La Françafrique bientôt aux oubliettes ?

Niamey - Manifestation de soutien au Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP) - Photo : Réseaux sociaux

Par Nabila Ramdani

Le coup d’État au Niger pourrait bien sonner le glas du projet néocolonial français.

Les guerres africaines ont été un élément clé de l’âge impérial. Les premières étaient liées à l’invasion et à la conquête, les suivantes à la répression des révoltes puis enfin aux luttes armées de libération.

La France a été l’un des colonisateurs militaires les plus impitoyables, menant des conflits sauvages sur l’ensemble du continent africain. Ses unités militaires les plus célèbres, notamment la Légion étrangère, se sont illustrées en défendant des avant-postes africains pris de force.

Alors qu’une grande partie de l’Afrique semble à nouveau sur le point d’être en guerre, il n’y a rien d’étonnant à trouver la France au centre de ce maelström.

La tension est à son comble au Niger, ancienne colonie française, où un gouvernement issu d’élections, dirigé par le président Mohamed Bazoum et toujours ardemment soutenu par Paris et l’Occident, a été renversé par une junte militaire à la fin du mois de juillet.

Les États voisins appartenant à la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) ont menacé d’attaquer les insurgés nigériens, dirigés par le général Abdourahamane Tchiani.

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Une telle intervention pourrait aisément être soutenue par les Français, qui conservent une garnison de 1500 hommes et une base aérienne au Niger, mais ils ont jusqu’à présent gardé la tête froide.

Si cela changeait et que des affrontements se déclenchaient, les militaires français seraient confrontés à des combattants unis par une opposition viscérale à la Françafrique, le système néocolonial mis en place en Afrique subsaharienne après l’effondrement de l’Empire français officiel au milieu du XXe siècle.

La Françafrique englobe une série de liens, allant de l’économie à la sécurité, qui sont tous centrés sur les valeurs gauloises, dont la langue française.

Le Niger, pays riche en uranium et en or, est typique des nations prétendument indépendantes que la France a voulu continuer à dominer par le biais de la Françafrique.

Au-delà de ses richesses naturelles, le Niger revêt une importance stratégique considérable pour la France, notamment dans la lutte contre les milices terroristes, telles qu’Al-Qaïda.

Il ne fait aucun doute que les Français considèrent toujours l’Afrique comme leur pré carré.

La convoitise incessante du gendarme autoproclamé de l’Afrique est aujourd’hui rendue encore plus dangereuse par le fait que d’autres puissances sont entrées dans la sphère d’influence française.

Les troupes chinoises, russes et turques ne sont que quelques-unes des troupes présentes sur le terrain dans l’immense zone du Sahel, qui s’étend sur des milliers de kilomètres d’est en ouest, entre l’Érythrée et le Sénégal.

Le problème pour la France et ses alliés occidentaux, dont les États-Unis, est que leurs très considérables programmes d’aide – quelque 2 milliards de dollars par an pour l’aide au développement du seul Niger – ne les ont pas rendus plus populaires.

Le chômage massif des jeunes et un taux d’analphabétisme de 60 % ne sont que quelques-uns des problèmes endémiques imputés aux anciens maîtres coloniaux et à leurs affiliés.

Les États-Unis maintiennent un millier de soldats stationnés au Niger.

Cela explique tous les drapeaux russes et les cris de « Poutine en tête ! » lorsqu’une foule a tenté de mettre à sac l’ambassade de France dans la capitale nigérienne de Niamey le mois dernier.

Il est trop tôt pour parler d’une nouvelle « Ruée vers l’Afrique » – l’acquisition violente de larges parties du continent par les pays européens impérialistes à la suite de la tristement célèbre conférence de Berlin en 1884-85.

Mais il est certain que des régimes assez peu dignes de confiance aspirent à exploiter de nouveaux vides de pouvoir et à remplacer les Français.

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S’exprimant à la télévision, M. Tchiani a déclaré à propos d’une invasion combinée impliquant des pays d’outre-mer et des pays africains : « Si une attaque devait être lancée contre nous, ce ne serait pas une promenade de santé comme certains semblent vouloir le croire ».

Beaucoup pensent qu’un tel bellicisme ne peut être concurrencé par le président français Emmanuel Macron, qui n’a pas assez d’estomac pour un véritable affrontement.

Les sénateurs de Paris et 94 membres de l’Assemblée nationale ont déjà critiqué la politique de repli du président Macron, suggérant que la France est condamnée à être « effacée » du continent africain.

Dans une lettre adressée au Figaro au début du mois, les parlementaires ont fait référence aux bouleversements survenus dans différents États, qui ont conduit à l’arrivée d’avions remplis d’expatriés rentrant à Paris : « Aujourd’hui, le Niger, hier le Mali, la République centrafricaine et le Burkina Faso ont rejeté la France, les forces françaises et les entreprises françaises ».

La lettre ajoutait : « N’est-il pas temps de revoir notre vision de l’Afrique et de ses relations avec la France ? C’est probablement le cas lorsque l’Afrique, continent ami, ne semble plus comprendre la France et conteste de plus en plus son rôle et sa présence ».

Une telle évaluation de la politique africaine de Macron sera accueillie favorablement par des pays comme la Russie et la Chine. En ce sens, une nouvelle et terrible guerre en Afrique pourrait bien être le dernier clou du le cercueil de la Françafrique.

30 août 2023 Spiked-online.com – Traduction : Chronique de Palestine