
Iman Ghoneeim Al-Ghoul, 9 ans - Photo : Mohammed Abu Mariam
Par Noor Abu Mariam
Les enfants sont dépouillés de leurs droits humains les plus élémentaires, menacés de mort par les bombardements ou par la famine.
Aujourd’hui à Gaza, le sac à dos des écoliers ne remplit plus la même fonction. Alors qu’autrefois, ils contenaient des livres, du papier à écrire, des crayons gris et des crayons de couleur, maintenant ils sont bourrés d’habits, d’aliments, et autres objets nécessaires à la survie en temps de génocide.
Parfois des enfants sont obligés d’utiliser leur cartable pour transporter les parties du corps de leurs frères et sœurs.
Leurs charges sont lourdes, et il n’y a pas d’école qui les attend au bout du chemin – seulement des camps de déplacés et la peur de la mort qui pourrait frapper à tout moment.
La menace de mort est très réelle pour les enfants de Gaza – à cause des bombardements ou de la faim.
Les enfants sont dépouillés de leurs droits humains les plus élémentaires. Ils font de longues queues pour remplir une boite de nourriture afin de lutter un peu plus longtemps contre les affres de la faim. Beaucoup aident leur famille en transportant de l’eau salée et de l’eau potable.
C’est un travail exténuant, et à des années-lumière de la vie confortable et remplie de chaleur d’enfants dans d’autres régions du monde.
Témoin de telles scènes quotidiennes dans le camp de déplacés où je me trouve, je me suis sentie obligée de les mettre par écrit.
J’ai demandé à certains enfants du camp de partager leur histoire et, s’ils le pouvaient, d’exprimer leurs sentiments par le biais d’un dessin. Ils ont répondu avec enthousiasme et passion, témoignant d’une nostalgie partagée pour leur maison tandis qu’ils vivaient dans des conditions les plus inimaginables.
Chaque enfant a une histoire différente à raconter, et chaque histoire est douloureuse. Les enfants se languissent de leurs proches et voisins qui sont coincés dans le nord du pays, et qui ne sont peut-être plus vivants.
Ils racontent des souvenirs heureux de jours merveilleux passés à la maison – de délicieux repas préparés par leur mère, d’événements joyeux, et de cadeaux attentionnés depuis longtemps enfouis sous les décombres.

Ruaa Mohammed Atwa, 13 ans – Photo : Mohammed Abu Mariam
Iman, 9 ans, a fait un dessin de sa vie avant le génocide, lorsqu‘elle prenait le bus pour aller et revenir de l’école.
Ruaa, 13 ans et toujours optimiste quant au retour chez elle dans le nord, même si elle ne sait pas si sa maison est encore debout, s’est dessinée dans sa rue chez elle, intégrant autour d’elle les destructions et les décombres.
Koon, 15 ans a perdu son père tué par une balle tirée par un quadricoptère. Elle a dessiné le camp dans lequel elle vit, les tentes fournies par les pays arabes, les espaces alentours et les enfants qui jouent dans la cour du camp.

Koon-Ali-Abu-Fahm, 15 ans – Photo : Mohammed Abu Mariam
Wadies, 10 ans, a été déplacée de Jabalia. Elle m’a dit que sa cousine Lama, qui a survécu à de multiples bombardements, lui manquait. Elle s’est dessinée avec Lama, et prie chaque jour pour la retrouver.
Je lui ai demandé des nouvelles de sa maison, si elle était toujours debout ou avait été détruite. « Elle a été effacée de la surface de la terre, » a-t-elle répondu avant de dessiner la maison pour montrer combien elle était belle.
Wadies demande : « N’avons-nous pas le droit, nous, de vivre en paix comme eux ? » en référence aux autres enfants qui vivent dans le monde extérieur au-delà de Gaza.

