Par Robert Inlakesh
Le camp américano-israélien n’acceptera de respecter les droits du Liban que si l’Axe de la Résistance l’y contraint.
Dans un peu plus d’un mois, « Israël » commencera à exploiter le riche gisement de Karish, situé dans des eaux contestées, alors qu’aucun accord n’a été conclu sur la délimitation des frontières maritimes. Y aura-t-il une nouvelle guerre entre « Israël » et le Liban si aucun accord n’est négocié d’ici septembre ? Pourquoi les médias ne semblent-ils pas s’intéresser à cette question?
Lundi dernier, le secrétaire général du Hezbollah libanais, Sayyed Hassan Nasrallah, a paru annoncer qu’une réponse aux provocations israéliennes au sujet des ressources libanaises, était imminente.
Il est clair que le Hezbollah considère désormais tous les champs de gaz, tant au Liban qu’en Palestine occupée, comme des cibles potentielles. Nasrallah l’a dit lui-même dans le discours qu’il a prononcé il y a trois semaines.
« Tel Aviv » a répondu par de vagues « menaces », mais il est évident que les forces d’occupation israéliennes sont en panique. Elles ont tout à la fois déployé de nouveaux systèmes de missiles de défense aérienne et fait pression sur les États-Unis pour qu’ils prennent la question plus au sérieux.
À ce stade, le message est clair : le Hezbollah est prêt à entrer en guerre pour les champs pétroliers et gaziers du Liban, car il considère que l’exploitation de ses champs offshore est le seul moyen de relancer l’économie libanaise.
Si le Liban ne peut pas extraire son pétrole, alors personne ne le pourra, telle est la position du Hezbollah.
Une grande partie des médias israéliens contestent vivement la position officielle des services de renseignement de « Tel Aviv », qui affirment que le Hezbollah ne rentrera pas en guerre pour protéger ses ressources.
Dans un article du Jerusalem Post, un média sioniste, il est même affirmé que les Israéliens ne devraient pas se fier aux analyses de leur communauté du renseignement sur cette question car elle n’avait pas prévu le succès du Hezbollah en juin 2006 ni le succès du Hamas en mai 2021.
En juin, Amos Hochstein, le « médiateur » américano-sioniste entre le gouvernement libanais et le régime sioniste, s’est rendu à Beyrouth. Il est apparu clairement qu’il n’avait aucune intention de faire les concessions que le Liban espérait.
Il s’est même moqué de l’idée que le Liban puisse obtenir le champ de Karish, lors d’une interview réalisée avec le représentant américain pendant la visite de ce dernier.
Hochstein a sans doute cru que cette visite n’était due qu’aux menaces qui avaient été proférées à l’encontre d’« Israël », pour avoir empiété sur le champ de Karish contesté, et que le gouvernement américain ne prenait pas la situation particulièrement au sérieux.
Aujourd’hui, la situation est extrêmement sérieuse et les conséquences potentielles sur l’ensemble de la stratégie de politique étrangère de Washington au Moyen-Orient pourraient être graves.
Une guerre, dans laquelle le Hezbollah et d’autres alliés du parti de la résistance ouvriraient tous le feu sur « Israël », serait un désastre pour les États-Unis qui veulent non seulement que « Tel Aviv » fournisse du gaz à l’Europe, mais aussi convaincre davantage de régimes arabes de normaliser leurs liens avec le régime israélien.
Une telle guerre prouverait la force des alliés de l’Iran et la faible capacité des États-Unis et d’« Israël » à tenir leurs promesses sur la question de la sécurité. Une telle guerre boosterait sans aucun doute la cause palestinienne et mettrait dans l’embarras des pays comme le Maroc, les Émirats arabes unis, l’Arabie saoudite, le Bahreïn, la Jordanie et l’Égypte.
Quelle est la probabilité que nous assistions à une nouvelle guerre entre le Liban et « Israël » dans les mois à venir ? Eh bien, elle est extrêmement grande. La question est de savoir jusqu’où ira le conflit avant que « Tel Aviv » ne se trouve obligé de battre en retraite et de faire des concessions.
