Khan al-Ahmar, en Cisjordanie occupée – Caché derrière une autoroute, Khan al-Ahmar est presque invisible.
Le village, qui abrite des bédouins palestiniens depuis plus de 60 ans, ne figure pas sur les cartes officielles.
Il est facile de le contourner sans s’en rendre compte.
Mais maintenant, Khan al-Ahmar est devenu très visible à la fois localement et internationalement – un symbole de ce qui se passe en Cisjordanie occupée.
Khan al-Ahmar se trouve dans la zone C de la Cisjordanie occupée qui est entièrement sous contrôle israélien.
Pour construire quoi que ce soit, les Palestiniens vivant dans la région ont besoin d’un permis très rarement délivré par les autorités israéliennes.
En 2009, les Palestiniens ont construit une école à Khan al-Ahmar avec l’aide de l’Italie. C’est la seule structure “permanente” du village. Mais c’est une exagération – l’école est une structure délabrée, tout comme le reste du village.
Dès qu’elle a été érigée, des Israéliens ont entamé un procès pour demander sa démolition. Après des années de bagarres juridiques, la Haute Cour israélienne s’est prononcée la semaine dernière en faveur de la démolition non seulement de l’école mais de tout le village.
Maintenant, ce village vieux de plusieurs décennies et qui n’a jamais été reconnu, sera démoli par Israël.
Actuellement, les habitants de Khan al-Ahmar sont dans l’expectative et l’angoisse, ne sachant pas quand les bulldozers viendront.
Sara Abu Dahuk, âgée de 40 ans, en fait partie. Elle est assise chez elle, une maison faite de tôle ondulée. Celle-ci ne semble pas pouvoir résister à une brise, sans parler des conditions du désert, mais cela a été le cas jusqu’à présent.
Sara est incertaine de son avenir et cela lui reste dans la tête toute la journée.
“Nous sommes vraiment fatigués. La vie a changé pour nous”, dit-elle.
“Nous avions l’habitude d’aller avec nos moutons et de nous en occuper, mais maintenant nous ne quittons même pas le village sauf en cas d’urgence. Je suis préoccupée par mes enfants. Quel est leur avenir ? Mon fils ne dort pas la nuit de peur des Israéliens. Chaque fois que je pense au jour où les Israéliens viendront, je ne sais pas comment je vais faire face ou ce que je devrais faire.”
Abu Dahuk a déjà un petit sac contenant les documents de la famille et d’autres papiers. Comme beaucoup d’autres, elle ne sait plus quoi emballer. C’est difficile à faire quand vous ne voulez pas quitter votre maison.
“L’attente est la chose la plus difficile”
Ne pas savoir quand les bulldozers viendront tout en sachant que la bataille sur le plan juridique a été perdue, a eu un effet sur le moral de cette communauté.
Nisreen, la fille de Abu Dahuk, âgée de 15 ans, voulait être enseignante mais ces plans sont maintenant en suspens.
“Nous allons dormir dans la crainte de voir les Israéliens arriver. Je ne sais même pas s’il y aura école le matin. L’attente est la chose la plus difficile.”
Malgré l’incertitude, le village essaie de garder sa routine.
La vie commence ici avec la première lumière du matin, lorsqu’un homme chante l’appel à la prière. Il n’y a pas de micro pour porter sa voix, juste le vent.
Un coq chante et les chevaux et les ânes se lèvent sur leurs jambes, secouant le sommeil de leurs corps. Mais pour combien de temps la routine va-t-elle pouvoir se poursuivre ? On ne sait.
Les Israéliens ont prévu une colonie juive, selon un plan connu sous le nom de E1 qui existe depuis 1994.
Ce plan E1 vise à étendre la colonie israélienne (illégale selon le droit international) de Maale Adumim. Les colons israéliens sont encouragés par le gouvernement à s’installer en Cisjordanie occupée.
Les colonies disposent de tous les services dont elles ont besoin : eau, gaz, Internet et, dans certains cas des routes privées traversant les terres palestiniennes.
En revanche, les habitants de villages tels que Khan al-Ahmar n’ont même pas accès aux services de base, se voient refuser les permis de construire, sont soumis au harcèlement des colons et sont régis non pas par un régime civil mais par le régime militaire israélien.
Alors qu’ils attendent les bulldozers, les habitants de Khan al-Ahmar savent que les machines vont rapidement détruire leurs maisons. Ils disent qu’ils vont les affronter quand ils viendront et les regards déterminés sur leurs visages suggèrent qu’ils le feront.
Mais il y a aussi un sentiment que le temps est écoulé, que ce n’est pas une question de “si”, mais de “quand”.
Le dernier combat que les habitants de Khan al-Ahmar vont mener ne consiste pas à sauver les structures délabrées qui les hébergent, mais à refuser de quitter ce village, le seul foyer qu’ils connaissent depuis plus de six décennies.
16 septembre 2018 – Al-Jazeera – Traduction : Chronique de Palestine