Gaza : l’interdiction des ONG médicales par Israël condamne à mort des milliers de blessés

28 octobre 2023 - L'hôpital Nasser de Khan Yunis reçoit de nombreux blessés palestiniens, dont des enfants, alors que les forces coloniales israéliennes intensifient leurs frappes aériennes. Les hôpitaux de l'enclave assiégée sont au bord de l'effondrement en raison d'une pénurie de carburant et de fournitures médicales. Près de l'hôpital, des Palestiniens s'efforcent de récupérer les morts et de secourir les blessés ensevelis sous les décombres de plusieurs bâtiments détruits à l'ouest de Khan Yunis. Les frappes aériennes israéliennes ont tué plus de 8000 Palestiniens, dont la moitié sont des enfants - Photo : Mohammed Zaanoun/ Activestills

Par Michaël Arria

Israël a interdit l’accès à au moins six ONG médicales internationales qui apportaient un soutien vital au secteur des soins de santé décimé de Gaza. Les médecins des groupes interdits affirment que cette mesure pourrait entraîner des milliers de morts supplémentaires.

La semaine dernière, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a annoncé qu’Israël avait interdit à au moins six ONG médicales d’entrer dans la bande de Gaza.

« L’OMS s’inquiète de l’impact de ces refus sur le système de santé de Gaza, qui est mis à rude épreuve », a déclaré l’organisation dans un communiqué, soulignant que seuls 17 des 36 hôpitaux de la région sont encore en état de fonctionner.

Parmi ces groupes figurent Glia et FAJR Scientific. Au moment de la publication, trois des groupes interdits, dont l’Association médicale américano-palestinienne (PAMA), avaient été autorisés à revenir dans la région.

Le Dr Tarek Loubani est le directeur médical de Glia, qui fournit du matériel médical aux régions les plus pauvres.

« La situation est incroyablement grave et les services que nous avons pu fournir étaient déjà maigres », a déclaré le Dr Loubani à Mondoweiss. « Nous n’étions pas autorisés à apporter des médicaments. Nous n’avions pas le droit d’apporter du matériel médical. Nous n’étions pas autorisés à faire venir suffisamment de médecins. Nous n’avions pas le droit d’apporter de l’argent. Les restrictions imposées par Israël tuaient déjà des gens, mais au moins nous pouvions faire quelque chose. Nous le savions, mais au moins nous pouvions faire quelque chose. Ce petit quelque chose que nous pouvions faire s’est maintenant évaporé ».

Loubani souligne que le groupe n’a pu rapporter que 2800 dollars par mois et par personne. Cette somme ne va pas bien loin, car l’assaut israélien a complètement décimé l’économie de la région. Un simple rouleau de papier toilette coûte actuellement 10 dollars à Gaza et un gallon d’essence 300 dollars.

Gaza : des « crimes d’atrocités » et des « crimes contre l’humanité »

Le Dr Mosab Nasser, PDG de FAJR Scientific, qui propose des interventions chirurgicales d’urgence dans la région, s’est fait l’écho de ces frustrations.

« En fait, il faut sortir dès que possible », a déclaré le Dr Nasser à Mondoweiss. « Les médecins ne peuvent pas rester plus de trois ou quatre semaines. Ils doivent dormir à même le sol dans les hôpitaux. Il s’agit de chirurgiens américains de haut niveau, qui vivent confortablement mais essaient d’apporter leur aide. Même dans ce cas, Israël les empêche la plupart du temps d’entrer dans l’hôpital. Nous ne parlons pas de politique. Nous ne sommes pas des militants. Nous ne défendons rien d’autre que la protection de personnes innocentes, et ce n’est pas un crime. Nous sommes là pour sauver des vies. »

Nasser note que le personnel médical est soumis à de sévères restrictions depuis qu’Israël a envahi Rafah en mai et que son organisation dispose actuellement de fournitures médicales d’une valeur d’environ 2 millions de dollars bloquées en Jordanie, en Cisjordanie et en Égypte, qu’elle n’est pas en mesure d’acheminer à Gaza.

Ces derniers jours, l’armée israélienne a assiégé des hôpitaux et des abris pour les Palestiniens déplacés dans le nord de la bande de Gaza, tout en empêchant l’aide médicale d’entrer.

Le 19 octobre, les forces israéliennes ont bombardé un quartier résidentiel de Beit Lahia, faisant plus de 80 morts et plus de 100 blessés. Le même jour, Israël a bombardé le quartier de Tel al-Zaatar à Jabalia, tuant 33 personnes et en blessant plus de 85.

« Les autorités israéliennes continuent d’empêcher les missions humanitaires d’atteindre le nord du pays avec des fournitures essentielles, notamment des médicaments et de la nourriture pour les personnes assiégées », a tweeté Philippe Lazzarini, chef de l’UNRWA.

« Les hôpitaux ont été touchés et sont privés d’électricité, tandis que les blessés sont laissés sans soins… Les abris restants sont tellement surpeuplés que certaines personnes déplacées sont maintenant obligées de vivre dans les toilettes… Les personnes qui tentent de fuir sont tuées, leurs corps laissés dans la rue. Les missions de sauvetage des personnes sous les décombres sont également bloquées ».

Cette décision intervient tout juste un mois après qu’un article de ProPublica a révélé que le secrétaire d’État Antony Blinken avait rejeté de nombreux rapports gouvernementaux indiquant qu’Israël empêchait l’aide humanitaire d’entrer dans la bande de Gaza.

Bien qu’il ait été informé de ces conclusions, M. Blinken a déclaré au Congrès que « [l’administration Biden] n’estime pas actuellement que le gouvernement israélien interdit ou limite d’une quelconque manière » l’aide humanitaire.

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Nasser ne mâche pas ses mots lorsqu’on lui demande ce que les nouvelles restrictions signifient pour la population de Gaza.

« Cela signifie que de nombreux blessés ne survivront plus. Beaucoup arrivent à l’hôpital morts, mais aussi avec des bras et des jambes déchiquetés », explique Nasser.

« Beaucoup d’entre eux ont besoin d’une amputation immédiate. D’autres peuvent être sauvés en les opérant. L’infrastructure des soins de santé à Gaza est paralysée car de nombreux médecins locaux ont été tués ou enlevés par l’armée israélienne, si bien qu’il n’y a plus de médecins pour soigner les gens. »

Nasser affirme que de nombreuses personnes développeront des infections si les opérations chirurgicales ne peuvent être effectuées et que beaucoup « mourront d’une mort lente et douloureuse ».

« Si l’interdiction se poursuit pendant, disons, un ou deux mois, il faut s’attendre à une augmentation du nombre de personnes qui mourront des suites de leurs blessures », ajoute-t-il.

« L’OMS estime que les opérations de traumatologie seront réduites de 30 % en raison de l’absence de ces organisations. Si l’on traduit cela en chiffres, des milliers de personnes mourront, alors qu’elles auraient pu être sauvées si nous avions été sur le terrain. »

L’évaluation de Loubani est également sombre.

« Les quelques patients que nous avons pu aider, soigner et réconforter sur le plan médical vont maintenant mourir eux aussi », dit-il. « Cette décision signifie que des patients mourront. »

29 octobre 2024 – Mondoweiss – Traduction : Chronique de Palestine