Par Addameer
À la fin de l’année 2022, les forces d’occupation israéliennes ont kidnappé au total environ 7000 Palestiniens dans les territoires palestiniens occupés, le mois d’avril 2022 ayant enregistré le plus grand nombre d’enlèvements, soit 1228 cas, suivi des mois de mai et d’octobre 2022, avec 690 cas.
Le nombre de Palestiniens arrêtés à Jérusalem occupée est resté le plus élevé parmi les autres villes palestiniennes, avec plus de 3000 cas d’arrestation, dont 600 cas d’assignation à résidence. En particulier, quelque 106 Palestiniens de la bande de Gaza ont été arrêtés, dont 64 pêcheurs gazaouis.
L’année 2022 a été marquée par un recours sans précédent des autorités d’occupation israéliennes d’occupation à la détention administrative pour détenir indéfiniment des Palestiniens sans inculpation ni procès équitable sur la base d’« informations secrètes », avec l’émission d’environ 2409 ordres de détention administrative au cours de la seule année 2022, y compris de nouveaux ordres et des ordres de renouvellement.
Avec le vote de la Knesset israélienne pour ratifier leur 37e gouvernement, le 29 décembre 2022, sous la direction du Premier ministre Benjamin Netanyahu, le nouveau gouvernement s’est apidement consacré, dans sa vision ultranationaliste, à la poursuite des politiques qui rendent évident le maintien de la domination et de l’oppression raciale sur le peuple palestinien – la nationalité juive israélienne conférant des droits exclusifs d’autodétermination au peuple juif.
Ces politiques comprennent l’expansion des activités de colonisation illégales et la légalisation des avant-postes construits illégalement, l’affaiblissement de l’autorité judiciaire, et une augmentation meurtrière de la brutalité policière et des raids militaires.
En conséquence, selon le ministère palestinien de la Santé, au 30 janvier 2023, les forces d’occupation israéliennes ont tué 35 Palestiniens, dont huit enfants et 20 Palestiniens de la seule ville de Jénine.
Ce récent rapport couvre l’impact du nouveau gouvernement de la puissance occupante sur le Mouvement des prisonniers palestiniens de décembre 2022 à janvier 2023.
Dans le court laps de temps qui s’est écoulé depuis l’arrivée au pouvoir de la coalition de Netanyahu, un certain nombre de développements clés se sont produits qui démontrent la position extrémiste des autorités d’occupation israéliennes envers les prisonniers politiques palestiniens incarcérés et retenus en captivité par l’État d’Israël.
Ces développements laissent également présager les mesures hostiles du nouveau gouvernement à l’égard des prisonniers palestiniens, avec des actions entreprises au mois de janvier ouvrant la voie à de nouvelles violations des droits des prisonniers et détenus palestiniens et à l’assujettissement et l’oppression du peuple palestinien dans son ensemble.
Après l’opération « Tunnel de la liberté »
Au cours de la seconde moitié de l’année 2021, après les événements de l’opération « Tunnel de la liberté », au cours de laquelle six prisonniers palestiniens se sont libérés de la prison de Gilboa, un comité israélien spécial a été formé pour faire face aux conséquences de cette opération.
L’une des recommandations les plus importantes de ce comité était que les prisonniers, en particulier ceux condamnés à perpétuité, soient continuellement transférés depuis les cellules, sections et prisons après un certain temps.
Plus précisément, le comité a décrété qu’un prisonnier ne devait pas rester dans la même cellule pendant plus de six mois, dans la même section de la prison pendant plus d’un an et dans la même prison pendant plus de trois ans.
En outre, le comité a recommandé que les prisonniers du Jihad islamique soient enfermés dans plusieurs cellules de différentes sections afin de supprimer les capacités essentielles et l’infrastructure opérationnelle de l’organisation.
Ce transfert continu et cette restriction de mouvement ont été catégoriquement rejetés par les prisonniers palestiniens. Les prisonniers palestiniens ont formé un comité d’urgence en signe de protestation – et après avoir menacé d’une grève de la faim massive, le comité a conclu un accord avec les services pénitentiaires israéliens pour mettre fin à ces mouvements et à ces mesures arbitraires.
Le nouveau gouvernement israélien cherche à revenir à la politique de mouvement continu telle qu’appliquée lors des quatre semaines précédentes de transferts de prisonniers, dénonçant ainsi à l’accord conclu par le comité d’urgence.
