
22 avril 2025 - Les Palestiniens inspectent les maisons détruites lors de l'attaque menée hier soir par les forces coloniales israéliennes contre la résidence de la famille Kawar, qui a fait 10 morts. Les opérations de recherche se poursuivent pour retrouver cinq autres personnes qui seraient encore coincées sous les décombres dans la ville de Khan Yunis. Au moins 26 Palestiniens ont été tués et 60 blessés lors d'attaques israéliennes à travers Gaza au cours des dernières 24 heures. La guerre génocidaire menée par Israël contre la population de Gaza a fait au moins 51 266 morts, et beaucoup d'autres sont encore ensevelis sous les décombres - Photo : Doaa Albaz / Activestills
Par EuroMed Monitor
Le projet israélien dans la bande de Gaza a atteint son stade le plus éhonté et le plus dangereux à ce jour. Israël ne cache plus son intention de déplacer de force les Palestiniens de leur terre natale : il annonce désormais ce plan plus ouvertement que jamais, à travers des discours officiels prononcés au plus haut niveau.
Par des actions sur le terrain et des mesures institutionnelles visant à requalifier ce crime en « migration volontaire », Israël a tenté de mettre en œuvre sa campagne de déplacement en exploitant le silence quasi total de la communauté internationale, qui a permis la poursuite du crime et l’impunité d’Israël malgré le caractère sans précédent du premier génocide diffusé en direct dans l’histoire de l’humanité.
Israël tente aujourd’hui de mener à bien la phase finale de son crime et son objectif initial : l’expulsion massive des Palestiniens de Palestine, en particulier de la bande de Gaza.
Depuis un an et demi, Israël commet des actes de génocide, tuant et blessant des centaines de milliers de personnes, rasant des villes entières, démantelant les infrastructures de la bande de Gaza et déplaçant systématiquement sa population à l’intérieur de l’enclave.
Ces actions visent à éliminer le peuple palestinien en tant que communauté et en tant que présence collective.
Les plans actuels de déplacement forcé s’inscrivent dans le prolongement direct du projet colonialiste de longue date d’Israël, qui vise à effacer l’existence palestinienne et à s’emparer des terres.
Ce qui distingue cette étape, c’est son ampleur et sa brutalité sans précédent : Israël vise plus de deux millions de personnes qui ont subi un génocide à grande échelle et ont été privées des droits humains les plus fondamentaux, dans des conditions coercitives et inhumaines qui rendent impossible toute vie normale.
L’objectif délibéré d’Israël est de faire pression sur les Palestiniens pour qu’ils partent, en leur laissant ce départ comme seul moyen de survie.
Après avoir réussi à mettre en évidence la faiblesse des principes du droit international, tels que la protection des civils en fonction de leur supériorité raciale supposée ou de leur absence de supériorité, Israël est en train de réécrire une fois de plus le récit.
Fort d’une supéririté militaire écrasante et enhardi par l’abandon par la communauté internationale de ses responsabilités juridiques et morales, Israël cherche à présenter l’expulsion massive des Palestiniens comme une « migration volontaire ».
Il s’agit là d’une tentative flagrante de rebaptiser le nettoyage ethnique et le déplacement forcé en utilisant un langage trompeur, tel que « considérations humanitaires » et « choix individuel », ce qui est en contradiction directe avec les faits juridiques et la réalité sur le terrain.
Euro-Med Monitor souligne que le déplacement forcé est un crime distinct en droit international. Il consiste à éloigner des personnes de leur lieu de résidence légal par la force, la menace ou d’autres formes de coercition, sans justification légale valable.
Dans le contexte du génocide perpétré par Israël dans la bande de Gaza, la coercition va au-delà de la force militaire. Elle comprend la création de conditions insupportables qui rendent pratiquement impossible ou dangereuse la vie dans son propre foyer.
Un environnement coercitif comprend la peur de la violence, de la persécution, de l’arrestation, de l’intimidation, de la famine ou d’autres formes de difficultés qui privent les individus de leur libre arbitre et les forcent à fuir.
