Gaza a remis la résistance populaire au centre de la cause palestinienne

31 janvier 2025 - Les Brigades Izz al-Din al-Qassam, la branche armée du Hamas, pleurent la mort de 15 de leurs membres tués par les forces coloniales israéliennes lors de l'assaut sur Khan Yunis, dans le sud de Gaza. De grandes foules se sont rassemblées pour prier en leur mémoire. La guerre génocidaire d'Israël contre Gaza a tué plus de 48 000 Palestiniens, et plus de 10 000 corps sont encore emprisonnés sous les décombres des bâtiments détruits - Photo : Doaa Albaz et Yousef al-Zanoun / Activestills

Par Ramzy Baroud

Un point sur lequel Israéliens et Palestiniens s’accordent, c’est que la résistance de Gaza a été la principale raison qui a poussé Israël à accepter un cessez-le-feu et à entamer son retrait progressif de la bande de Gaza.

Ce qui est étrange, c’est que les Palestiniens, qui meurent, résistent, mais restent inébranlables à Gaza, sont à l’opposé de tout ce que le gouvernement israélien et son armée représentent.

Pourtant, dès le début du génocide israélien, les deux parties s’opposaient tacitement sur un même fait : les Israéliens voulaient détruire la résistance palestinienne et prendre le contrôle total de Gaza, tandis que les Palestiniens voulaient contrecarrer les objectifs israéliens.

Pour mener à bien sa mission, Israël a utilisé plus de 85 000 tonnes d’explosifs, en s’assurant le soutien des États-Unis et d’autres gouvernements et services de renseignement occidentaux.

Pour contrecarrer l’objectif israélien, les Palestiniens ont utilisé tous les moyens à leur disposition pour mener une guérilla, une guerre d’usure rendue possible par le soutien des habitants de Gaza, qui ont payé le prix de leur sumoud par l’un des génocides les plus dévastateurs (le gazacide) jamais enregistrés dans l’histoire.

Lorsque des centaines de milliers de Palestiniens ont commencé à marcher du sud vers le nord le 27 janvier, ils ont célébré leur retour, défini comme une victoire collective contre la machine de guerre israélienne et une victoire pour le peuple lui-même, qui a produit un nouveau modèle de résistance populaire.

Les Israéliens sont obligés d’en convenir, mais sans se servir du même langage que les Palestiniens. Pour Israël, les combattants de Gaza sont des « terroristes », et la population de Gaza est la base populaire qui soutient un tel « terrorisme ».

Par conséquent, l’occupant impose des punitions collectives tout au long de la guerre et complote en permanence pour les expulser par le « nettoyage ethnique » vers l’Égypte, l’Arabie saoudite, l’Irlande, le Maroc, le Somaliland et partout ailleurs…

Le ministre israélien de la Sécurité nationale, Itamar Ben-Gvir, un fasciste, a qualifié l’accord israélien de cessez-le-feu de « capitulation totale », ce qui contraste avec les déclarations de propagande sur une « victoire totale » énoncées par le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu tout au long de la guerre.

Cette défaite, ou capitulation, place Israël, selon les termes du général de division à la retraite Itzhak Brik, dans une menace existentielle.

Réflexions sur le cessez-le-feu à Gaza

Dans un article paru dans le quotidien Maariv, Brik ne nie pas que la perte de la supériorité militaire d’Israël représente le plus grand danger auquel l’État est confronté depuis des décennies. « Un État qui compte sur les miracles et non sur une réelle capacité militaire ne survivra pas longtemps », écrit-il.

La plupart des dirigeants politiques et militaires israéliennes partagent l’avis de Brik. Même Netanyahu lui-même a laissé entendre l’impossibilité de tenir une telle position, due presque exclusivement à la ténacité de la résistance palestinienne.

Israël est engagé dans une « guerre existentielle », a-t-il déclaré en mars dernier lors d’une cérémonie de remise de diplômes à des cadets, et Israël doit remporter une « victoire totale ».

En dehors des discours palestiniens et israéliens, cependant, nous avons rarement des débats dignes de ce nom sur le sujet. Ceux qui défendent la position israélienne en Occident le font, comme ils le prétendent souvent, au nom de la démocratie, de la civilisation et de la lutte contre « la barbarie », selon les propos tenus par le chancelier allemand Olaf Scholz.