Cependant, bien que la perspective d’une guerre en ce moment précis inquiète « Israël », il est peu probable qu’il fasse des concessions au Liban sans opposer de résistance. Pour le moment, il cherche, dans sa panique, à passer une sorte de marché avec Beyrouth afin d’éviter que les tensions ne dégénèrent en une guerre totale.
Bien qu’il revienne au Hezbollah de décider de sa propre réaction, c’est le régime israélien qui décidera si la confrontation prendra la forme d’une guerre totale ou d’une brève passe d’armes.
Actuellement, la classe politique israélienne est prise entre le marteau et l’enclume ; d’une part, elle ne peut pas se permettre de paraître faible et de céder des zones importantes au Liban, et d’autre part, elle ne dispose d’aucune option militaire susceptible de réussir.
Le mieux que les forces israéliennes puissent faire contre la résistance libanaise est de confiner leurs soldats et leurs colons dans des bunkers, en espérant que les pertes seront faibles, et d’assassiner des civils libanais, en espérant tuer quelques membres du Hezbollah dans le processus.
En ce qui concerne leurs systèmes de défense aérienne, il est bien connu qu’ils n’empêcheront pas le Hezbollah de causer d’immenses dommage à « Israël », ce qui serait très embarrassant.
D’autre part, les prochaines élections israéliennes auront lieu en novembre et chaque parti politique israélien essayera d’instrumentaliser les événements actuels à son profit.
Yair Lapid, l’actuel Premier ministre israélien, sera blâmé quelle que soit l’issue du différend frontalier maritime, car il ne dispose que de deux mauvaises options, soit être vaincu militairement soit céder des territoires au Liban.
Benny Gantz, l’actuel ministre de la guerre, qui est également dans une position difficile, s’est placé dans le camp anti-Netanyahu pour les prochaines élections. Si la résistance libanaise fait perdre la face à « Israël », cela pourrait coûter cher au camp anti-Netanyahu lors des prochaines élections.
Il ne fait aucun doute que l’ancien Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu utilisera chaque concession et chaque échec militaire stratégique contre ses adversaires. Ces pressions pourraient finir par pousser le régime actuel à attaquer le Liban avec une brutalité mortelle comme à éviter toute confrontation.
Par le passé, « Israël » a déployé des mannequins et a menti sur ses pertes, non seulement lors de son engagement avec la résistance libanaise, mais aussi avec la résistance palestinienne.
Une manœuvre médiatique pourrait permettre à « Israël » de sortir rapidement de la confrontation militaire, tout en gardant la face devant sa propre population et en faisant quelques concessions sur le différend frontalier maritime, bien que cela puisse se retourner contre lui.
Le régime colonial pourrait aussi décider de repousser le démarrage de l’exploitation du gisement de Karish prévue en septembre, pour retarder la confrontation et permettre aux négociations sur la frontière maritime de se poursuivre encore un peu.
Mais le report de l’extraction du gaz du champ de Karish représenterait une concession qui pourrait être exploitée par Benjamin Netanyahu et les alliés du parti de droite Likoud.
Il faut noter que toute concession du régime sioniste sera due aux pressions de la résistance.
Sans les menaces de la résistance au Liban, les États-Unis, qui se plient aux exigences d’« Israël » en matière de délimitation des frontières maritimes, continueraient à se moquer de Beyrouth. Chaque fois que les États-Unis et Israël se trouvent obligés de faire des concessions et de reconnaître les droits du Liban, c’est grâce à la force de dissuasion exercée par le camp de la résistance.
Chaque concession constituera une nouvelle victoire à inscrire dans l’histoire de la lutte contre le régime colonial.
Auteur : Robert Inlakesh
* Robert Inlakesh est un analyste politique, journaliste et réalisateur de documentaires actuellement basé à Londres, au Royaume-Uni. Il a rapporté et vécu dans les territoires palestiniens occupés et travaille actuellement avec Quds News et Press TV. Il est le réalisateur de Steal of the Century: Trump's Palestine-Israel Catastrophe. Suivez-le sur Twitter.
3 août 2022 – Al-Mayadeen – Traduction : Chronique de Palestine – Dominique Muselet