Par Adnan Abu Amer
Cette justification ne parvient pas à convaincre vu l’ampleur des bombardements dans les zones résidentielles de l’enclave assiégée.
Cette escalade israélienne peut être interprétée de plusieurs façons, peut-être la plus importante étant que l’establishment militaire israélien – le parti qui a, si l’on peut dire, le plus le sens des réalités au milieu de la pléthore de politiciens d’extrême-droite qui balaie le spectre politique – doit estimer que le facteur de dissuasion qu’il a imposé depuis la dernière offensive majeure sur Gaza en 2014 est en train de s’effriter.
Les manifestations et les cerfs-volants qui brûlent les champs des colons érodent le pouvoir de dissuasion des forces de défense israéliennes face à la résistance palestinienne. Cela oblige l’armée israélienne à vouloir remettre en état son vernis d’invincibilité au cas où celui-ci disparaîtrait complètement, tandis que les groupes de la résistance trouveraient de nouvelles façons de tenter de briser le siège imposé sur la bande de Gaza.
L’utilisation de ces cerfs-volants peut cependant exiger une sorte de direction et de contrôle, afin qu’ils restent un outil efficace bénéficiant aux Palestiniens et ne soient pas utilisés à leur détriment. Ils devraient être un outil contre les forces d’occupation, et non l’inverse.
Ce n’est un secret pour personne que l’establishment politique en Israël, avec à sa tête le gouvernement et son président, est attaqué par ses opposants parce qu’il n’a pas réussi à arrêter les protestations de la Grande Marche du Retour des Palestiniens et leurs cerfs-volants.
Les prochaines élections législatives en Israël sont prévues pour l’année prochaine, et nous voyons déjà les premiers coups de feu – littéralement – dans la campagne électorale. Les opposants au Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu ne trouveront pas de meilleure arme contre lui que les images de champs brûlés et noircis le long de la barrière de séparation de Gaza.
Je ne pense pas que l’environnement régional et international puisse être séparé de l’action militaire d’Israël, qui pourrait bien augmenter en fonction du succès ou de l’échec des efforts de médiation égyptiens ou du désir de Washington d’annoncer son prochain accord [“du siècle”]. Ce dernier peut exiger qu’il y ait un calme relatif en Israël-Palestine ou l’élimination de tout ce qui pourrait nuire à sa mise en œuvre, comme les activités des groupes de résistance dans la bande de Gaza.
Face à tout cela, le comportement d’Israël doit être analysé avec prudence. Il est vrai que la résistance a réussi à prouver sa valeur et sa capacité à répondre aux bombes israéliennes. Cependant, il faudra peut-être revoir cette position si la violence s’aggrave.
La réalité de la situation “ennemi, adversaire et ami” au niveau local, régional et internationprochain accordal peut inciter les dirigeants israéliens à poursuivre leur campagne sanglante contre Gaza, même si cela ne se termine pas en véritable confrontation, et ce sera pour des considérations qui sont liées aux stricts intérêts d’Israël.
Les dirigeants de la résistance palestinienne doivent donc prendre en compte cette réalité critique et très sensible afin de neutraliser tout facteur qui pourrait accélérer une telle confrontation, en mettant avant tout l’accent sur les intérêts de Gaza.
* Adnan Abu Amer est doyen de la Faculté des Arts et responsable de la Section Presse et Information à Al Oumma Open University Education, ainsi que Professeur spécialisé en Histoire de la question palestinienne, sécurité nationale, sciences politiques et civilisation islamique. Il a publié un certain nombre d’ouvrages et d’articles sur l’histoire contemporaine de la Palestine.
16 juillet 2018 – Middle East Monitor – Traduction : Chronique de Palestine