Par Tareq S. Hajjaj
Alors que les médias déplacent leur attention vers les développements régionaux et l’invasion israélienne du nord de la Cisjordanie, les massacres à Gaza sont invisibilisés et se poursuivent dans le silence. Pourtant, au cours des trois premiers jours de septembre, Israël a commis neuf massacres dans la bande de Gaza.
Le ministère de la santé basé à Gaza, publie un rapport quotidien sur les victimes. Rien qu’au cours des trois premiers jours de ce mois, Israël a commis neuf massacres dans la bande de Gaza, causant la mort d’un total de 128 personnes.
Ce chiffre n’inclut que les corps qui ont atteint les hôpitaux assiégés de Gaza. Le ministère précise que des centaines d’autres personnes sont encore coincées sous les décombres, rien que pour les derniers jours.
Les massacres résultent généralement de frappes aériennes sur des centres de réfugiés. La plupart du temps, il s’agit d’écoles qui ont été transformées en abris.
Le 1er septembre, Israël a bombardé l’école Safad dans le quartier d’al-Zaytoun, à l’est de la ville de Gaza. Quatorze personnes ont été tuées par l’effondrement du bâtiment sur ses occupants. Des équipes de la défense civile palestinienne sont arrivées sur les lieux et ont rapporté avoir vu des mains couvertes de sang et de cendres sortir des décombres, certaines d’entre elles bougeant encore comme pour demander de l’aide.
Les équipes de la défense civile ont brisé des parties du toit effondré à l’aide de marteaux pour en extraire des corps et des survivants.
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Zuhair Mughrabi, 40 ans, se trouvait à côté de l’école lorsque le bombardement a eu lieu. Lui et sa famille ont survécu, mais il ne peut cesser d’entendre les cris des victimes coincées sous les décombres de l’école.
« Il y a trois jours, l’armée a envahi certaines parties de l’est de la ville de Gaza ; les gens ont fui ces zones en courant pour se mettre à l’abri dans cette école. Puis l’armée a bombardé cette école sans aucun avertissement. L’école était pleine de familles déplacées, de femmes et d’enfants. Il n’y a rien d’autre ici que des familles en deuil qui fuient la mort », nous a dit Mughrabi.
« Le bâtiment [de l’école] était plein de monde et ils l’ont bombardé. Beaucoup de gens se trouvent encore sous les décombres. La plupart sont des enfants et des femmes, mais personne ne peut les sortir de là. Même les équipes de défense civile n’ont pas l’équipement nécessaire pour creuser et les sortir de là. »
Alors que les gens creusaient dans les décombres pour retrouver les membres de leur famille, l’armée israélienne aurait appelé des voisins de l’école et leur aurait ordonné d’informer les personnes à l’intérieur que l’armée allait bombarder les deux bâtiments restants.
« Nous étions en train d’aider les gens à sortir des décombres lorsque nous avons reçu un appel de l’armée israélienne nous demandant d’évacuer les autres bâtiments », a raconté Mughrabi.
« Nous avons évacué pendant une heure, puis l’armée a détruit l’école avec deux autres missiles. Nous avons vu des gens sous les toits et d’autres allongés sur le sol, et une colonne de béton pesant plus de deux tonnes est tombée sur un martyr. C’est terrible, et nous ne savons pas quoi faire ni où aller ».
« C’est de la folie. C’était une école sûre, remplie de familles déplacées, pour la plupart des femmes et des enfants ; nous pensions qu’il n’y avait même pas un pour cent de chance que cette école soit bombardée. »
L’armée n’a envoyé un avertissement qu’après le bombardement
Samir Albibi, 40 ans, décrit l’instant du bombardement comme ayant provoqué un éclair de lumière qui était « plus lumineux que la lumière du jour ». Le feu, les gens qui courent sans réfléchir, les cris, le sang et le carnage l’ont amené à penser que c’était la fin du monde.
« C’était calme avant le massacre. Il n’y avait même pas de drones dans le ciel, et soudain, tout cet endroit s’est embrasé », raconte Albibi en montrant la cour de l’école. « Nous avons appris par la suite que les gens avaient été déchiquetés et éparpillés ici et là. J’ai vu les intestins de quelqu’un sur le sol. »
« Nous courions et nous nous heurtions les uns aux autres sans savoir qui de nos familles était encore en vie et qui nous laissions derrière nous. C’était comme la fin des temps. Je ne pense même pas que l’apocalypse ressemblerait à cela », a-t-il ajouté.
« Après avoir assisté au massacre, l’armée israélienne nous a demandé d’évacuer les lieux. Elle aurait dû nous prévenir avant de bombarder le premier bâtiment et de le faire tomber sur la tête des gens », a-t-il raconté.
« Ils savaient que l’école est remplie de personnes déplacées et ils l’ont quand même bombardée ; il y a plus de 30 personnes encore sous les décombres ; ils auraient pu nous avertir avant de nous tuer s’ils se souciaient ne serait-ce que de la vie des civils. »
Survivre grâce au seul hasard
Ibrahim Addas, 32 ans, s’occupe de sa sœur et des six membres de sa famille après la mort de leur père dans ce génocide. Ils vivaient tous dans une salle de classe de l’école de Safad.