Débauche répressive à l’égard des prisonniers
Le 5 janvier 2023, Itamar Ben-Gvir, le tout nouveau ministre de la Sécurité nationale, a visité la prison de Nafha, dans le territoire palestinien occupé, dans la zone désertique du sud-est. La visite de Ben-Gvir avait pour but de démontrer ses plans ultranationalistes visant à cibler les prisonniers politiques palestiniens et à mettre en œuvre des mesures punitives encore plus importantes à leur encontre.
Dans une déclaration faisant suite à sa visite, Ben-Gvir a écrit : « J’ai visité la prison de Nafha hier, suite à la construction de nouvelles cellules, pour m’assurer que ceux qui ont assassiné des Juifs ne recevraient pas de meilleures conditions de détention que celles qui s’appliquent déjà. Je continuerai à m’occuper des conditions d’incarcération des prisonniers tout en visant à… faire passer la loi sur la peine de mort pour les terroristes. »
Notamment, à la suite de la visite de Ben-Gvir, 80 prisonniers palestiniens ont été transférés de la prison de Hadarim à la prison de Nafha entre le 8 et le 9 janvier 2023 – vidant la prison de Hadarim de tous les prisonniers politiques palestiniens.
Leur transfert forcé aurait été extrêmement dur et dégradant, avec une fouille à nu complète de chaque personne et l’interdiction d’emporter des effets personnels. Les prisonniers qui refusaient d’être transférés étaient punis par une mise à l’isolement pendant quelques jours avant d’être transférés de force.
Ces peines collectives et de représailles violent l’interdiction absolue, en droit international coutumier, de punir collectivement des personnes protégées en territoire occupé, telle qu’elle est consacrée par l’article 33(1) de la Quatrième Convention de Genève.
En réponse au transfert des prisonniers et à la visite de Ben-Gvir, Hassan Abed Rabbo – représentant de la Commission palestinienne des affaires des détenus et anciens détenus – a expliqué que « la situation à [Nafha] au cours des deux dernières semaines a été terrible. Le transfert de ces prisonniers est une attaque contre leur vie ».
Le 8 janvier 2023, Ben-Gvir a également annoncé qu’il prévoyait d’annuler la réglementation autorisant les membres de la Knesset à rencontrer les prisonniers palestiniens dans les prisons de l’occupation israélienne.
Selon cette annonce, Ben-Gvir a l’intention de revenir aux anciennes procédures où seul un membre de chaque parti est autorisé à rendre visite aux prisonniers – les visites étant effectuées sous la stricte supervision du service pénitentiaire israélien.
Selon ses propres termes : « Je pense que ces rencontres de membres de la Knesset avec des prisonniers de sécurité sont destinées à donner un coup de pouce aux prisonniers, et qu’elles peuvent conduire à l’incitation et à la promotion de la propagande terroriste. Le temps est venu d’y mettre un terme. Sous ma surveillance, je n’autoriserai pas les visites qui soutiennent et incitent au terrorisme. »
Le 5 janvier 2023, les autorités d’occupation israéliennes ont libéré Karim Younis, le plus ancien prisonnier politique continu, après 40 ans d’incarcération. Deux semaines plus tard, le prisonnier politique palestinien Maher Younis – le cousin de Karim – a également été libéré de prison. Maher et Karim Younis sont tous deux nés à Wadi A’ra, dans les territoires occupés de 1948, et possèdent la citoyenneté israélienne.
Après la libération de Karim Younis, Itamar Ben-Gvir a ordonné aux forces de l’ordre d’empêcher les rassemblements en faveur du retour de Younis, déclarant que « tant que le gouvernement n’aura pas adopté une loi imposant la peine de mort aux terroristes, je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour qu’ils sortent de prison dans la honte ».
Actuellement, il y a 23 prisonniers politiques palestiniens arrêtés avant les accords d’Oslo en 1993, que les autorités d’occupation israéliennes refusent de libérer en toutes circonstances, même dans le cadre d’accords d’échange de prisonniers, jusqu’à la fin de leur peine.
En outre, le 11 janvier 2023, une proposition de loi visant à révoquer la citoyenneté ou la résidence israélienne des prisonniers palestiniens des territoires occupés de 1948 et de Jérusalem a franchi l’étape de la lecture préliminaire par la Knesset israélienne. La législation s’applique à la fois aux citoyens israéliens et aux résidents permanents incarcérés à la suite d’une condamnation pour « terrorisme ».