« Israël a déjà commis le crime de déplacement forcé contre la population de Gaza », a déclaré Lima Bustami, directrice du département juridique d’Euro-Med Monitor, « en la contraignant à un déplacement interne sans fondement juridique et dans des conditions qui violent les exceptions du droit international, qui n’autorisent l’évacuation qu’à titre temporaire et en cas de nécessité militaire impérieuse, tout en garantissant des zones sûres respectant les normes minimales de dignité humaine.
Aucune de ces normes n’a été respectée. En fait, Israël a utilisé ce modèle répandu et répété de déplacement comme un outil de génocide, visant à détruire et à soumettre la population à des conditions de vie mortelles ».
Elle a ajouté : « Bien que les éléments juridiques du crime soient déjà réunis, Israël continue d’intensifier ses actions contre le peuple palestinien, les rendant encore plus meurtrières, et manifestant ainsi sa vision coloniale d’expulsion et de remplacement. Il tente désormais de présenter la deuxième phase du déplacement forcé, c’est-à-dire au-delà des frontières de Gaza, comme une ‘migration volontaire’ : une tromperie transparente que seule une communauté internationale complice, qui préfère le silence à la responsabilité, peut accepter. »
Aujourd’hui, la population de la bande de Gaza endure des conditions catastrophiques sans précédent dans l’histoire récente.
Israël a anéanti toute forme de vie normale ; il n’y a ni électricité ni infrastructures, ni logements, ni services essentiels, ni systèmes de santé ou d’éducation fonctionnels, ni services d’approvisionnement en eau potable. Environ 2,3 millions de Palestiniens sont confinés sur moins de 34 % des 365 kilomètres carrés de la bande de Gaza. Environ 66 % du territoire a été transformé en « zones tampons », c’est-à-dire des zones totalement interdites aux Palestiniens et/ou qui ont été dépeuplées de force par les bombardements israéliens et les ordres d’expulsion.
La majorité de la population vit désormais dans des tentes délabrées, dans un contexte de famine, de maladies, d’épidémies et d’accumulation de déchets, conditions symptomatiques de l’effondrement quasi total du système humanitaire.
Israël continue de bloquer systématiquement l’entrée de nourriture, de médicaments et de carburant, de détruire tous les moyens de survie restants et d’entraver tout effort visant à reconstruire ou à rétablir ne serait-ce que les conditions minimales pour une vie saine.
Ces conditions ne sont pas le résultat d’une catastrophe naturelle, mais ont été délibérément orchestrées par Israël comme un moyen de pression pour contraindre la population à quitter la bande de Gaza. L’absence de toute alternative véritable et volontaire pour les Palestiniens dans l’enclave fait de cette situation un cas d’école de transfert forcé, tel que défini par le droit international et confirmé par la jurisprudence pertinente.
« Si les transferts de population peuvent être autorisés dans certains contextes humanitaires en vertu du droit international, toute justification de ce type s’effondre si la crise humanitaire est la conséquence directe d’actes illégaux commis par la même partie qui impose le transfert », selon M. Bustami. « Il est inadmissible d’utiliser le déplacement forcé comme réponse à une catastrophe que l’on a soi-même provoquée, un principe clairement confirmé par les tribunaux internationaux, en particulier le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie. »
Présenter cette réalité imposée comme une migration « volontaire » et un choix constitue non seulement une déformation flagrante de la vérité, mais sape également les fondements juridiques du système international, érode le principe de responsabilité et transforme l’impunité par unn défaillance de la justice en un mécanisme délibéré visant à perpétuer des crimes graves et à consolider les conséquences de ces crimes.
Les déclarations publiques répétées des plus hauts responsables politiques et sécuritaires israéliens se sont intensifiées au cours des dix-huit derniers mois et révèlent une intention claire et coordonnée de déplacer la population de la bande de Gaza.
Dans une tentative flagrante d’imposer une transformation démographique servant le programme colonialiste d’Israël, de hauts responsables israéliens, dont le Premier ministre Benjamin Netanyahu, l’ancien ministre de la Défense Yoav Gallant, le ministre des Finances Bezalel Smotrich et le ministre de la Sécurité nationale Itamar Ben-Gvir, ont publiquement appelé à l’expulsion des Palestiniens de la bande de Gaza et à l’installation d’Israéliens juifs à leur place.
