Gaza ne mourra pas : sa foi et sa résilience survivront aux massacres

20 janvier 2024 - Suite à un accord de cessez-le-feu, les Palestiniens déplacés retournent à ce qui reste de leurs maisons à Rafah, dans le sud de Gaza, transportant leurs quelques affaires et marchant à travers des scènes apocalyptiques de dévastation causées par les bombardements israéliens. Deux Palestiniens, dont un adolescent, ont été tués et plusieurs autres blessés par des tirs israéliens à Rafah aujourd'hui, malgré la trêve. Les attaques génocidaires d'Israël contre Gaza ont tué plus de 47 000 Palestiniens et détruit ou endommagé environ 92 % des habitations. Selon la défense civile de Gaza, plus de 10 000 corps restent coincés sous les décombres des bâtiments détruits - Photo : Yousef Al-Zanoun / Activestills

Par Taqwa Ahmed al-Wawi

Alors que le génocide, qui s’éternise à Gaza, fait perdre espoir à beaucoup de monde, une jeune écrivaine de 19 ans originaire de Gaza affirme que, malgré ce qu’elle et sa famille endurent, « Gaza ne mourra pas » et que « la victoire est proche ». Mais d’où lui vient cette foi ?

Gaza, ville profondément marquée par des années de siège et de guerre israéliens, est un témoignage vivant de la résilience de sa population. Chaque jour, ses habitants endurent, dans un état de peur constante, les frappes aériennes et les destructions israéliennes, déchirés entre l’espoir de paix et la dure réalité de la guerre.

Chaque fois qu’ils croient pouvoir bénéficier d’un peu plus de sécurité, une nouvelle vague de violence israélienne brise leurs espoirs et leur rappelle que la paix reste un rêve insaisissable. Pourtant, ce qui définit véritablement Gaza, c’est la foi inébranlable de ses habitants en Dieu, une foi qui leur donne la force d’endurer même les pires violences.

La vie à Gaza est tout sauf ordinaire. Chaque instant risque d’être le dernier, car ses habitants sont confrontés quotidiennement à la mort, mais refusent de cesser de vivre, de cesser de se battre. Ici, la peur n’est pas seulement celle de la mort, mais aussi celle de tout perdre, de n’être plus qu’un chiffre, celui des morts du jour, aux actualités, ou d’être enseveli sous les décombres, oublié du monde entier.

Gaza : un Ramadan au milieu des ruines, mais avec une foi inébranlable

Le fracas des bombardements n’est pas seulement un bruit insupportable, c’est le rappel constant de nos douleurs, notre souffrance et nos pertes. Mais malgré tous ces défis, la foi des habitants de Gaza reste forte. Grâce à leur foi, ils trouvent la force de continuer, sachant que la victoire viendra un jour, malgré la destruction et les deuils auxquels ils sont confrontés.

Entre la vie et la mort

Le lundi 17 mars, j’avais prévu de me réveiller à 4 heures du matin avant l’appel à la prière de l’aube pour boire un peu d’eau et me préparer au jeûne, à la prière et à la lecture du Coran, avant de me rendormir pour affronter les défis qui m’attendaient plus reposée. Mais le destin en a décidé autrement.

À 2 heures du matin, Gaza a de nouveau été plongée dans le chaos par une série de frappes aériennes israéliennes massives qui ont anéanti tous nos espoirs. La secousse qui a ébranlé la ville a déchiré le calme des premières heures, tel un écho douloureux des destructions que nous avions endurées précédemment.

Nous n’avons pas eu le temps de réfléchir, ni même de comprendre ce qui se passait. Nous nous sommes précipités hors de nos chambres et nous nous sommes rassemblés dans le salon, nous regardant les uns les autres avec des yeux douloureux, refusant de croire que la guerre était revenue.

Nos yeux parlaient plus que des mots : des regards remplis de choc, d’inquiétude et de questions qui se bousculaient dans nos esprits, cherchant des réponses mais ne trouvant que de la douleur. Nos yeux reflétaient l’agonie, l’impuissance et l’épuisement au-delà de ce que les mots pourraient exprimer, mais malgré tout, une étrange détermination se lisait sur certains visages.

Nous ne nous attendions pas à cela, même dans nos pires cauchemars. Nous nous sommes réveillés au milieu de frappes aériennes terrifiantes, dont l’impact sur nos cœurs est plus lourd que jamais. Je suis désolé d’admettre que j’ai peur de m’endormir maintenant, sachant le nombre d’explosions et de raids violents auxquels nous sommes confrontés. J’ai l’impression que nous n’avons pas fait un seul pas vers la paix. Nous restons coincés entre la vie et la mort.

Cette nuit-là, il ne s’agissait pas seulement d’une nouvelle série de frappes aériennes, mais d’un rappel brutal que la paix à Gaza n’est qu’une illusion éphémère, si tant est qu’une telle chose existe. À ce moment-là, notre monde a basculé une fois de plus.

Nous avions espéré que le Ramadan de cette année serait différent. Après 532 jours de guerre, de déplacements et de pertes, nous pensions que le Ramadan nous offrirait un moment de paix. Nous espérions vivre une journée sans mort. Mais comme toujours à Gaza, ces espoirs se sont rapidement évanouis.