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La classe se trouvait dans le premier bâtiment qui a été bombardé sans avertissement. Mais ce jour-là, ses nièces ont insisté pour qu’il les emmène à la plage ; elles se sentaient toutes étouffer et voulaient prendre l’air.
« Je les ai emmenées à la plage, nous tous, et nous avons tout laissé dans la salle de classe. Dans l’après-midi, nos proches nous ont appelés pour nous dire que l’école avait été bombardée », raconte Addas.
« Nous sommes retournés à l’école en toute hâte et nous avons été témoins de très près au deuxième bombardement. Seul le destin nous a poussés à quitter l’école ce jour-là. Sinon, nous aurions été sous les décombres sans que personne ne sache rien de nous », a encore dit Addas.
« Si nous étions tous dans la classe, comme à l’accoutumé, nous aurions tous été tués. Le monde s’est habitué à notre sang et aux meurtres quotidiens », a-t-il conclu.
Bombardement de l’hôpital baptiste
L’hôpital arabe al-Ahli a également été bombardé au cours du week-end, le samedi 23 août. Yousif Sa’di, 23 ans, photographe et témoin direct de l’attaque, a déclaré à Mondoweiss que l’armée israélienne avait pris pour cible un laboratoire médical de l’hôpital.
Sa’di est toujours présent à l’hôpital pour couvrir les événements et il n’était qu’à cinquante mètres du bâtiment lorsque l’armée israélienne l’a bombardé.
« Soudain, la bombe a frappé le site et j’étais à une cinquantaine de mètres de l’explosion. C’était un moment inattendu et terrible pour les gens après l’attaque. La plupart des personnes grièvement blessées ou tuées étaient des enfants et des femmes. De nombreuses personnes à l’intérieur de l’hôpital ont été blessées, mais des éclats d’obus et des gravats ont volé dans tous les sens après le bombardement », a déclaré M. Sa’di.
Le docteur Hussam Ghaban, qui était de garde au moment de l’attaque, a soigné les blessés qui arrivaient par dizaines du lieu de l’explosion.
« Le bâtiment du laboratoire a été pris pour cible soudainement. Nous n’avons reçu aucun avertissement », a dit le Dr Ghaban à Mondoweiss. « La cour de l’hôpital était pleine de monde. Dans les premiers instants du bombardement, plus de sept personnes ont été tuées, pour la plupart des femmes et des enfants. Par la suite, le nombre a continué à augmenter toutes les quelques heures ».
« Le lendemain, d’autres blessés sont morts », poursuit-il. « Et dans les jours qui ont suivi, d’autres personnes qui avaient été blessées par la frappe ont succombé à leurs blessures. »
« C’était trop effrayant d’assister à un tel massacre et de travailler dans de telles conditions. Aux heures les plus chargées, des dizaines de femmes et d’enfants sont arrivés à l’hôpital, la plupart d’entre eux étaient déchiquetés et la plupart des blessures étaient critiques », a-t-il ajouté.
« Dans de telles conditions, nous nous efforçons de sauver la vie des gens et de leur fournir ce qui est disponible et ce que nous pouvons offrir. Les temps sont très durs, les plus terribles pour les habitants de Gaza ».
L’hôpital baptiste de la ville de Gaza a déjà été bombardé en octobre 2023, et plus de 400 personnes avaient été tuées dans l’un des massacres les plus horribles des premiers jours du génocide.
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Abu Mohammed, 49 ans, se trouvait à l’hôpital pour rendre visite à l’un de ses proches, récemment blessé dans une autre attaque, lorsque la frappe israélienne a touché le bâtiment.
« Je suis venu rendre visite à mon neveu blessé, et maintenant je suis allongé à côté de lui, nous sommes tous les deux blessés », raconte Abu Muhammad.
« Deux bombes ont explosé alors que nous étions à l’hôpital, c’était effrayant d’être témoin de cela. Des éclats d’obus, des pierres et des gens volaient partout. J’ai vu des corps de personnes voler ici et là. L’armée israélienne bombarde n’importe quel endroit, quels que soient les gens qui s’y trouvent et leur nombre, sans aucun avertissement, ils tuent tout le monde », a témoigné Abu Muhammad.
« Cette situation dépasse notre imagination, c’est trop effrayant, on ne peut pas sortir de chez soi et rentrer en sécurité, on peut se faire tuer à tout moment. »
Mahmoud Abu Hamdah a contribué au recueil de ces récits à Gaza.
Auteur : Tareq S. Hajjaj
* Tareq S. Hajjaj est un auteur et un membre de l'Union des écrivains palestiniens. Il a étudié la littérature anglaise à l'université Al-Azhar de Gaza. Il a débuté sa carrière dans le journalisme en 2015 en travaillant comme journaliste/traducteur au journal local Donia al-Watan, puis en écrivant en arabe et en anglais pour des organes internationaux tels que Elbadi, MEE et Al Monitor. Aujourd'hui, il écrit pour We Are Not Numbers et Mondoweiss.Son compte Twitter.
7 septembre 2024 – Mondoweiss – Traduction : Chronique de Palestine