Wadies Awad Abed, 10 ans – Photo : Mohammed Abu Mariam
J’ai toujours beaucoup compati avec la plus jeune génération de Gaza en raison des épreuves auxquelles elle a été confrontée. Elle a déjà perdu une grande partie de son éducation à cause de la COVID 19.
La pandémie est venue s’ajouter à tous les défis imposés par la vie en état de siège, y compris les multiples opérations militaires israéliennes bien avant même que l’actuel génocide ne commence.
Maintenant, cette génération a perdu deux années d’étude supplémentaires. En outre, elle subit les effets des traumatismes, de la faim, et du déplacement forcé.
Toutefois, en tant que peuple de Gaza, nous refusons de nous soumettre à cette situation, malgré sa gravité. Beaucoup de jeunes mènent des initiatives éducatives dans différents domaines.
Ils sont convaincus qu’il est important d’améliorer la vie des enfants. En tant que Gazaouis nous croyons que l’éducation est un droit fondamental pour tous.
Aujourd’hui, nous ressentons une responsabilité collective de protéger l’éducation de nos enfants ; c’est la seule arme dont nous disposons face à l’occupation et au génocide. Si l’on permet que l’éducation de nos enfants soit éradiquée, les conséquences en seront considérables.
Je voulais contribuer à cet effort collectif pour rétablir une certaine éducation et j’ai rejoint la Gaza Great Minds School, initiative inspirante menée par de jeunes bénévoles dans tout Gaza.
Au cœur de ces bombardements, de cette tuerie, et destruction, les parents ont inscrit leurs enfants dans cette école pour leur donner accès à l’éducation, à des activités récréatives et à un soutien psychologique.
Notre équipe fait tout ce qu’elle peut pour procurer aux enfants une certaine éducation, et pour les aider à apprendre et à jouer, même dans ces circonstances exceptionnelles. Je travaille à promouvoir leurs efforts, tout en encourageant et motivant d’autres à se joindre à nous.
Les enfants palestiniens sont fiers et déterminés. Ils aiment tout ce qui ressemble à l’école. L’éducation compte pour eux et leurs yeux pétillent lorsqu’ils parlent de leurs aspirations pour l’avenir. Lorsque les enfants sont dans la tente « école », leur amour et leur persévérance éclipsent la guerre qui les entoure au dehors.
Quant à moi, fille de Gaza qui a vécu la guerre depuis le premier jour, je suis toujours en quête d’exutoires pour guérir de la douleur causée par ce que je vois jour après jour sous ce génocide.
L’écriture m’aide, et à travers mes mots, j’espère donner voix à d’autres qui traversent ces horreurs – spécialement les enfants.
Nous avons tous besoin de guérir, et ce besoin sera toujours là bien quand cette guerre sera finie.
Les souvenirs de destruction, la peur, et les deuils nous hanteront dans le silence qui suivra – nos cœurs et nos esprits sà jamais secoués par l’écho des explosions, les cris des êtres chers, et la terrifiante incertitude planant sur nous.
Ce sont nos enfants qui portent les blessures les plus profondes. Cela est évident à chaque fois qu’ils se réveillent au milieu de la nuit, hurlant en proie à des cauchemars, ou quand ils tressaillent aux bruits violents.
Certains ont perdu l’usage de la parole, tandis que d’autres refusent de quitter leur tente de peur de perdre le peu qu’il leur reste. Le poids du chagrin et de la peur pèse lourd sur les plus petites épaules.
Auteur : Noor Abu Mariam
* Noor Abu Mariam est étudiante en administration des affaires à l'université Al-Azhar de Gaza, avec une spécialisation en anglais. Elle est contributrice à We Are Not Numbers.En tant que Palestinienne, elle s'efforce d'utiliser l'écriture comme un outil puissant pour partager son histoire avec le monde, cherchant à mettre en lumière les expériences et la résilience de sa communauté à Gaza.
1 avril 2025- WANN – Traduction: Chronique de Palestine – MJB
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