La même contradiction peut également être observée du côté de ceux qui prétendent s’exprimer en solidarité avec les Palestiniens, voire au nom des Palestiniens.

Un sujet est constamment absent des nombreuses discussions sur la solidarité avec la Palestine, ainsi que des plateformes médiatiques qui sont totalement ou partiellement favorables aux Palestiniens : celui de la résistance.

De nombreuses personnes pourtant pro-palestiniennes se comportent comme si le mot « résistance » était un handicap. Certains peuvent soutenir en toute discrétion la résistance palestinienne, mais ignorent ouvertement la question, comme si elle n’était pas vraiment le facteur le plus important qui a permis de faire échouer tous les objectifs d’Israël, non seulement à Gaza, mais aussi au Liban.

Ce faisant, ils ignorent également le Yémen, dont la capacité à perturber le transport maritime lié à Israël en mer Rouge a représenté le plus grand défi géopolitique pour les États-Unis, défi qui, à certains égards, a dépassé la tension entre les marines américaine et chinoise dans les mers de Chine méridionale et orientale.

Bryan Clark, ancien sous-marinier de la marine et chercheur principal à l’Institut Hudson, a déclaré à l’Associated Press en juin dernier que « c’est le combat le plus soutenu que la marine américaine ait connu depuis la Seconde Guerre mondiale ».

On pourrait argumenter contre ou en faveur de la lutte armée pour des raisons morales ou philosophiques, ou même pour des raisons d’opportunisme politique et de pragmatisme. Mais, le faire en niant complètement les faits – que l’armée israélienne, selon la propre définition d’Israël, a « capitulé » à Gaza – est une forme de malhonnêteté intellectuelle.

Remarquez comment les combattants ukrainiens sont souvent célébrés dans les grands médias occidentaux, et même par de nombreux groupes dits progressistes occidentaux, comme des figures héroïques pour avoir défié l’armée russe.

Selon que vous soyez Ukrainien ou Palestinien

Le contexte idéologique de certains de ces groupes est souvent ignoré, et le fait que l’Ukraine soit presque entièrement dépendante des armes occidentales et de nombreuses autres formes de soutien est considéré comme un non-sujet. Au lieu de cela, ils sont présentés comme des « combattants de la liberté » du cru, repoussant l’occupation étrangère, défendant la « démocratie » et la « civilisation », etc.

La même logique s’applique à la Syrie aujourd’hui, comme elle s’applique à de nombreux autres exemples, y compris les moudjahidines d’Afghanistan lorsqu’ils ont combattu l’intervention militaire soviétique – et non l’occupation militaire américaine et occidentale.

Malheureusement, certains soi-disant progressistes ont cédé à cette propagande, jugeant ainsi la moralité de la lutte armée en fonction de la nature de l’ennemi dans cette lutte.

Les Palestiniens ont toujours été la principale exception à toute définition de la lutte pour la liberté, bien que leur cause soit sans doute la plus juste de toutes.

Non seulement les Palestiniens luttent contre l’occupation militaire, le colonialisme et un système raciste d’apartheid, mais ils luttent aussi pour leur simple survie alors qu’ils subissent une guerre d’extermination et de génocide israélienne, dont les armes sont fournies par la plupart des gouvernements occidentaux et dont la logique est constamment défendue par les médias occidentaux et ses prétendus intellectuels.

Avant le génocide de Gaza, on a répété aux Palestiniens que la lutte armée n’était ni stratégique ni nécessaire. Ils ont souvent été critiqués pour prétendument ne pas avoir vu ce qui est censé être évident pour tant de militants et d’écrivains, qui se mobilisent et donnent leur avis sur la Palestine à des milliers de kilomètres de la prison à ciel ouvert de Gaza ou des camps de concentration de Cisjordanie.

Le génocide israélien à Gaza, qui visait à exterminer et à nettoyer ethniquement les survivants du « Gazacide », n’a laissé aux Palestiniens d’autre choix que de se battre.

