permet la saisie de tout bien immobilier détenu par des résidents de Cisjordanie qui n’étaient pas dans le secteur le 7 juin 1967, et de ceux qui sont partis par la suite. « L’Arrêté militaire 58 reproduit la Loi sur les Biens des Absents de 1950 pour les territoires de 1967, l’appliquant au territoire qu’Israël ne fait, soi-disant, qu’occuper et sur lequel il n’a aucune souveraineté. »
D’après cette étude, l’Arrêté militaire 58 « a une portée plus large que la Loi sur les Biens des Absents, » en ce qu’il a permis à Israël de prendre le contrôle de biens immobiliers qui étaient détenus par la Jordanie depuis 1948 et de les placer sous le contrôle du dépositaire israélien. En outre, son application n’est pas limitée dans le temps, il s’applique à tout Palestinien qui quitte la Cisjordanie, et est toujours en vigueur à ce jour.
Droit international
Le gouvernement britannique a initialement fait deux promesses contradictoires concernant la Palestine, l’une aux arabes palestiniens autochtones et l’autre à la communauté d’immigrants juifs colonisateurs. Cependant, les actions du gouvernement britannique ne laissaient aucun doute quant à sa préférence pour la création de ce qui est devenu un état juif – ou plus exactement, un état sioniste – en Palestine. Il vaut la peine de mentionner, au passage, que la communauté juive orthodoxe qui résidait en Palestine à l’époque s’est opposée avec véhémence aux sionistes et à la création d’un état sioniste. Elle a fait connaitre son opposition aux Britanniques, aux Nations Unies, et aux dirigeants arabes palestiniens locaux, avec lesquels elle entretenait d’excellentes relations.
Le soutien britannique aux revendications sionistes sur la Palestine a permis l’offensive militaire généralisée des milices sionistes contre la communauté palestinienne autochtone. Cela a finalement mené à la création d’un état sioniste indépendant et à l’assujettissement, à la dépossession, à l’exil et à l’apatridie des Arabes palestiniens autochtones. Il a également entrainé des mesures empêchant le retour des Palestiniens déplacés de force tout en promouvant activement l’immigration juive sous couvert de retour. En conséquence, il existe actuellement une crise de réfugiés non résolue « qui est devenue la plus importante et la plus longue de l’histoire moderne. »
Il est crucial de reconnaître que les droits des réfugiés palestiniens au retour, à la restitution de leurs biens, et au dédommagement, étaient déjà consacrés par le droit international en 1948. L’Assemblée Générale des Nations Unies a réaffirmé ces droits dans la résolution 194.
En 1948, les réfugiés avaient déjà le droit de rentrer dans leurs foyers. Au lieu de cela, 750 000 réfugiés furent dénationalisés en masse, empêchés de retourner dans leur maison, et contraints à un exil apparemment sans fin. En d’autres termes, Israël avait déjà en 1948 contrevenu aux obligations qui lui incombaient en vertu du droit international humanitaire et du droit en matière de la responsabilité des états.
Depuis lors, les politiques et les pratiques des gouvernements israéliens successifs persistent à empêcher le retour et l’autodétermination du peuple palestinien. Israël refuse aux réfugiés palestiniens le droit au retour, la restitution de leurs biens, et le dédommagement, et les dirigeants israéliens persistent même à nier l’existence même d’un peuple palestinien. Israël justifie ses actions en contestant le fondement de ses obligations et ceux des droits des palestiniens, et la communauté internationale a fait preuve de faiblesse et n’a pas voulu intervenir.
La jurisprudence dans son évolution depuis la seconde guerre mondiale affirme que les revendications individuelles et collectives ne sont pas incompatibles mais au contraire se renforcent mutuellement. En fait, ce sont là des défis que l’on trouve dans d’autres cas de déplacements de masse, de graves violations des droits de l’homme, et où le passage du temps a accru le nombre de requérants. Le nombre élevé de requérants possibles chez les réfugiés palestiniens est souvent considéré comme justifiant le refus d’Israël de reconnaître les droits des réfugiés palestiniens en général. Toutefois, étant donné la limpidité des droits individuels et la nature des violations impliquées dans le cas palestinien, « les revendications individuelles et les réclamations collectives pour des groupes d’individus doivent être traitées.
Il y a des problèmes qui peuvent être surmontés, comme l’ont démontré les réparations faites aux victimes des persécutions nazies. Ils incluaient des réclamations multiples dans différentes juridictions de différents pays et sur différents continents, et des règlements intervenant plusieurs décennies après que les violations eurent lieu.
Le gouvernement israélien encourage énergiquement les juifs du monde entier à s’installer en Israël tout en faisant pression pour que des lois soient adoptées sur la restitution des pertes subies par les juifs. En même temps, il refuse catégoriquement aux Palestiniens le droit de revenir et de se réinstaller dans leur patrie et de recevoir réparation. Israël étant un état colonial de peuplement ces politiques ne sont guère inhabituelles, on peut, cependant, se demander à quelle étape la communauté internationale interviendra au nom des millions de réfugiés palestiniens qui attendent de rentrer.
Le droit au retour
Israël objecte au retour des réfugiés palestiniens au motif qu’il constitue une menace existentielle. Toutefois, ce que les institutions sionistes craignent tout autant ce sont les exigences au regard du droit international de devoir payer réparation et dédommagement pour les biens immobiliers tant privées que publiques, et les ressources naturelles volés au peuple palestinien.
En 1949, la Convention de Genève a précisé les règles en matière de déportation et a expressément fait référence au rapatriement des personnes protégées. L’Article 49 de la CGIV interdit « Les transferts forcés, en masse ou individuels, ainsi que les déportations de personnes protégées hors du territoire occupé. » Elle dit par ailleurs que « Toutes les personnes protégées qui souhaitent quitter le territoire dès le début d’un conflit, ou au cours de celui-ci, en auront le droit. »
Les institutions et porte-paroles sionistes prétendent que la question des réfugiés a en quelque sorte atteint un délai de prescription imaginaire. Cependant, le fondement légal des droits des réfugiés palestiniens au rapatriement, à réparation, et à dédommagement – conformément à la résolution 194 – n’a, non seulement, pas expiré mais, d’après cette étude, « est depuis devenu encore plus fort. » En outre, d’après les articles sur la Responsabilité des États, « la responsabilité de l’état ne diminue pas avec le temps. »
Ce n’est que pour des raisons politiques que les droits des réfugiés palestiniens continuent à être marginalisés. Les institutions sionistes partout dans le monde, font tout ce qu’elles peuvent, avec le soutien du gouvernement états-unien, pour minimiser la gravité de la question des réfugiés palestiniens et pour absoudre Israël de toute responsabilité. La chute du régime d’apartheid sioniste en Palestine et l’émergence d’une Palestine libre et démocratique en lieu et place est indiscutablement la seule évolution qui puisse concrètement permettre le retour des réfugiés.
Auteur : Miko Peled
* Miko Peled est un auteur et un militant des droits de l'homme né à Jérusalem. Il est l'auteur de “The General’s Son. Journey of an Israeli in Palestine” et “Injustice, the Story of the Holy Land Foundation Five". Son compte Twitter.
16 octobre 2020 – Mintpress News – Traduction: Chronique de Palestine – MJB