Gaza : l’État génocidaire détruit tout ce qui vit, et même les pierres !

Gaza, 9 février 2024 - Vue des décombres, résultant des bombardements israéliens, du musée du Palais du Pacha, également connu sous le nom de Qasr al-Basha, qui a servi de siège du pouvoir pendant les périodes mamelouke et ottomane - Photo : Dawoud Abo Alkas, via Middle East Monitor

Par Al-Mayadeen

La guerre israélienne a ravagé non seulement les vies humaines, mais aussi la beauté historique et naturelle de Gaza, a déclaré un archéologue de Gaza au Guardian.

Le Guardian s’est entretenu avec Fadel al-Utol, un archéologue de 43 ans et expert palestinien en restauration basé à Gaza, qui est une figure clé dans ce domaine depuis 1995.

Fadel al-Utol a dirigé d’importants projets archéologiques, notamment l’excavation d’un cimetière de l’époque romaine, et a joué un rôle crucial dans les projets visant à sauvegarder le patrimoine culturel de Gaza.

Il a commencé sa carrière à l’École biblique dans le cadre d’une collaboration entre la France et l’Autorité nationale palestinienne. Depuis, il a travaillé avec l’UNESCO et le British Council sur des projets de découverte et de préservation de sites historiques.

Lorsque le génocide israélien a éclaté, M. al-Utol a été employé par une organisation qui se consacre à la sauvegarde du patrimoine dans les zones de guerre. Cette organisation forme et embauche des diplômés en archéologie des universités de Gaza, en proposant des programmes de formation de trois mois et en employant jusqu’à 20 étudiants en fonction des contraintes budgétaires.

L’initiative, un effort conjoint du British Council et de l’Alliance internationale pour la protection du patrimoine dans les zones de conflit (Aliph Foundation), visait à soutenir le secteur archéologique à Gaza.

Depuis 2017, al-Utol collabore avec First Aid Vision 2030, qui soutient le travail archéologique sur le terrain. En raison de plusieurs agressions et blocus israéliens, le secteur archéologique s’est largement appuyé sur le soutien international.

Le patrimoine culturel et archéologique de Gaza dévasté par le génocide en cours

Gaza, qui abrite d’importants sites culturels et archéologiques, a subi de graves dommages dans le cadre du génocide israélien en cours, qui entre dans son dixième mois.

À cet égard, M. al-Utol a déploré la destruction d’un cimetière de l’époque romaine qui a révélé des cercueils en plomb ornés de feuilles de vigne datant du premier siècle de notre ère. Cette découverte, qui suggère l’existence d’une ville romaine au sud du cimetière, est importante.

Le site était en train d’être préparé pour une cartographie photographique en 3D lorsque la guerre a éclaté, et il a depuis été détruit, a-t-il expliqué, cité par The Guardian.

M. Al-Utol a exprimé sa profonde tristesse face à la perte des sites archéologiques et patrimoniaux de Gaza.

Il a indiqué que, bien qu’il ait réussi à retenir ses larmes à propos de sa propre maison, qui a été détruite lors d’un raid aérien israélien, les dégâts subis par des sites tels que la grande mosquée Omari et Qasr al-Basha, un musée et un bâtiment historique, étaient particulièrement éprouvants.

Ces sites ont fait l’objet de frappes israéliennes directes et ont ensuite été détruits par des bulldozers.

Al-Utol a qualifié la situation de dévastatrice, estimant que la guerre a ravagé non seulement les vies humaines, mais aussi la beauté historique et naturelle de la ville.

« C’est une situation extrêmement triste. J’ai l’impression que cette guerre a brûlé des êtres humains, des pierres et des arbres. Il ne reste rien de Gaza et de la beauté de la ville », a-t-il déclaré au Guardian.

Interrogé sur la répartition de ces sites et bâtiments historiques, M. al-Utol a expliqué qu’ils étaient dispersés dans toute la bande de Gaza, les mosquées et les églises étant principalement situées dans la vieille ville de Gaza.

Par exemple, l’église byzantine de Jabalia a été directement touchée malgré les structures de protection construites en collaboration avec le British Council. Ces mesures avaient été décidées pour préserver le style architectural du sixième siècle de l’église, y compris ses mosaïques et ses couloirs délicats.