La résistance à Gaza a concrétisé ce qui devait être une référence symbolique de Mahmoud Darwish dans son poème fondateur, « Le masque est tombé » :

Le masque est tombé du masque, du masque, le masque est tombé.
Tu n’as pas de frères, mon frère, pas d’amis, mon ami, tu n’as pas de forteresses.
Tu n’as pas d’eau, pas de médicaments, pas de ciel, pas de sang, pas de vent, ni en avant ni en arrière.
Prends le siège… il n’y a pas d’échappatoire.
Ton bras est tombé, alors ramasse-le et frappe ton ennemi…
Il n’y a pas d’échappatoire, et je suis tombé près de toi, alors ramasse-moi et frappe ton ennemi avec moi…
Tu es maintenant libre, libre et libre…
Ceux qui t’ont tué ou blessé ont des munitions en toi, alors frappe avec.

C’est comme si Darwish écrivait une prophétie, et non un poème, et à l’insu de tous ses lecteurs, cette prophétie s’est réalisée à Gaza.

Alors que Gaza a fait le choix d’utiliser son corps martyrisé comme munition – en effet, des combattants blessés et amputés ont été vus se battre sur les lignes de front, des rangs les moins élevés aux élevés – il est de la responsabilité des intellectuels de faire connaître ces moments dans tous leurs détails.

Cependant, cette information n’est pas bien considérée de tout le monde, car cela peut être dangereux dans le contexte actuel, où la simple insinuation que les Palestiniens ont le droit de se défendre en vertu du droit international est considérée comme un acte extrémiste, et où des personnalités telles que le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, ainsi que de nombreuses autres, seraient ouvertement accusées d’appartenir au mouvement Hamas.

Cependant, la responsabilité de l’intellectuel, outre le fait de dire la vérité au pouvoir, comme l’a fait Edward Said, et de remettre en question son rôle d’orateur pour le remplacer par celui de mobilisateur, comme l’a soutenu Antonio Gramsci, est aussi de défendre « la vérité, peu importe qui la dit », selon Malcolm X.

Dans le monde dystopique israélo-US, le génocide fait partie de la norme

Dire la vérité ne devrait pas être « un acte révolutionnaire », comme l’a dit George Orwell… Si nous vivions effectivement dans des sociétés libres et ouvertes où la liberté d’expression serait un droit garanti par diverses constitutions démocratiques. Malheureusement, ce n’est pas le cas, et une fois de plus, la Palestine reste l’exception.

Refuser le débat sur la résistance, c’est se priver d’une compréhension approfondie du conflit, et affaiblir la solidarité.

Compte tenu de tout ce que nous savons de la guerre à Gaza, et à en juger par les déclarations des généraux israéliens en activité et à la retraite, il est certain que la résistance à Gaza – associée à la résistance arabe ailleurs – a été le principal moteur de la décision israélienne.

Alors que beaucoup sont freinés par leurs crainte, les limites de leurs choix politiques et leurs vœux pieux, certains peuvent vouloir prétendre que la résistance de Gaza a été le facteur le moins pertinent dans l’issue de la guerre. La vérité sur Gaza, cependant, devrait être évidente pour tout le monde.

Cependant, en reconnaissant la résistance, nous ne prétendons pas nécessairement que la lutte armée ou toute autre forme de lutte est moralement supérieure à toutes les autres. Nous constatons simplement un fait et, ce faisant, nous affirmons que les Palestiniens n’ont eu recours à ce choix qu’après avoir été ignorés par la communauté internationale pendant des décennies.

Refuser aux Palestiniens le droit de résister est plus qu’une simple malhonnêteté intellectuelle ; cela revient à leur nier tout pouvoir d’action et à les placer dans la catégorie des victimes. Cela donne à Israël, et à nous-mêmes, tout le pouvoir de les tuer à volonté dans le premier cas, et de lutter pour leurs droits selon nos propres conditions dans le second cas.

Si la guerre de Gaza nous a appris quelque chose, c’est que Gaza et le peuple palestinien se sont révélés être les acteurs les plus centraux de cette tragédie en cours. C’est eux, leur résistance et leur discours politique qui finiront par vaincre l’occupation israélienne et ramener la paix et la justice en Palestine.

Toute tentative de contourner ce fait représente un manque total de respect pour le peuple palestinien et pour l’héritage des dizaines de milliers de civils innocents qui ont été pulvérisés par la machine de guerre israélo-américaine-occidentale.

11 février 2025 – Middle East Monitor – Traduction : Chronique de Palestine – Lotfallah

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