Archarnement contre le prisonnier franco-palestinien Salah Hammouri
Cette décision fait suite à l’expulsion forcée et illégale par les autorités d’occupation israéliennes de l’avocat des droits de l’homme franco-palestinien et ancien prisonnier politique Salah Hammouri, qui a été exilé en France après avoir été révoqué de sa résidence permanente à Jérusalem sur la base de vagues allégations de « rupture d’allégeance ».
Une telle mesure constitue un crime de guerre, à savoir l’expulsion forcée d’un civil protégé du territoire occupé, tel que défini à l’article 49 de la Quatrième Convention de Genève.
Plus important encore, la révocation de la résidence et/ou de la citoyenneté constitue une escalade extrêmement inquiétante de la pratique systématique d’ « ingénierie démographique » et de nettoyage ethnique du peuple palestinien par Israël.
Transferts forcés
Le 15 janvier 2023, 70 prisonniers ont été transférés de la section 8 de la prison de Magiddo à la prison de Gilboa de manière répressive, arbitraire et soudaine.
Située dans le nord des territoires palestiniens occupés en 1948, la prison de Gilboa – un établissement de haute sécurité – a été construite en 2004 à côté de la prison de Shatta, dans la région de Beesan.
Le lendemain, le 16 janvier 2023, les forces d’occupation israéliennes ont fait irruption dans la prison de Magiddo avec des armes et des chiens militaires pour transférer de force des prisonniers du Jihad islamique.
De même, le 16 janvier 2023, des personnes incarcérées à la prison de Naqab ont paralysé une partie de l’établissement pour protester contre le transfert de prisonniers au sein même de l’institution.
En outre, des protestations ont eu lieu contre l’isolement de Zafer Al-Rimawi, l’oncle des deux martyrs Jawad et Zafer Al-Rimawi, qui ont été tués par les forces d’occupation israéliennes le 29 novembre 2022.
Le 22 janvier 2023, 35 prisonniers ont été transférés arbitrairement de la prison de Rimon à celle de Gilboa, et 25 autres prisonniers devraient être transférés le lendemain.
Le transfert de prisonniers entre les prisons constitue une stratégie visant à affaiblir et à déstabiliser l’unité et les efforts des Palestiniens pour protester contre leurs conditions de détention injustes et arbitraires – facilitant ainsi le contrôle des prisonniers existants et nouveaux par le régime d’occupation et d’apartheid israélien.
Plus récemment, le 28 janvier 2023, les unités spéciales israéliennes ont effectué des raids à Ofer, Naqab, et Magiddo, imposant des transferts internes de prisonniers et plaçant certains prisonniers en isolement collectif et individuel.
Les descentes dans les prisons par les unités spéciales israéliennes, qui sont extrêmement violentes par nature, donnent lieu à une foule d’abus et de violations des droits de l’homme et servent de méthode de punition collective, de torture et de mauvais traitement des prisonniers et détenus palestiniens.
Le détenu administratif palestinien Bilal Kayed, détenu arbitrairement sans inculpation ni procès depuis le 28 août 2022 à la prison de Magiddo, a informé Addameer que les services pénitentiaires israéliens de la prison de Magiddo ont officiellement informé les prisonniers de la mise en place d’une série de changements de procédure sanctionnés par les autorités d’occupation israéliennes « supérieures » afin de restreindre les activités quotidiennes des prisonniers palestiniens.
Sadisme dans le détail des mesures de punition collective
Il convient de noter que ces mesures, bien qu’elles n’aient pas encore été mises en œuvre, comprennent les éléments suivants :
- Le transfert forcé des prisonniers tous les trois mois de leurs cellules désignées sans avis préalable ou consentement de leurs représentants de la prison.
- Des changements dans les types de produits disponibles à la cantine.
- La limitation des visites familiales à une demi-heure par mois.
- Limitation du temps libre/de la cour à une heure par jour.
- Suppression du comité des représentants des détenus.
- Séparation des membres de la famille du détenu, qui ne seront pas regroupés dans la même prison ou dans les mêmes pièces. De plus, le lieu de résidence familial du détenu ne sera pas pris en compte dans le choix de son lieu d’incarcération.
- Interdire aux détenus de se rassembler dans les sections et les cellules à des fins d’organisation.
- Accrocher le drapeau israélien dans chaque cellule de la prison.