En février 2025, Netanyahu a exprimé son soutien total au plan du président américain Donald Trump visant à réinstaller les Palestiniens en dehors de la bande de Gaza, le qualifiant de « seule solution viable pour permettre un avenir différent » à la région.
De même, Smotrich a annoncé en mars que le gouvernement israélien soutiendrait la création d’une nouvelle « autorité chargée des migrations » afin de coordonner ce qu’il a qualifié d’« opération logistique massive » visant à expulser les Palestiniens de la bande de Gaza.
Ben-Gvir, quant à lui, a ouvertement préconisé d’encourager la « migration volontaire » tout en appelant à la réinstallation d’Israéliens juifs dans le territoire.
La décision prise le 23 mars par le cabinet de sécurité israélien de créer une direction spéciale au sein du ministère de la Défense pour gérer ce qu’il appelle la « réinstallation volontaire » des habitants de la bande de Gaza vers des pays tiers, prouve que ce déplacement n’est pas une conséquence de la destruction ou de la rhétorique politique, mais une politique officielle.
Cette politique est mise en œuvre par le biais de mécanismes institutionnels, dirigés depuis l’intérieur même de l’appareil sécuritaire israélien, dotés de pleins pouvoirs opérationnels, de structures exécutives et d’objectifs stratégiques.
La déclaration du ministre actuel de la Défense, Israel Katz, sur la nouvelle direction a confirmé qu’elle « préparerait et permettrait le passage sûr et contrôlé des habitants de Gaza pour leur départ volontaire vers des pays tiers, y compris en sécurisant les déplacements, en établissant des itinéraires, en contrôlant les piétons aux points de passage désignés dans la bande de Gaza, ainsi qu’en coordonnant la mise en place des infrastructures qui permettront le passage par voie terrestre, maritime et aérienne vers les pays de destination ».
Le véritable danger de la création d’une telle direction réside non seulement dans l’institutionnalisation du transfert forcé, mais aussi dans la nouvelle réalité juridique et politique qu’elle cherche à imposer.
Elle présente le déplacement comme un service administratif « facultatif » tout en privant les civils de leur capacité à prendre des décisions libres et éclairées, dissimulant ainsi un crime de guerre sous un vernis de légitimité bureaucratique.
Tout départ de la bande de Gaza dans les circonstances actuelles ne peut être considéré comme « volontaire », mais constitue, en termes juridiques, un transfert forcé, strictement interdit par le droit international.
Toutes les personnes contraintes de quitter la bande de Gaza conservent leur droit inaliénable de retourner immédiatement et sans condition sur leurs terres et dans leurs propriétés. Ils ont également le droit de demander réparation pour tous les dommages et pertes subis du fait des crimes et violations des droits commis par Israël, notamment la destruction de leurs maisons et de leurs biens, les atteintes physiques et psychologiques, les atteintes à la dignité humaine et le déni de leurs moyens de subsistance et de leurs droits fondamentaux.
En vertu de ses obligations en tant que puissance occupante responsable de la protection de la population civile, Israël a l’interdiction de procéder au transfert forcé de Palestiniens et a la responsabilité juridique pleine et entière d’assurer leur protection contre ce crime.
Les règles du droit international, en particulier le droit international coutumier et les Conventions de Genève, exigent de tous les États qu’ils ne reconnaissent aucune situation résultant du crime de transfert forcé et qu’ils la considèrent comme nulle et non avenue. Les États sont également tenus de refuser tout soutien matériel, politique et diplomatique qui contribuerait à renforcer une telle situation.
La responsabilité internationale va au-delà de la simple non-reconnaissance. Elle comprend l’obligation juridique pour les États de prendre des mesures urgentes et efficaces pour mettre fin au crime, tenir les auteurs responsables et offrir réparation aux victimes.
