Malheureusement, les féministes occidentales ne se préoccupent pas des femmes de l’ « Orient », de la Palestine, de l’Irak, de l’Iran, de l’Afghanistan, de l’Inde, tout comme elles ne se préoccupent pas des femmes noires ou indigènes ici au Brésil ; elles ne l’ont jamais fait, et la plus grande preuve en est le silence de nombre d’entre elles face à l’actuel génocide et féminicide palestinien.
Les femmes de « là-bas » que j’ai mentionnées sont les femmes « homo sacer » du philosophe Giorgio Agamben, des sous-femmes, des femmes inférieures, de valeur moindre. Leurs vies valent moins, leurs existences valent moins, leurs enfants valent moins, leurs familles valent moins, donc leur mort ne les touchent pas, elles ne mobilisent pas leurs consciences, leurs cœurs ou leurs vies quotidiennes. C’est un détail, cela ne changera rien. Ils peuvent mourir, car leur deuil est aussi de moindre valeur.
Cela me rappelle la discussion lancée par Lila Abu-Lughod en 2012, dans l’article « Muslim women need salvation : anthropological reflections on cultural relativism and its others » [Les femmes musulmanes ont besoin de salut : réflexions anthropologiques sur le relativisme culturel et ses dérives], où l’anthropologue rappelle qu’il n’y a pas d’essence, de nature féminine, mais que nous sommes socialement construites, comme tout être humain, et avons d’autres désirs, d’autres manières d’être femme, de s’habiller, de croire, d’aimer, etc.
Et elle ajoute : « nous devons développer une appréciation sérieuse des différences entre les femmes dans le monde – en tant que produits d’histoires différentes, expressions de circonstances différentes et manifestations de désirs structurés de manière distincte ».
Le silence du féminisme occidental sur Gaza met à nu sa faillite morale
Des femmes qui ne vivent pas comme nous, ne pensent pas comme nous, ne croient pas comme nous, et qui ont tout à fait le droit de le faire. Mais l’Occident veut toujours homogénéiser, standardiser et ignorer, inférioriser, tous ceux qui ne se conforment pas à ses moules et à ses cadres.
À son tour, la question de la classe sociale dans le mouvement féministe est une autre question controversée, qui a été réduite au silence.
De quoi les féministes occidentales se préoccupent-elles réellement ? Historiquement, ce sont les femmes de l’élite qui ont revendiqué le droit de vote, par exemple, et aujourd’hui elles discutent du droit de s’habiller à son goût, de montrer leur corps ou non.
Ce sont là quelques-unes de leurs préoccupations, alors que les femmes de la classe ouvrière n’ont même pas du tout le même choix dans les vêtements ! En d’autres termes, les besoins sont différents, plus basiques, matériels et non idéologiques.
Les féministes occidentales se préoccupent de retirer le voile aux femmes musulmanes, mais elles ne se préoccupent pas de leur santé, de leur éducation, de leur emploi, de leur logement et d’autres droits fondamentaux, qui sont élémentaires pour une vie raisonnablement digne et de qualité.
En fait, ces droits sont effacés par l’Occident lui-même, avec ses guerres et ses interventions militaires, de nature faussement salvatrice et civilisatrice, même prétendument humanitaires, et souvent, du moins dernièrement, même sous l’instigation de certaines femmes occidentales.
Toute cette situation est également traversée par la question de la couleur : le discours des femmes blanches au détriment du discours des femmes brunes, qui n’ont même pas droit à la parole, qui ne sont même pas entendues.
Ainsi que la dichotomie, la supposée opposition Ouest/Est et, dans cet Ouest, le Sud global. La dichotomie femmes chrétiennes versus femmes musulmanes, la dichotomie femmes libres et libérées versus femmes opprimées et subordonnées.
Bref, il y a beaucoup de dichotomies inventées pour nous séparer. Nous avons donc encore beaucoup de choses sur lesquelles réfléchir et de préjugés à surmonter pour combler ces fossés et aider nos sœurs qui souffrent tant dans différentes parties du monde.
Auteur : Ashjan Sadique Adi
* Ashjan Sadique Adi est d'ascendance palestinienne. Elle est titulaire d'un diplôme en psychologie et d'une maîtrise en éducation de l'université fédérale du Mato Grosso do Sul (UFMS), ainsi que d'un doctorat en psychologie sociale de l'université de São Paulo (USP). Elle est membre du GRACIAS - Groupe d'anthropologie dans les contextes islamiques et arabes - et directrice du secrétariat des femmes de la FEPAL - Fédération arabo-palestinienne du Brésil.Ses comptes Facebook et Twitter/X.
1e avril 2024 – Monitor do Oriente – Traduction : Chronique de Palestine – Lotfallah