Par Zarefah Baroud
Fournir aux femmes de tous âges un modèle fort et positif pourrait briser une habitude toxique et un genre d’acceptation et d’attente des rôles et standards dégradants qui nous sont réservés dans la société. Un problème ressenti par de nombreuses femmes, en particulier les femmes de couleur, les membres de religions minoritaires ou les membres de la communauté LGBTQ, est que les femmes présentées dans les médias comme icônes de progressisme n’ont jamais pris parti ni soutenu ces deux groupes. Pour moi, et beaucoup d’autres femmes, la “représentation féminine” semble inutile pour ces raisons-là.
En ce qui concerne le récent film Wonder Woman, de nombreuses questions m’ont été posées personnellement: Est-ce que je devrais emmener mon hypothétique fille palestinienne voir un film où domine l’image d’une femme qui soutient et participe au génocide et au nettoyage ethnique de son peuple ? Est-ce que mon hypothétique fille oublierait tout l’immense dommage que Gadot a fait en Palestine, en Éthiopie, au Liban, en Syrie, etc., pour la simple raison que c’est une femme ? Le terme omniprésent de “féminisme blanc” vient à l’esprit dans des cas comme ceux-ci. La classe dominante au pouvoir, blanche et supérieure, n’a pas fait face à l’oppression et à la dévastation que Gal Gadot et ses comparses dans les FDI (Forces de défense israéliennes) ont provoquées. En fait, cette classe ne cesse d’en tirer profit, que ce soit grâce au soutien politique du lobby sioniste, ou grâce à des contrats mortifères de ventes d’armes, etc.
Il est assez facile de se sentir désespérée dans des situations comme cela. Quel pouvoir une étudiante d’université à Seattle a-t-elle ? Un facteur que beaucoup oublient et qui nous donne pouvoir et impact est notre soutien financier à des compagnies et entreprises, des films, etc. Comme stipulé dans la liste que le mouvement BDS (Boycott, Divest, Sanctions) a publié, j’ai fait le choix de complètement boycotter ce film. Gal Gadot ne soutient pas les femmes. La décision du monde du cinéma de promotionner Gadot n’a pas été motivée par le féminisme, mais par son soutien à l’ordre sioniste et suprématiste qui domine dans les médias et les États-Unis dans leur ensemble. S’il avait été question de faire une déclaration politique féministe, ce ne serait pas le membre d’une armée anti-arabe (et anti-africaine sur cette question) qui pratique le nettoyage ethnique et le génocide de peuples autochtones, qui interpréterait le rôle d’une femme amazone – en fait une femme indigène.
De là la question de savoir ce que les femmes doivent vraiment attendre du mouvement féministe, pas seulement aux États-Unis, mais à l’échelle mondiale. Aux yeux de nombreux Américains, les femmes de couleur n’ont rien à voir avec la question du féminisme, ce qui explique qu’ils ne soient en rien choqué lorsqu’ils entendent dire que Gal Gadot est la femme “blanche” parfaite pour tenir le rôle principal dans le nouveau film Wonder Woman.
Si les Américains veulent vraiment voir leur pays devenir un lieu qui mette en valeur l’équité pour les femmes et les autres peuples opprimés, il est essentiel que les exceptions de plus en plus nombreuses à être appliquées à cette norme soit bannies. Cela peut être appliqué à de nombreux mouvements importants et en plein croissance aux États-Unis aujourd’hui. Si vous avez défilé avec la Pride parade en 2017, par exemple, la cohérence dans votre solidarité s’impose. Vous devez marcher pour la justice contre la violence de la police qui a violenté et tué un nombre record de femmes du mouvement Black Trans. Vous devez marcher contre le Pink Washing qu’Israël a propagé tout en opprimant et discriminant les Palestiniens LGBTQ. Vous devez défendre toutes les formes d’abus à l’encontre des mouvements LGBTQ. Il n’est pas question de jouer à faire un choix, mais de se mobiliser collectivement pour les mêmes valeurs de justice, indépendamment des différentes étiquettes et des possibles réactions négatives liées à chacune des causes.
Personnellement, je suis arrivée à la conclusion que ce film n’était qu’un autre mauvais tour joué aux jeunes des États-Unis qui se préoccupent de l’autonomisation des femmes. Parce qu’une femme a été placée sur les écrans, l’oppression historique des femmes est supposée terminée, même si cette femme est partie prenante de l’oppression d’autres femmes dans tout le Moyen-Orient, en Afrique et même aux États-Unis.
Nous avons vu des événements similaires sous la présidence de Barak Obama. Le premier Noir à été envoyé à la Maison Blanche, et l’Amérique blanche s’est considérée comme post-raciale, malgré le fait que l’administration Obama ait poursuivi la lourde militarisation de la police aux États-Unis – en bénéficiant de la formation des FDI – laquelle cible et opprime directement la communauté noire dans ce pays. Alors que son administration était occupée à bombarder la Somalie, la Libye et d’innombrables autres pays africains et arabes, il était encore révéré comme un sauveur pour la communauté noire d’Amérique.
De même, Hillary Clinton a rêvé de décrocher le pompon en tant que première femme présidente, tout en trahissant les femmes partout dans le monde et alors qu’elle tentait de renverser les gouvernements souverains du Honduras et de la Libye. Elle a également été bien incapable de mobiliser des femmes à travers le monde.
Pour beaucoup de gens, le sentiment à l’égard du film Wonder Woman, c’est que c’est bien plus qu’un simple film. Il est bien loin d’être un signe d’évolution dans le mouvement féministe américain. Promotionner une femme qui est un vétéran d’un des pays les plus fortement militarisés de la planète n’est pas un signe de progrès. Mais cela donne aux Américains une illusion de progrès. Les féministes américaines blanches peuvent se tranquilliser un peu plus avec la satisfaction trompeuse d’avoir fait leur travail. Nous, que ce soit les Palestiniens, les personnes de couleur, des LGBTQ ou les minorités religieuses, nous n’attendons rien de bon de ce genre d’illusion.
Auteur : Zarefah Baroud
* Zarefah Baroud est titulaire d'un master en études politiques de l'Université de Washington, où elle a effectué des recherches sur les programmes d'aide américains à l'armée israélienne. Zarefah Baroud a publié divers articles sur CounterPunch, Common Dreams, Socialist Worker et d'autres, et elle travaille en tant qu'associée aux médias numériques pour l'organisation American Muslims for Palestine.Zarefah est doctorante au Centre européen d'études palestiniennes de l'Université d'Exeter. Son compte Twitter.
17 septembre – Transmis par l’auteure – Traduction : Chronique de Palestine – Lotfallah