Par Abdel Bari Atwan
Israël sera le plus grand perdant s’il lance une nouvelle invasion terrestre dans la bande de Gaza, écrit Abdel Bari Atwan.
La guerre de libération lancée contre l’État d’occupation israélien par le mouvement Hamas [résistance islamique] avec la participation d’autres factions palestiniennes basées à Gaza, a infligé à l’occupant une défaite militaire majeure qui lui a fait perdre ses deux armes les plus efficaces : sa capacité de nuisance et son pouvoir de dissuasion.
Pour les retrouver et les restaurer, il ne voit pas d’autre solution que d’envahir la bande de Gaza par voie terrestre et d’exterminer complètement le Hamas, le Jihad islamique et les autres groupes de la résistance.
Mais son hésitation à lancer une telle invasion au cours des six derniers jours reflète son état actuel de perplexité, et peut-être aussi de désaccord dans les rangs de ses dirigeants politiques et militaires.
Ceux-ci doivent choisir entre deux principales options :
- Premièrement, un assaut de courte durée, de quelques jours ou semaines, qui pourrait aboutir à la destruction des infrastructures du Hamas et des autres organisations de la résistance. Cela impliquerait des combats de rue et une guerre urbaine avec les combattants de la résistance dans une jungle de béton et de décombres. Les chances d’un succès sont largement dépassées par celles d’un d’échec.
- Deuxièmement, une invasion à grande échelle visant à occuper et à contrôler de manière permanente la bande de Gaza, ou sa moitié nord, signifierait l’envoi de dizaines de milliers de soldats et d’un grand nombre de véhicules blindés et de chars pour imposer ce contrôle. Il faudrait également dépenser des milliards de dollars pour fournir des services de base et répondre aux exigences du nouveau régime imposé, notamment en matière de sécurité, alors qu’il se prépare à faire face à une guérilla qui ne manquerait pas de lui infliger de lourdes pertes en vies humaines et en matériel.
La question est de savoir si l’armée israélienne, démoralisée, est prête à se lancer dans une aventure militaire aussi périlleuse. De même, ses réservistes répondront-ils à l’appel aux armes d’un gouvernement contre lequel ils se sont rebellés et dont des centaines de milliers de personnes sont descendues dans la rue pour exiger sa destitution ?
L’ancien premier ministre israélien Ehud Olmert avait envoyé ses forces à Gaza en 2008 pour mener une guerre qui a duré trois semaines. Après avoir tué des centaines de femmes et d’enfants et détruit des milliers d’habitations, elles ont subi une défaite majeure, même si le Hamas n’avait à l’époque ni le niveau d’armement, ni le nombre de combattants, ni l’expérience du combat qu’il a aujourd’hui.
C’est pourquoi Olmert met aujourd’hui fermement en garde contre toute invasion terrestre, permanente ou temporaire. Dans une interview accordée au Financial Times cette semaine, il a déclaré qu’Israël connaîtrait les pires et les plus sombres jours de son histoire s’il retournait dans la bande de Gaza.
Dans une autre interview, le colonel israélien à la retraite Shimon Arad a expliqué que c’est le réseau de tunnels du Hamas qui a dissuadé Israël de réinvestir la bande de Gaza ces dernières années pour l’empêcher de développer ses capacités et d’accumuler des missiles.
Les capacités défensives du Hamas et des autres groupes de résistance dépasseront de loin leurs capacités offensives si l’armée israélienne entreprend une telle démarche. La terre défend son peuple. Un axiome de la théorie militaire veut que pour qu’une force d’attaque réussisse, elle doit être quatre ou cinq fois plus nombreuse que la force de défense.
On pourrait ajouter qu’un seul combattant de la résistance, déterminé à remporter la victoire et prêt à mourir pour elle, vaut dix soldats de troupes régulières.
Le nombre de victimes et les pertes matérielles seraient bien plus importants que les commandants israéliens ne semblent l’anticiper, surtout à la lumière de l’expérience de combat acquise dans la résistance aux forces d’occupation israéliennes.
Les pertes que la résistance a infligées à Ariel Sharon l’ont contraint à faire demi-tour et à se retirer en 2005, entraînant avec lui ses 17 000 colons. Il s’agissait d’une opération de réduction des coûts et d’un aveu de défaite qu’il convient de garder à l’esprit aujourd’hui.
L’État d’occupation israélien sera le grand perdant, qu’il « digère » son humiliation et vive avec les conséquences pour éviter une nouvelle défaite, ou qu’il maintienne son arrogance et envoie un demi-million de soldats et de réservistes envahir Gaza pour tenter d’éradiquer le Hamas et les autres groupes de la résistance. Leurs tireurs d’élite, leurs missiles antichars Kornet qui détruisent les Merkava, leur labyrinthe de tunnels souterrains, leurs plongeurs, leurs armes de précision et leurs redoutables combattants les attendront.
Ils réserveront aux troupes d’invasion l’accueil qu’elles méritent…
Israël a beaucoup à perdre, peut-être jusqu’à son existence sous sa forme actuelle. Les Palestiniens de la bande de Gaza et de la Cisjordanie – qui se préparent à agir contre les colonies et à intensifier la résistance – n’ont à perdre que leur assujettissement et leur humiliation, tout en gagnant la perspective de se libérer, de libérer leur terre et de défendre leurs lieux saints.
Les jours à venir seront certainement riches en surprises.
Auteur : Abdel Bari Atwan
* Abdel Bari Atwan est le rédacteur en chef du journal numérique Rai al-Yaoum. Il est l’auteur de L’histoire secrète d’al-Qaïda, de ses mémoires, A Country of Words, et d’Al-Qaida : la nouvelle génération. Vous pouvez le suivre sur Twitter : @abdelbariatwan
13 octobre 2023 – Raï al-Yaoum – Traduction : Chronique de Palestine