Cela inclut la garantie du retour volontaire et en toute sécurité de toutes les personnes déplacées de la bande de Gaza et l’octroi d’une réparation intégrale pour les préjudices et les violations qu’elles ont subis. Tout manquement à cette obligation constitue une violation directe du droit international et une complicité qui pourrait engager la responsabilité juridique des États.
La communauté internationale doit sortir de son silence assourdissant et abandonner les condamnations formelles et dérisoires, qui sont devenues la réponse maximale qu’elle ose apporter face au génocide diffusé en direct sous ses yeux.
Elle doit agir rapidement et efficacement pour mettre fin au projet de déplacement massif mené par Israël dans la bande de Gaza et empêcher qu’il ne devienne une réalité bien établie.
Cette action doit être fondée sur les normes juridiques internationales, un engagement en faveur de la justice et de la responsabilité, et une analyse honnête des causes structurelles profondes des crimes : la présence illégale d’Israël dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967.
Approuver ou passer sous silence les plans israéliens visant à transférer de force les Palestiniens hors de la bande de Gaza revient non seulement à disculper Israël, mais aussi à le récompenser pour son comportement illégal en lui accordant des gains obtenus par des massacres, des destructions, un blocus et la famine.
Il ne s’agit pas seulement d’une série de crimes de guerre ou de crimes contre l’humanité, mais bien de la définition juridique du génocide, telle qu’établie par la Convention de 1948 sur le génocide et le Statut de Rome de la Cour pénale internationale.
Tous les États, individuellement et collectivement, doivent respecter leurs obligations juridiques et prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre fin au génocide perpétré par Israël dans la bande de Gaza. Cela implique notamment de prendre des mesures immédiates et efficaces pour protéger les civils palestiniens et empêcher la mise en œuvre du crime de transfert forcé commis par les États-Unis et Israël, qui menace ouvertement la population de la bande de Gaza.
La communauté internationale doit imposer des sanctions économiques, diplomatiques et militaires à Israël pour ses violations systématiques et graves du droit international.
Cela implique notamment de mettre fin aux importations et exportations d’armes, de cesser toute forme de soutien politique, financier et militaire, de geler les avoirs financiers des responsables impliqués dans des crimes contre les Palestiniens, d’imposer des interdictions de voyager et de suspendre les privilèges commerciaux et les accords bilatéraux qui offrent à Israël des avantages économiques lui permettant de continuer à commettre des crimes.
Les États doivent également tenir pour responsables les gouvernements complices, au premier rang desquels les États-Unis, pour leur rôle dans la facilitation des crimes israéliens par diverses formes de soutien, notamment la coopération militaire et en matière de renseignement, l’aide financière et le soutien politique ou juridique.
Le nettoyage ethnique et le génocide qui ont actuellement lieu dans la bande de Gaza ne seraient pas possibles sans la présence coloniale illégale d’Israël depuis des décennies dans le territoire palestinien occupé. C’est là la cause structurelle profonde de la violence, de l’oppression et de la destruction dans l’enclave assiégée.
Toute réponse significative à l’escalade de la crise dans la bande de Gaza doit commencer par le démantèlement de cette réalité coloniale, la reconnaissance du droit du peuple palestinien à l’autodétermination et la garantie de sa liberté et de sa souveraineté sur son territoire national.
Comme Israël et ses alliés doivent être contraints de respecter le droit, l’intervention internationale est la seule voie pour mettre fin au génocide, mettre un terme à toutes les formes de transfert forcé individuel et collectif, démanteler le régime d’apartheid et établir un cadre crédible pour la justice, la responsabilité et la préservation de la dignité humaine.
Auteur : EuroMed Monitor
* L'Observatoire Euro-Méditerranéen des Droits de l'Homme est une organisation indépendante à but non lucratif dirigée par des jeunes qui défend les droits humains de toutes les personnes à travers l'Europe et la région MENA, en particulier celles qui vivent sous occupation, en proie à la guerre ou à des troubles politiques et/ou ont été déplacés en raison de persécutions ou de conflits armés.
24 avril 2025 – EuroMed Monitor – Traduction : Chronique de Palestine
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