Ramzy Baroud explore ici les différents aspects de la résistance palestinienne dans le contexte du génocide israélien en cours à Gaza, appelant à une meilleure compréhension de toutes les formes de résistance, au-delà de la seule résistance armée.
Si un accord de cessez-le-feu est finalement accepté par la Résistance palestinienne à Gaza et par l’occupant israélien, il pourrait marquer le début de la fin d’un génocide israélien sans précédent dans l’histoire.
Les estimations varient quant au nombre de Palestiniens qui ont été massacrés, ou qui finiront par mourir, dans la guerre génocidaire d’Israël qui a commencé le 7 octobre 2023.
Mais un fait s’impose, il est clair qu’une part importante des 2,3 millions d’habitants que comptait initialement la bande de Gaza a péri, dans ce qui restera comme un massacre à grande échelle d’une population civile.
Le débat d’après-guerre se concentrera probablement sur ce point : la criminalité des actions d’Israël, qui pourrait conduire à la perte de légitimité d’Israël en tant qu’État paria qui ne respecte pas les droits fondamentaux du genre humain et encore moins le droit international.
Cependant, une autre discussion urgente – que beaucoup souhaiteront éviter – concerne la question de la résistance.
Depuis le début de la guerre, trois perspectives sur la résistance palestinienne se sont dégagées.
- La perspective qui domine laisse de côté la question de la résistance, se concentrant plutôt sur le nombre de tués et le niveau inimaginable de destructions à Gaza. Si ce point de vue met en lumière les atrocités commises par Israël dans le terrtoire assiégé, il ne répondra pas à des questions fondamentales : pourquoi Israël est-il contraint de quitter [au moins partiellement] Gaza après 15 mois de combats, et quelles sont les forces qui ont rendu la victoire impossible pour l’état génocidaire dans l’un des endroits les plus peuplés, les plus pauvres et les plus isolés de la planète ?
- Le second angle de vue rend les Palestiniens responsables des atrocités israéliennes. Ce point de vue est défendu par certaines chaînes de médias arabes – ainsi que par de nombreux médias occidentaux – et souvent par l’Autorité palestinienne (AP) elle-même, ainsi que par son cercle de plus en plus restreint d’obligés, dont certains sont prétendument membres du mouvement pro-palestinien.
La logique qui sous-tend leur position est que, puisque l’opération du déluge d’Al-Aqsa était essentiellement un choix palestinien, la Résistance est en quelque sorte tenue pour responsable du génocide israélien. L’Autorité palestinienne se sert de cet argument pour faire peur aux Palestiniens de Cisjordanie et l’a répétée lors de l’assaut brutal qu’elle mène actuellement contre le camp de réfugiés de Jénine.
En d’autres termes, l’Autorité palestinienne justifie ses meurtres de Palestiniens en affirmant qu’elle le fait pour prétendument éviter d’autres morts aux mains d’Israël. - La troisième perspective célèbre le rôle de la résistance, bien que parfois sans comprendre pleinement la nature de la résistance palestinienne à Gaza.
Il est clair que sans résistance, Israël aurait conquis Gaza en quelques jours et aurait déjà construit plusieurs colonies juives dans le territoire assiégé. Cette dernière perspective est donc la plus exacte, mais une meilleure compréhension de ce qui constitue la résistance est encore nécessaire.
La nature de la résistance palestinienne
La résistance en cours à Gaza comprend non seulement la lutte armée, mais aussi la constance légendaire (sumoud) du peuple palestinien. Une erreur majeure souvent commise est de considérer la résistance comme étant à part et de différencier la résistance culturelle, populaire et armée.
Cette approche limitée divise la résistance en catégories violentes et non violentes, ce qui affaiblit le discours palestinien et la compréhension collective de la situation à Gaza.
À Gaza, toutes les formes de résistance sont intrinsèquement liées. La résistance spirituelle, liée à la foi, est l’épine dorsale de la communauté palestinienne, y compris des minorités chrétiennes de Gaza qui, comme la majorité musulmane, ont subi d’immenses pertes.
Ce lien s’exprime de multiples façons : la langue que les gens parlent, les chansons qu’ils chantent, l’art qu’ils créent, même en temps de guerre et de famine.
Alors qu’Israël a utilisé toutes ses capacités de destruction, qui semblaient illimitées grâce au soutien indéfectible des États-Unis, de l’Allemagne et du Royaume-Uni, entre autres, les Palestiniens ont riposté par la foi, la patience, les prières, l’esprit de communauté et l’ingéniosité, survivant contre vents et marées.
Bien qu’Israël a détruit Gaza, il a fait des habitants survivants une seule et même famille.
C’est l’apogée de la résistance palestinienne.
Cette résistance s’est exprimée de multiples façons, notamment par la résistance armée, qui a alimenté le front palestinien avec de jeunes combattants prêts à mourir pour protéger leurs communautés. Ces communautés, déplacées dans toute la bande de Gaza, sont devenues l’épicentre du mouvement de résistance.
Nombreux sont ceux qui continueront à ne pas vouloir débattre de la véritable nature de la résistance palestinienne, craignant les répercussions et les accusations iusraéliennes et de ses alliés occidentaux. Mais cette discussion s’imposera et façonnera la psyché collective palestinienne pour les générations à venir.
Elle sera probablement inscrite à jamais dans leur longue histoire.
Mais en toute indépendance, les Palestiniens ont déjà intériorisé l’importance de la résistance et ils s’en serviront pour se libérer d’un ennemi qui ne respecte aucune loi, n’adhère à aucune règle et dont le langage se limite à la force et à la violence.
Les Palestiniens, grâce à leur résistance singulière, se sont révélés imbattables et disposent de l’expérience nécessaire pour donner des leçons au reste du monde.
Auteur : Ramzy Baroud
* Dr Ramzy Baroud est journaliste, auteur et rédacteur en chef de Palestine Chronicle. Il est l'auteur de six ouvrages. Son dernier livre, coédité avec Ilan Pappé, s'intitule « Our Vision for Liberation : Engaged Palestinian Leaders and Intellectuals Speak out » (version française). Parmi ses autres livres figurent « These Chains Will Be Broken: Palestinian Stories of Struggle and Defiance in Israeli Prisons », « My Father was a Freedom Fighter » (version française), « The Last Earth » et « The Second Palestinian Intifada » (version française) Dr Ramzy Baroud est chercheur principal non résident au Centre for Islam and Global Affairs (CIGA). Son site web.
13 janvier 2025 – The Palestine Chronical – Traduction : Chronique de Palestine – Lotfallah
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