Par Amany Mahmoud
Gaza voit ses populations d’abeilles s’effondrer et accuse Israël d’utilisation irresponsable, voire malveillante, d’insecticides.
La bande de Gaza est témoin d’un déclin dramatique des abeilles qui jadis peuplaient les terres agricoles et les jardins à travers l’enclave côtière.
De nombreux Gazaouis accusent Israël de tuer et de chasser délibérément des abeilles en pulvérisant des pesticides toxiques près des ruchers et des arbres en fleurs dans les zones jouxtant la barrière de séparation, lesquelles ont également été lourdement rasées au bulldozer sous le prétexte de sécurité.
La production de miel représente une activité agricole importante dans la bande de Gaza. C’est aussi l’un des produits les plus faciles à produire, ne nécessitant que le nectar des plantes à fleurs.
Mais le secteur est également l’un des plus touchés par les activités israéliennes, car la majeure partie de la production provient du long de la barrière avec Israël [Palestine de 48].
En raison de l’étalement urbain et du manque de terres agricoles à Gaza, de nombreux apiculteurs placent des ruches à la limite orientale avec Israël, où de nombreuses cultures sont situées côté israélien.
Les abeilles traversent librement la frontière et reviennent, pollinisant également les cultures à l’intérieur de la bande de Gaza.
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Gaza a deux saisons de miel, au printemps et en été. La saison printanière, lorsque les fleurs sont abondantes, produit un miel de meilleure qualité et en plus grande abondance.
En été, les fleurs sont presque inexistantes et les apiculteurs doivent alimenter les abeilles avec du sucre, ce qui limite la qualité et la quantité du miel.
Selon le ministère de l’Agriculture de Gaza, jusqu’à présent, l’année 2022 a vu une baisse de la production de miel avec seulement 50 tonnes de miel, par rapport aux 200 tonnes habituelles des années précédentes.
Selon le ministère, le déclin est dû à de nombreuses raisons, la principale étant qu’Israël cible les ruches et les fermes environnantes avec des pesticides toxiques et nivelle les terres, en plus des fluctuations météorologiques qui ont causé la mort de certaines populations d’abeilles et la migration d’autres.
L’apiculteur Ahmed Wafi possède 55 ruches. Il a déclaré à Al-Monitor que cette année, il n’a pu produire que cinq kilogrammes de miel, contre environ 13 kilogrammes l’année dernière.
« Les pratiques israéliennes sont la principale raison de la dégradation de la saison de production des abeilles. Les opérations de bulldozer sur les terres agricoles et les pesticides pulvérisés sur les arbres et les fleurs ont fait périr un grand nombre d’abeilles, ce qui a considérablement réduit la production », a-t-il déploré.
Wafi a ajouté que la baisse de la production nuira à tous les consommateurs qui attendent avec impatience la nouvelle récolte, car beaucoup utilisent le miel local dans la cuisine et même dans le traitement des maladies, et hésitent à acheter du miel importé qu’ils jugent de mauvaise qualité par rapport au produit local.
Les actions israéliennes dans la région menacent de faire disparaître la profession à Gaza. Il y a également eu une énorme hausse des prix des ruches, en plus des risques et des dangers auxquels sont confrontés les apiculteurs le long de la barrière, où ils courent le risque d’être abattus par des soldats israéliens déployés le long de la barrière.
Le fermier Jamal al-Daya possédait 130 ruches mais a dû abandonner cette activité après que son rucher a été détruit par des avions de guerre israéliens lors de la dernière série d’attaques israéliennes en mai 2021.
« Je ne pense pas que je vais reprendre le même métier. La production de miel a diminué avec la mort de milliers et milliers d’abeilles, sans parler de l’augmentation des prix des ruches, le prix d’une boîte atteignant 600 shekels israéliens [180 dollars] contre 200 shekels [60 dollars] auparavant », a-t-il expliqué à Al-Monitor.
Imad Ghazal, le responsable de la Société coopérative des apiculteurs de Gaza, a déclaré que le secteur de l’apiculture est l’un des secteurs agricoles les plus importants de la bande de Gaza et qu’il emploie environ 320 apiculteurs.
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Il a ajouté que l’enclave côtière abrite quelque 18 000 ruches réparties le long des limites orientales, avec une production annuelle de 200 tonnes de miel, une quantité qui satisfait 80% de la demande locale.
« La production a considérablement diminué en raison du harcèlement israélien », a déclaré Ghazal à Al-Monitor.
« Le miel de Palestine est considéré comme l’un des meilleurs au monde, en particulier celui de Sidr. La Palestine est également une destination pour les populations d’abeilles, où le climat est tempéré et les cultures agricoles abondantes. Israël, cependant, a délibérément tenté de détruire ce secteur », a-t-il ajouté, accusant les activités de l’occupant d’une forte baisse de la production et d’un miel de moindre qualité.
Toujours selon Ghazal, la baisse de la production de miel cette année était attendue, en raison de la pulvérisation répétée de pesticides sur les cultures agricoles par les avions israéliens.
« Les quantités sont susceptibles de diminuer encore plus si l’on considère la situation tendue à Gaza, et la possibilité d’une escalade militaire qui menace de destruction la plupart des ruchers », dit-il.
« Il y a des dizaines d’apiculteurs qui ont renoncé à leur métier au cours des dernières années en raison de la destruction répétée de leurs ruchers, Israël empêchant en plus l’importation de traitements antifongiques, notamment contre le Varroa, sous prétexte du double usage de ces produits, qui pourraient prétendument être utilisées dans la résistance militaire. En conséquence, des milliers d’abeilles ont péri, la production a pris un coup dur et les rendements financiers ont été réduits », a-t-il conclu.
Auteur : Amany Mahmoud
28 mai 2022 – Al-Monitor – Traduction : Chronique de Palestine