Gaza : quand la mort et le cessez-le-feu se croisent

15 janvier 2025 - Des Palestiniens de l'hôpital des martyrs d'Al-Aqsa pleurent la perte de la famille Shaqoura, dont la maison à Deir al-Balah, dans le centre de Gaza, a été bombardée la nuit dernière, tuant 11 personnes. Depuis octobre 2023, la guerre génocidaire d'Israël contre Gaza a tué plus de 46 000 Palestiniens, et des milliers d'autres sont toujours portés disparus sous les décombres. Au moins 87 % des habitations de Gaza ont été détruites ou endommagées - Photo : Yousef Al-Zanoun / Activestills

Par Hossam Shabat

Le journaliste Hossam Shabat, qui n’a pas quitté le nord de Gaza depuis le début de la guerre et qui n’a pas vu sa famille depuis plus d’un an, rend compte depuis la ville de Gaza de trois jours d’espoir et de mort, entre le moment où le cessez-le-feu a été annoncé et celui où il devrait être mis en œuvre.

En ces dernières heures, où le sang se mêle à la prière, les civils du nord de Gaza vivent les moments les plus cruels en attendant l’entrée en vigueur du cessez-le-feu.

Trois jours entiers se sont écoulés entre l’annonce de l’accord et sa mise en œuvre. Trois jours de mort alors que les bombardements impitoyables se poursuivent.

Aujourd’hui, le temps ne se mesure pas en minutes, mais en vies entières de douleur et de larmes. À chaque instant, l’anxiété et la tension des gens ici augmentent, car ils se demandent s’ils resteront en vie assez longtemps jusqu’à ce que les tirs cessent.

L’occupation a intensifié ses bombardements dans les premières heures qui ont suivi l’annonce du cessez-le-feu. Cinquante frappes aériennes en moins de 24 heures. Elles ont visé les abris, les maisons et les tentes des personnes déplacée.

Encore plus de destruction, encore plus de sang.

Quelques minutes seulement après l’annonce, la cour de l’hôpital Al-Ahli était remplie de martyrs. Les administrateurs ont été contraints d’installer un hôpital de campagne de fortune dans la cour pour faire face à l’afflux de blessés.

Dès la signature de l’accord de cessez-le-feu, les ambulances et les équipes de la défense civile ont travaillé sans relâche. Les scènes à l’intérieur de l’hôpital étaient très difficiles, avec plus de 70 martyrs arrivés en seulement 24 heures, dont plus de 20 enfants.

L’armée d’occupation ne s’est pas arrêtée là. Elle a pris pour cible l’école al-Falah ; elle a bombardé tout un quartier résidentiel de Jabaliya ; elle a tué des familles, comme la famille Alloush, dont les corps n’ont pas encore été retrouvés et gisent encore sous et sur les décombres. Les enfants que j’ai vus cette nuit-là semblaient heureux, mais ils ne vivaient plus, leurs visages étaient figés dans un mélange de sourire et de sang.

Nous avons assisté à des scènes déchirantes en ces heures de mort : à l’hôpital Al-Ahli, des familles ont fait des adieux amers à leurs proches décédés. L’une des mères a déclaré d’une voix tremblante : « Oh mon Dieu, dans ses dernières heures, ma fille était si heureuse de la nouvelle du cessez-le-feu, elle exultait, mais sa joie a été interrompue… ».

Comment le monde peut-il être ainsi ?

Ces moments incarnent les forces opposées de l’espoir et de la tragédie, entre la joie inassouvie et le chagrin qui hante tout ce qui nous entoure.

Alors que les bombes pleuvaient, les familles n’ont pas quitté leurs maisons et leurs abris de peur d’être tuées dans les rues. Elles ont préféré disperser les membres de leur famille dans plusieurs endroits différents, de peur d’être tués tous ensemble et de voir leur lignée anéantie, comme c’est le cas pour tant de familles de Gaza dans ce génocide.

Les gens avaient peur de sortir pour aller chercher de quoi manger.

Au milieu de tout cela, les journalistes ont continué à recevoir des menaces de mort. Il y a quelques heures, j’ai reçu un appel d’une personne parlant hébreu qui m’a demandé d’arrêter de filmer, ce qui nous a fait craindre de nous déplacer pendant cette période critique.

Nous vivons un moment où la mort et le cessez-le-feu se croisent.

L’espoir d’une paix durable reste un rêve pour des millions de personnes. Chaque fois que la machine de guerre s’arrête, les gens poussent un soupir de soulagement, mais à mesure que le temps passe, la peur et l’anxiété reviennent.

La paix à laquelle nous aspirons ne sera possible que grâce à un changement politique radical, en garantissant les droits des civils et en créant un environnement de sécurité et de vie.

En attendant, cette période de douleur et de sang continuera à hanter ce paysage dévasté et le retour à une vie normale restera un rêve lointain.

18 janvier 2025 – Substack.com – Traduction de l’arabe : Sharif Abdel Kouddous

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