Par Daniel Vanhove
La semaine dernière, la jeune résistante palestinienne Ahed al Tamimi était arrêtée par la soldatesque israélienne en pleine nuit (plus commode !) et emmenée menottée dans une jeep de l’armée.
Il y a deux ans, lors d’un JT de France2 présenté par le “has been” – qui paraît-il ne se remet pas de son remplacement au 20h par ‘une journaliste’ – David Pujadas, commençait son sujet à propos de l’adolescente par ces mots : “L’image est une arme au moins aussi efficace que les fusils. Celle-ci a fait le tour du monde. Regardez, des boucles blondes, un visage d’ange (…) Héroïne ou enfant manipulée ? La fabrique d’une histoire…”
L’introduction est éloquente et explique que “les Palestiniens l’ont bien compris, plus que les pierres les images sont devenues une arme redoutable”.
Le téléspectateur n’a déjà plus le choix. Il est prié de comprendre que derrière ces “boucles blondes, visage d’ange” il va découvrir un montage, une image travaillée, truquée, composée… que derrière ce visage lumineux qui apparaît à l’écran se cacherait peut-être (sans doute) toute la félonie de la résistance à l’occupation, se servant d’enfants pour mener sa lutte de libération…
Tout au long du reportage les commentaires sont d’une honteuse partialité et ne relatent en aucun cas les faits pour ce qu’ils sont. En revanche, ils insinuent à demi-mots, ils manipulent les téléspectateurs pour leur faire accroire que les enfants palestiniens sont utilisés par leurs parents comme des armes vivantes envoyées au contact direct de l’armée israélienne.
Cela venant s’ajouter aux nombreuses allégations déjà entendues en d’autres temps que les Palestiniens se servent de leurs enfants comme boucliers vivants, alors que tous les témoins qui se sont rendus sur place ont pu voir à diverses reprises – et de nombreuses vidéos existent sur Internet – que la plupart du temps, ce sont les courageux soldats israéliens qui prennent des enfants comme boucliers humains, quand ils ne sont pas des dizaines à s’y mettre harnachés comme des Robocops pour en arrêter l’un ou l’autre qui n’a que son courage pour toute arme!
Plus loin, il est question d’une vidéo de 2015 tournée par l’oncle d’Ahed qui d’après les sous-entendus du journaliste en a fait son business et où, sans jamais pointer le fait que ce valeureux soldat s’en est pris à un enfant – jeune frère d’Ahed – qui a le bras cassé et qu’il étrangle sans ménagement par une clé de bras sous prétexte qu’il est ‘soupçonné’ d’avoir jeté des pierres, le journaliste Franck Jenauzeau poursuit son commentaire: “…l’adolescente apparaît et tente de le libérer et en vient aux mains avec le soldat… lui-même roué de coups par le reste de la famille (le pauvre!) et devra finalement renoncer (à emmener l’enfant)… et poursuit en disant “…à aucun moment l’oncle n’a lâché sa caméra…”, mais ne soulignera pas que de rage, le courageux soldat lâche une grenade lacrymogène au beau milieu du groupe de jeunes et d’adultes venus secourir l’enfant.
Et le journaliste d’insister : “Ces images seront mises à disposition gracieusement dans le monde entier… stratégie assumée par le père de l’adolescente, accusé par certains Israéliens de provoquer à dessein ces scènes de tensions”.
Pourquoi souligner cela ? Ces images devraient-elles être payantes ? Internet ne sert-il pas aussi à diffuser des infos le plus largement possible et à tous ceux qu’elles peuvent intéresser dès lors que les chaînes officielles ne sont plus fiables mais qu’elles sont au service du pouvoir?!
Et comme si cela ne suffisait pas, le journaliste dont on a bien compris l’impartialité, enfonce le clou en s’adressant au père : “Ahed est devenue l’une de vos armes, en fait”.
Ce que le père réfute, en concédant sourire en coin, qu’elle serait alors une “arme de communication… c’est une enfant qui accomplit son devoir et ses responsabilités…”
“C’est une icône” lancera le journaliste qui n’en démord pas et ne saisit pas à quel point les Palestiniens ont le sens de l’humour et de la dérision : “Oui, une icône, lâchCredit: UNICEF/ElBabae le père, pour convaincre les autres pays, grâce à elle”. Peu de chance que ces mots soient compris par celui qui a définitivement choisi son camp !
Et la sentence tombe : “Alors, adolescente manipulée ou caractère bien trempé… ?” Mais, après un tel reportage le téléspectateur a-t-il encore le choix ? La manière dont sont proposés les éléments (images et commentaires) pousse à faire passer les occupés pour la menace et les occupants pour les menacés. C’est encore et toujours cette abjecte façon de retourner les faits, de travestir la réalité et de transformer la victime en coupable et inversement de présenter une armée, dont on connaît toutes les dérives, pour de pauvres victimes.
A aucun moment de ce reportage il ne sera question d’une armée d’occupation déployée depuis des décennies dans tout le pays, dans tous les villages et qui ne lésine pas sur les moyens pour détruire les habitations, brimer, blesser, tuer les Palestiniens de tous âges, y compris des enfants sans autre défense que des cailloux ! Ni des handicapés, comme on a pu le voir encore la semaine dernière à Gaza.
Le téléspectateur est laissé face à une enfant présentée comme une diablesse déguisée en ange aussi redoutable et dangereuse que la cinquième armée du monde !
Si comme moi, vous êtes outrés par ce reportage, vous pouvez suivre ma démarche et écrire au médiateur de France2 à l’adresse suivante pour lui exprimer votre désapprobation :
https://www.francetvinfo.fr/nous-contacter/mediateur-info
Par ailleurs, j’ai adressé aussi un Tweet directement à D. Pujadas que je vous relaie ci-après :
@DavidPujadas : odieux votre séquence au JT à propos de la petite Ahed Tamimi face aux soldats de la colonie israélienne… cela s’appelle de la “désinformation” doublée de propagande sioniste. Mais, rien de neuf de la part d’un ‘has been’…
La Palestine a besoin de nous… sachons rester mobilisés à chaque moment et n’hésitons pas à faire entendre notre voix. Ne baissons pas les bras comme certains le voudraient tant et espèrent que nous nous lasserons.
Lors de mes déplacements sur place, les Palestiniens m’ont demandé une chose que je m’efforce de faire, à chaque occasion : “Comme nous ne pouvons pas sortir de notre prison et venir vous dire nous-mêmes ce qu’il en est, vous qui pouvez voyager, soyez notre voix !”
Je ne l’oublierai jamais.
27 décembre 2017 – Transmis par l’auteur.