Le bruit des frappes aériennes est un compagnon constant à Gaza, un compagnon auquel personne ne s’habitue jamais, malgré les années de guerre. Nous pensions connaître un peu de calme, mais au lieu de cela, nous nous sommes retrouvés au cœur d’une nouvelle vague de violence israélienne. Les explosions n’ont pas cessé, elles se sont succédées, implacables et impitoyables, chacune portant en elle le poids de la mort et de la destruction.

En l’espace de quelques heures, 405 Palestiniens ont perdu la vie, des vies qui n’étaient pas de simples chiffres, mais des individus avec des familles, des rêves et des espoirs. Il ne s’agissait pas de simples statistiques sur un téléscripteur ; il s’agissait de personnes réelles, et avec chaque mort, nous avons perdu une partie de nous-mêmes. Avant d’être assassinés, ces martyrs étaient des gens comme nous. Ils avaient un foyer, un cœur qui battait, une âme et des rêves sans fin.

Pour nous les « droits humains » sont lettres mortes

Dans la guerre israélienne contre Gaza, les droits de l’homme n’ont aucune importance, malgré ce qui est dit sur les lois de la guerre et la protection des civils.

Je me souviens de mon amour pour l’histoire à l’école, j’étudiais avec passion et je croyais en l’importance du droit et de la justice. J’ai retenu chaque mot du manuel, me sentant fière chaque fois que j’obtenais les meilleures notes. À l’époque, je pensais que les droits de l’homme étaient garantis et que le monde les respecterait toujours.

J’ai appris les lois internationales qui protègent les civils dans les conflits armés et les principes de justice qui devraient s’appliquer partout. Mais après avoir vécu la guerre à Gaza, j’ai réalisé que ces droits ne sont que des mots sans valeur ici.

« Gaza saigne, Gaza vous implore à l’aide ! »

Il n’y a pas de sécurité, pas de protection contre les bombes, et nos vies sont réduites à des statistiques, notre douleur est ignorée, et les droits que le monde prétend défendre sont réservés aux autres et qu’ils ne s’appliquent pas à nous. Pour nous, ils ne sont que de l’encre sur du papier, ils sont étrangers à notre réalité.

Les droits fondamentaux que l’on nous a appris à valoriser – droit à la vie, à la sécurité, au logement, à la nourriture, à l’éducation – sont devenus ici des illusions trompeuses.

Comment le monde peut-il prétendre défendre les droits de l’homme alors que Gaza est une prison à ciel ouvert bombardée à volonté ? Comment les organisations de défense des droits de l’homme peuvent-elles rester silencieuses face à ce que nous endurons ? A Gaza, il n’y a aucun espoir de justice internationale ; les bombardements ne s’arrêteront pas à cause des rapports ou des décisions des Nations Unies.

Malgré tout, nous gardons espoir

Malgré tout, nous gardons espoir dans notre capacité de résister, d’endurer, de lutter pour notre terre et notre dignité. Gaza se défend et défend l’honneur de toute la nation, et elle restera inébranlable malgré l’indifférence du monde.

La lutte quotidienne à Gaza n’est pas seulement une lutte pour la survie physique au milieu des frappes aériennes, mais aussi une bataille psychologique douloureuse dans un contexte de terreur continuelle. Chaque jour, nous nous demandons combien de bombes et de morts demain nous apportera.

Nos enfants grandissent dans l’ombre de la guerre, perdant leur innocence au milieu des explosions et des décombres de leur monde brisé.

Les bombes ne sont pas la seule arme de destruction massive utilisée pendant une guerre. La guerre s’attaque aussi aux cœurs des gens, où l’amertume de la perte persiste longtemps après que les explosions se sont arrêtées. La guerre vole des vies et de l’espoir, mais nous continuons à vivre et à endurer, en trouvant du réconfort dans notre foi et les uns dans les autres.

Ce qui amplifie notre souffrance, c’est le silence du monde. Les pays parlent de solidarité avec Gaza, mais dans la pratique, ils ne font pas grand-chose pour mettre fin aux souffrances. Nous devons faire face à l’injustice de l’impunité des génocidaires. Les organisations de défense des droits de l’homme ignorent notre douleur, et c’est à nous de sauver ce qui peut l’être et de prendre soin de nous-mêmes dans un monde qui nous a abandonnés. Au milieu de tout cela, nous nous accrochons à notre foi en Dieu, notre seul refuge.

Ce que nous vivons à Gaza est une épreuve de foi et de patience. Malgré la douleur, la perte et la peur, nous trouvons notre force dans notre conviction que Dieu ne nous abandonnera pas. Gaza ne mourra pas. Elle résistera et endurera, car nous croyons que la justice finira par prévaloir.

Un jour, l’obscurité se dissipera et la lumière jaillira. En attendant, nous resterons fermes dans notre détermination, sachant que notre force vient de notre foi en Dieu, qui finira par nous accorder la victoire.

27 mars 2025 – The Palestine Chronicle – Traduction : Chronique de Palestine – Dominique Muselet

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