Par Yara Hawari
Cet ordre permet au gouvernement israélien de commettre des atrocités de masse, de voler des terres et de poursuivre la Nakba qui a commencé en 1948.
Le 12 octobre, après plusieurs jours de bombardements, le gouvernement israélien a ordonné à 1,1 million de Palestiniens vivant dans le nord de la bande de Gaza, qui comprend la ville de Gaza, la zone urbaine la plus peuplée, de se déplacer vers le sud du territoire assiégé.
Elle a promis que pendant 24 heures, les routes seraient sûres pour ceux qui voulaient fuir l’invasion terrestre imminente. Beaucoup ont commencé à se diriger vers le sud immédiatement à pied, d’autres sont montés dans des camions et les « chanceux » ont pris leurs voitures.
Israël bombarde les routes de la partie nord de la bande de Gaza depuis des jours, ce qui rend toute tentative d’évacuation lente et pénible. Pire encore, selon certaines informations, le gouvernement israélien n’aurait pas tenu sa promesse et aurait pris pour cible les convois se dirigeant vers le sud.
Selon le ministère palestinien de la santé, une frappe israélienne sur la route de Salah al-Din, un axe principal dans le territoire surpeuplé déclaré temporairement « sûr » par l’armée israélienne, a tué 70 personnes qui tentaient de fuir vers le sud le 13 octobre.
En fin de compte, beaucoup se sont déplacés vers le sud, mais beaucoup d’autres n’ont pas pu le faire. Certains ne sont pas en état de se déplacer, en raison d’un handicap ou de blessures. Dans plusieurs hôpitaux, des médecins et des infirmières “>refusent de laisser derrière eux leurs patients intransportables.
D’autres refusent de partir par crainte d’un exil définitif.
Le traumatisme de la Nakba de 1948, au cours de laquelle 750 000 Palestiniens ont été définitivement exilés de leurs maisons, n’a jamais quitté les Palestiniens. Ce sentiment est particulièrement palpable chez les Palestiniens de Gaza, dont la majorité est issue de familles déplacées en 1948.
Le gouvernement israélien le sait. Il sait également que déplacer 1,1 million de personnes dans un espace comme Gaza, en quelques heures, est logistiquement impossible. Mais l’ordre d’évacuation sert son objectif : il sert de couverture au gouvernement israélien pour commettre des atrocités de masse en utilisant le vieux sophisme selon lequel le Hamas utiliserait des boucliers humains.
Les agences internationales ont clairement indiqué que l’ordre d’évacuation n’exonère pas le gouvernement israélien de ses obligations et responsabilités en vertu du droit humanitaire international, et ont appelé les dirigeants israéliens à annuler l’ordre.
De son côté, le gouvernement israélien n’a pas fait beaucoup d’efforts pour cacher le fait que cet ordre d’évacuation ou ses plans plus larges pour Gaza constituent une tentative de nettoyage ethnique.
Plusieurs ministres et hommes politiques israéliens ont appelé à l’extermination de Gaza au cours de la semaine écoulée, en utilisant un langage déshumanisant. Le ministre israélien de la défense a même qualifié les Palestiniens de Gaza d’ « animaux humains ».
Pendant ce temps, les États-Unis font pression sur l’Égypte pour qu’elle autorise un couloir humanitaire entre Gaza et la péninsule du Sinaï par le poste frontière de Rafah. S’il est impératif de tout mettre en œuvre pour aider les habitants à échapper aux bombardements et pour acheminer l’aide, il est à craindre que toute personne obligée de quitter Gaza aujourd’hui ne finisse par s’exiler définitivement.
Il ne s’agit pas d’une crainte irrationnelle, mais d’un phénomène qui s’est produit tout au long de l’histoire palestinienne.
En effet, le gouvernement israélien a constamment ignoré les diverses conventions internationales établissant les droits des réfugiés, y compris celles qui garantissent leur droit de rentrer chez eux.
On estime que plus de sept millions de Palestiniens vivent actuellement en exil permanent et ne sont pas autorisés à retourner dans leur pays d’origine, ni même à s’y rendre dans de nombreux cas.
Alors que les Palestiniens du nord de Gaza doivent prendre la décision impossible de rester chez eux ou de prendre le risque de tenter d’évacuer, le gouvernement israélien se prépare à une invasion terrestre. Des centaines de chars israéliens ont été déplacés vers la barrière israélienne qui enferme les Palestiniens de Gaza depuis si longtemps.
Pendant ce temps, les politiciens israéliens et les généraux de l’armée se livrent à une frénésie rhétorique. Ils ont même déplacé un criminel de guerre israélien, impliqué dans le massacre de Deir Yassin en 1948, pour remonter le moral des soldats.
Il les a incités à « effacer leur mémoire… Effacez-les, ainsi que leurs familles, leurs mères et leurs enfants. Ces animaux ne peuvent plus vivre ».
Tout indique que l’invasion sera impitoyable. Le prétexte de vouloir anéantir les « hauts responsables politiques et militaires du Hamas » n’est qu’un prétexte. L’invasion donnera au gouvernement israélien l’occasion de prendre la partie nord de Gaza et de pousser les Palestiniens dans une prison plus petite ou, pour des milliers d’entre eux, au-delà des frontières de Gaza.
Quel que soit le point de vue, la situation ne peut être décrite que comme un nettoyage ethnique et la poursuite de la Nakba qui a commencé en 1948.
Auteur : Yara Hawari
* Yara Hawari est Senior Palestine Policy Fellow d'Al-Shabaka. Elle a obtenu son doctorat en politique du Moyen-Orient à l'Université d'Exeter, où elle a enseigné en premier cycle et est chercheur honoraire.En plus de son travail universitaire axé sur les études autochtones et l'histoire orale, elle est également une commentatrice politique écrivant régulièrement pour divers médias, notamment The Guardian, Foreign Policy et Al Jazeera. Son compte twitter.
16 octobre 2023 – Al-Jazeera – Traduction : Chronique de Palestine