Fadel Al-Utol a fait part de sa tristesse de voir des sites aussi importants que Jabalia, la vieille ville, Khan Younis et Rafah subir des dommages, même s’il a confirmé que, heureusement, aucune perte n’avait été signalée dans le secteur de Nuseirat jusqu’à présent.

« Il n’y a pas une seule zone sûre dans toute la bande de Gaza »

En ce qui concerne l’endroit où il se trouvait au début de la guerre israélienne, M. al-Utol a expliqué qu’il se trouvait sur le site de fouilles du cimetière romain, dans le nord de la ville de Gaza.

Lui et son équipe de fouille et d’étudiants ont réussi à quitter les lieux 20 minutes avant le début de la guerre. M. Al-Utol a décrit l’expérience comme extrêmement difficile, car ils ont dû abandonner à la fois le site de fouilles et leurs maisons, en se déplaçant vers le sud.

« C’est un miracle que j’aie pu partir. C’était une zone très sensible, il y avait beaucoup de frappes et de bombes au phosphore. La guerre a commencé le 7 octobre. Nous sommes sortis le 8, juste avant minuit. Nous sommes d’abord allés à Nuseirat et avons trouvé refuge dans une école de l’UNRWA, puis nous sommes allés à Rafah, et lorsque l’opération terrestre a commencé, nous avons à nouveau fui à Deir al-Balah. Nous essayons de trouver un endroit sûr, mais il n’y a pas une seule zone sûre dans toute la bande de Gaza », a-t-il déclaré avec émotion.

« Bouillir dans un véritable four »

Interrogé sur sa vie actuelle, Fadel al-Utol a décrit le changement radical qui s’est opéré entre la vie dans une maison et la vie dans une tente.

Il a expliqué que la vie quotidienne était devenue un combat, impliquant des efforts constants pour se procurer les produits de première nécessité comme l’eau, la recharge des téléphones et l’énergie solaire, tout en faisant face à une explosion des prix et à une chaleur extrême. Les tentes en plastique exacerbent la chaleur et donnent l’impression d’être dans un four.

« Imaginez que vous viviez dans une maison, puis dans une tente. La vie a rétréci. Maintenant, je passe mon temps à chercher tout ce qu’il faut pour ma famille », a-t-il déclaré au Guardian.

« Les tentes sont en plastique, c’est comme si vous étiez en train de bouillir dans un four », s’exclame-t-il.

Al-Utol, qui passe désormais son temps à relever ces défis, explique qu’il assume souvent des tâches risquées en raison de son expérience et de son âge. La menace des bombardements israéliens à proximité crée un état constant de peur et d’horreur. Il compare cette expérience à quelque chose qui dépasse les scènes hollywoodiennes les plus intenses.

« Ce sont des bombes massives. Le bruit et les secousses du sol vous plongent dans un état d’horreur. C’est quelque chose que l’on ne voit même pas dans les films hollywoodiens, pas même dans notre imagination », a-t-il affirmé.

Il a déploré le fait que lui et sa famille aient fui leur maison sans rien, s’attendant à revenir quelques jours plus tard. Parti avec seulement un T-shirt et un pantalon, M. al-Utol a souligné que lui et sa famille ne sont que des civils qui ne sont pas impliqués dans des affaires politiques ou militaires, et il s’est demandé pourquoi ils étaient pris pour cible.

« Je suis un civil qui veut vivre une vie culturelle et humanitaire. Pourquoi et de quoi me punissent-ils ? »

« Nous reconstruirons Gaza… encore plus belle qu’avant »

Interrogé sur l’état des sites et des bâtiments historiques depuis le début de la guerre israélienne, Fadel al-Utol a révélé que son équipe restait à Gaza et lui envoyait des photos des dégâts dès qu’elle trouvait une connexion au réseau. Il documente l’étendue des destructions au fur et à mesure qu’elles se produisent.

Malgré la guerre en cours, Al-Utol garde espoir, affirmant que toutes les guerres finissent par se terminer. Il dit sa détermination à reconstruire Gaza pour en faire un endroit plus beau qu’il ne l’était auparavant.

« La guerre prendra fin un jour. Toutes les guerres se terminent. Et nous reconstruirons Gaza pour en faire un endroit encore plus beau qu’avant », a-t-il conclu.

3 août 2024 – Al-Mayadeen – Traduction : Chronique de Palestine