Ils l’ont serré dans leurs bras, ont scandé des slogans pour la liberté palestinienne et ont exécuté la danse traditionnelle de Haka [danse rituelle chantée].
Pour eux, Mike, comme tous ceux qui ont embarqué à bord de la Flottille de la liberté vers Gaza en juillet dernier, étaient des héros.
Mais la vérité est que Mike Treen et ses camarades n’étaient pas les seuls héros à avoir bravé la mer dans le but de briser le blocus militaire étouffant israélien sur la bande de Gaza isolée du monde et terriblement appauvrie. Sans ceux qui étaient présents à l’aéroport d’Auckland, à l’arrivée de Mike, et sans les milliers de sympathisants à travers le monde entier qui se sont mobilisés comme une communauté, ont organisé de nombreuses réunions, levé des fonds, etc… un voyage vers Gaza n’aurait en premier lieu pas été possible.
Les premiers bateaux à avoir réussi à briser le siège de Gaza en août 2008 étaient le “Free Gaza” et le “SS Liberty”. Ils transportaient 44 personnes de 17 pays. Les militants ont voulu pousser leurs pays à reconnaître l’illégalité du blocus israélien sur Gaza et à contester le blocus.
Leur arrivée triomphale à Gaza il y a dix ans a marqué un moment historique pour le mouvement de solidarité internationale, peut-être un moment sans précédent. Depuis lors, Israël a lancé plusieurs guerres massives et meurtrières contre Gaza. La première guerre a eu lieu quelques semaines seulement après l’arrivée des premiers bateaux, suivie par une autre guerre en 2012 et, en 2014, la plus meurtrière. Le siège s’est resserré.
Aussi, depuis lors, de nombreuses tentatives ont été faites pour briser le siège. Entre 2008 et 2016, 31 bateaux se sont rendus à Gaza depuis de nombreuses destinations, tous interceptés, leur cargaison saisie et leurs passagers maltraités. Le plus tragique de ces incidents a eu lieu en mai 2010 lorsque la marine israélienne a attaqué le navire “Mavi Marmara” – qui naviguait à côté d’autres bateaux – assassinant 10 militants et en blessant beaucoup d’autres.
Malgré cela, le flot des bateaux de solidarité ne tarissait pas, non seulement sans crainte de représailles israéliennes, mais en restant ferme et déterminé. Les Palestiniens considèrent les militants assassinés comme des “martyrs” s’ajoutant à leur liste déjà longue.
Cependant, aucun des bateaux n’a atteint Gaza… Alors pourquoi persister dans les tentatives ?
En mai dernier, je suis arrivé en Nouvelle-Zélande dans le cadre d’une tournée de présentation de mon dernier livre qui m’a également conduit dans d’autres pays. Mais en Nouvelle-Zélande, une île du Pacifique relativement petite avec une population ne dépassant pas cinq millions d’habitants, la solidarité avec la Palestine était exceptionnelle.
Je me suis renseigné sur le solide travail de solidarité en Palestine en Nouvelle-Zélande, en interrogeant le coordinateur de “Kia Ora Gaza”, Roger Fowler, qui à l’époque était très occupé avec les derniers préparatifs de la Flottille de la liberté.
En Nouvelle-Zélande, a-t-il déclaré, “pendant de nombreuses années, le soutien à la lutte palestinienne s’est maintenu, souvent perçu comme étant trop éloignée et présenté à tort comme ‘trop complexe’. Mais l’indignation mondiale contre l’attaque meurtrière d’Israël en 2010 contre la flottille humanitaire avec à sa tête le Mavi Marmara qui se rendait à Gaza, a été un tournant majeur qui a changé tout cela.”
Fowler lui-même, ainsi que d’autres nouveaux militants Zélande s’étaient joints au convoi “Lifeline Gaza” peu de temps après l’attaque sur le Mavi Marmara, pour atteindre la bande de Gaza avec trois ambulances, bourrées de médicaments nécessaires, alors que le siège israélien privait le territoire assiégé des équipements hospitaliers et médicaments les plus urgents. La coordination de tout cela n’a pas été une tâche simple, car elle devait également être coordonnées avec les initiatives à l’échelle mondiale déployés pour le convoi, lequel comprenait 140 autres ambulances et 300 militants venant de 30 pays.
« Il y a eu beaucoup de scènes émouvantes quand les Palestiniens ont découvert les distances que nous avions franchies pour manifester notre solidarité – leurs oppresseurs israéliens avaient dit aux Palestiniens depuis des années que personne ne se souciait d’eux, ce qui est un grand mensonge”, m’a dit Fowler.
J’ai aussi parlé avec Mike Treen à son retour de son voyage en mer vers Gaza. Treen est un militant chevronné qui travaille quotidiennement à la défense des droits des travailleurs de tout le pays. Il voit sa lutte pour les droits des travailleurs en Nouvelle-Zélande comme partie intégrante de sa vision de ce que doit être la solidarité mondiale.
“En tant que membre du mouvement syndical dans ce pays, j’ai également pu expliquer (aux Néo-Zélandais) que des travailleurs innocents (à Gaza) sont victimes de ce siège et qu’Israël a poussé le chômage à plus de 50% pour les travailleurs – l’un des taux les plus élevés au monde”, me dit-il.
Treen, tout comme Fowler, comprend que la solidarité qui s’appuie sur les bateaux ne consiste pas simplement à vouloir satisfaire des besoins urgent, mais aussi à déployer des efforts bien coordonnés pour mettre au grand jour les maux du blocus israélien.
“A moins qu’Israël ne bombarde directement Gaza, le siège et ses affreuses implications humaines disparaissent simplement du radar de la conscience publique”, rappelle-t-il.
Et c’est précisément la véritable mission des flottilles de Gaza : alors qu’Israël veut normaliser le siège de Gaza tout en normalisant actuellement son occupation et son régime d’apartheid, le mouvement de solidarité produit un contre-discours qui contredit constamment les projets israéliens.
En d’autres termes, que les bateaux arrivent sur la côte de Gaza ou soient détournés par la marine israélienne, cela ne fait guère de différence.
La puissance et l’efficacité de ce type de solidarité vont même au-delà de Gaza et de la Palestine. “Notre implication dans des initiatives de solidarité internationale, telles que la Flottille de la Liberté, a suscité une résurgence d’autres questions importantes pour renforcer la force du mouvement mondial pour la justice”, m’a dit Fowler peu après le retour de Treen en Nouvelle-Zélande. .
Mike Treen a également du pain sur la planche car il est maintenant occupé à impliquer les médias et diverses communautés de son pays, partageant ses expériences sur le bateau qui l’ont mené à son arrestation, à être passé à tabac et frappé à coups de taser, puis à sa déportation.
Et comme l’horrible régime d’apartheid en Afrique du Sud, l’apartheid israélien s’effondrera aussi, car les Palestiniens continuent de résister et parce que des millions de personnes, comme Mike et Roger, sont à leurs côtés.
* Ramzy Baroud est journaliste, auteur et rédacteur en chef de Palestine Chronicle. Son prochain livre est «The Last Earth: A Palestine Story» (Pluto Press). Baroud a un doctorat en études de la Palestine de l’Université d’Exeter et est chercheur associé au Centre Orfalea d’études mondiales et internationales, Université de Californie. Visitez son site web: www.ramzybaroud.net.
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15 août 2018 – The Palestine Chronicle – Traduction: Chronique de Palestine – Lotfallah