- La fouille répétée et complète des cellules de la prison afin de confisquer les « objets de contrebande », en particulier les téléphones qui sont entrés “illégalement” dans la prison.
En plus des restrictions imposées à la prison de Magiddo, les services pénitentiaires israéliens de la prison de Rimon ont également informé les prisonniers palestiniens que des changements similaires étaient imminents – bien que le contenu de ces changements n’ait pas été révélé.
Ces mesures arbitraires et punitives ont pour but de restreindre les mouvements et les communications des prisonniers et de les isoler davantage du monde extérieur. De plus, ces mesures ont un impact direct sur les visites des familles des prisonniers, en mettant en place des conditions de visite plus dures et en limitant d’une façon gnérale la possibilité de visites familiales.
Les femmes prisonnières
Des prisonnières palestiniennes incarcérées à la prison de Damon ont rapporté à l’avocat d’Addameer, lors d’une visite de la prison le 19 janvier 2023, que des changements notables se sont produits concernant les gardiens de prison israéliens, les agents de sécurité et de renseignement de la prison de Damon.
Le contrôle quotidien des cellules, qui était auparavant effectué uniquement par des gardiennes de prison, est désormais effectué par des gardiennes de prison accompagnées de gardiens de prison masculins.
Notamment, les services pénitentiaires israéliens de la prison de Damon ont récemment interdit l’entrée de lunettes médicales sous prétexte qu’elles contiennent du métal.
En outre, aucun développement n’a eu lieu concernant les enfants de moins de six ans qui visitent la prison de Damon afin de leur permettre d’étreindre leur mère pour les embrasser leur mère.
Plus récemment, le 29 janvier 2023, les unités spéciales israéliennes ont fait une descente dans la section des femmes, confisquant tous les équipements électroniques et fermant complètement la section, isolant les prisonnières du monde extérieur, et détenant une prisonnière en isolement.
Addameer ne dispose donc d’aucune information sur les conditions de vie des prisonnières. Au total, il y a 31 prisonnières palestiniennes, 29 incarcérées dans des conditions difficiles à la prison de Damon, dont trois mineures, et deux femmes détenues arbitrairement en attente de jugement.
Les mesures à grande échelle adoptées par les services pénitentiaires israéliens, sur ordre des autorités d’occupation israéliennes, concernant les mesures de rétorsion et de punition et visant l’ensemble des plus de 4700 prisonniers politiques palestiniens – en liaison avec le transfert massif de prisonniers palestiniens -, constituent des formes évidentes de punition collective.
Plus précisément, la détention massive de prisonniers palestiniens en tant que personnes protégées sur le territoire de la puissance occupante viole également l’article 49 de la Quatrième Convention de Genève et constitue un crime de guerre de « transfert forcé » selon le Statut de Rome de la Cour pénale internationale.
Ainsi, Addameer souligne avec une grande inquiétude l’escalade des mesures arbitraires et punitives mises en œuvre par les autorités d’occupation israéliennes contre les prisonniers politiques palestiniens. Les événements actuels sur le terrain ne font que refléter ce à quoi on peut s’attendre à l’intérieur des prisons.
Par conséquent, le Mouvement des prisonniers palestiniens affirme que toute mesure affectant la vie quotidienne et organisationnelle des prisonniers palestiniens dans les prisons de l’occupation israélienne ne sera accueillie que par des protestations organisées et collectives à partir du mois de mars si le régime d’occupation et d’apartheid israélien poursuit son approche hostile et répressive.
Aujourd’hui plus que jamais, la communauté internationale doit assumer ses responsabilités en vertu du droit international et respecter son engagement légal et moral à réclamer et à encourager la protection des droits humains des Palestiniens, dans le cadre plus large du droit à l’autodétermination.
Auteur : Addameer
* ADDAMEER (mot arabe signifiant la « conscience ») Prisoner Support and Human Rights Association, est une institution civile non gouvernementale palestinienne qui œuvre en faveur des prisonniers politiques palestiniens détenus dans les prisons israéliennes et palestiniennes. Créé en 1991 par un groupe de militants motivés par la question des droits de l'homme, le centre offre une aide juridique gratuite aux prisonniers politiques, défend leurs droits au niveau national et international, et s'efforce de mettre fin à la torture et aux autres violations des droits des prisonniers par le biais d'une surveillance, de procédures juridiques et de campagnes de solidarité.Le compte twitter.
31 janvier 2023 – Addameer – Traduction : Chronique de Palestine