Par Abdel Bari Atwan
L’impossibilité pour les dirigeants d’Al-Qassam à répondre à l’accord plein de duplicité concernant les prisonniers, est en soi la plus significative des réponses. Et commettre des massacres à Rafah est le prochain objectif israélien.
Les dirigeants du Hamas dans la bande de Gaza ont eu raison de s’abstenir de répondre (jusqu’au moment présent) au projet d’accord de cessez-le-feu issu d’une réunion à quatre à Paris des chefs des services de renseignement d’Égypte, du Qatar, d’Israël et des Etats-Unis.
Cet accord n’était pas seulement un piège pour la libération des prisonniers civils, mais aussi un pas vers la collecte d’informations sur le sort des prisonniers, le réseau de tunnels et les dirigeants des Brigades « Al-Qassam ».
Le silence observé par la résistance témoigne du haut niveau de conscience du moudjahid Yahya Al-Sinwar et de son équipe dirigeante, notamment le général Muhammad Al-Daif, ainsi que les moudjahidines Marwan Issa et Muhammad Al-Sinwar.
Les Israéliens commettent à présent des massacres sans précédent de civils dans la région de Rafah, à l’extrême sud de la bande de Gaza, après les déclarations faites hier par Yoav Galant, le ministre israélien de la Défense, où il a dit : « Nous éliminerons les éléments terroristes dans Rafah. »
Ces massacres ont commencé aujourd’hui à l’aube avec des bombardements d’artillerie et des chars prenant d’assaut le secteur.
Les données des organisations humanitaires des Nations Unies indiquent que 100 martyrs ont été tués lors d’une attaque israélienne sur deux bâtiments densément peuplés, qu’il s’agisse d’habitants habitants de la ville ou de personnes déplacées du nord et du centre de la bande de Gaza.
L’objectif principal des massacres israéliens qui ont commencé aujourd’hui dans la ville de Rafah, où vivent 1,3 million de civils, dont une grande partie sont des enfants et des femmes, est de les forcer à quitter la bande de Gaza et à se réfugier dans le Sinaï.
Un habitant de la bande de Gaza a déclaré à Reuters : « Nous sommes confrontés à deux options : la première est de rester et d’être martyrisé, la seconde est d’escalader le mur frontalier avec l’Égypte. »
La première option semble être la plus probable, mais Ness Laerke du bureau des Nations Unies dans la bande de Gaza avait un autre avis, le résumant ainsi : « Rafah, c’est comme une cocotte minute pleine de désespoir, et nous craignons ce qui va se passer ensuite. »
Mais ce qui n’a pas été rétorqué à Erkeh, c’est que cette cocotte minute exploserait sous la forme de milliers de victimes innocentes si Gallant décidait de mettre à exécution ses menaces et de prendre d’assaut la ville.
Un de mes frères et la plupart de mes cousins et parents vivent à Rafah, aux côtés de leurs concitoyens qui se sont réfugiés dans leurs maisons après s’être enfuis du nord de la bande de Gaza.
L’un d’eux nous a dit lors d’un appel téléphonique : « Tous les habitants de la bande de Gaza vivent dans un état de famine sans précédent en raison du manque d’aide humanitaire et de l’épuisement des stocks de l’UNRWA. »
Les vents, les tempêtes, les fortes pluies et le froid ont accru ces souffrances.
La fourberie et la duplicité sfont partie des caractéristiques des politiciens et des généraux de l’État occupant. Ceux-ci ont dit aux habitants du nord de Gaza dans des publications officielles d’aller vers le sud, c’est-à-dire Rafah, Khan Yunis et les camps centraux, qui sont présentés sûrs, sous peine d’être attaqués.
Pour une fois, les [Israéliens] n’ont pas menti : ils ont détruits des bâtiments et de maisons avec des bombardements intenses, faisant des milliers de victimes parmi les habitants. Et des dizaines de milliers de martyrs ont disparu sous les décombres.
Comment est-il possible de coexister avec des gens d’un tel degré de barbarie et de criminalité ? Ils veulent effacer le peuple palestinien, tout le peuple palestinien, de la surface de la terre et avec le soutien et la protection des États-Unis d’Amérique et des pays européens, et en plus d’eux, l’Australie et le Canada. Et tous ces pays nous donnent des conférences sur la paix, les valeurs de justice et les droits de l’homme, la coexistence…
Les Brigades Al-Qassam ne se rendront pas et leurs dirigeants n’accepteront aucun accord d’échange de prisonniers empoisonné et trompeur qui serait le prélude à une seconde attaque qui conduirait à la réoccupation de la bande de Gaza.
Peut-être que l’absence de réponse est une claque à l’encontre de l’administration américaine, de son président et de son secrétaire d’État Anthony Blinken, qui entameront une tournée incluant l’État occupant, l’Arabie saoudite, l’Égypte et le Qatar pour tenter de vendre un paquet de mensonges, en tête duquel se trouvent l’accord d’armistice temporaire et la création d’un État palestinien sur le papier.
Cette annonce devrait ensuite conduire à récompenser l’État occupant par une normalisation chaleureuse avec le Royaume d’Arabie saoudite.
Nos malheurs à Rafah n’iront pas au-delà mur de séparation et vers le désert du Sinaï; l’écrasante majorité de ses habitants et réfugiés choisira le martyre et une sépulture dans sa terre pure et bénie baptisée du sang des martyrs… et le moment est là.
Auteur : Abdel Bari Atwan
* Abdel Bari Atwan est le rédacteur en chef du journal numérique Rai al-Yaoum. Il est l’auteur de L’histoire secrète d’al-Qaïda, de ses mémoires, A Country of Words, et d’Al-Qaida : la nouvelle génération. Vous pouvez le suivre sur Twitter : @abdelbariatwan
3 février 2024 – Raï al-Yaoum – Traduction : Chronique de Palestine