En installant leur pantin à la présidence du Liban, les États-Unis espèrent déclencher une guerre civile

Octobre 2024 - Ambulance du Croissant Rouge libanais, détruite dans un bombardement israélien. L'escalade des attaques militaires de l'armée israélienne contre les civils et les zones résidentielles au Liban, en particulier dans les régions du Sud et de la Bekaa, ainsi que l'émission d'ordres d'évacuation, ont provoqué de grands mouvements de population - Photo : via EuroMed Monitor

Par Abdel Bari Atwan

L’installation d’un nouveau président au Liban s’inscrit dans le cadre d’un projet plus vaste pour la région, écrit Abdel Bari Atwan.

L’attribution de la présidence du Liban au général Joseph Aoun, jeudi, a confirmé la tutelle des États-Unis sur le pays, l’influence de leurs alliés arabes et la soumission d’une grande partie de la classe politique libanaise corrompue aux deux, en particulier dans leur objectif de forcer le Hezbollah à abandonner la résistance armée à Israël et à se transformer en un simple parti politique libanais parmi d’autres.

On ne peut guère parler d’élections démocratiques lorsqu’il n’y avait qu’un seul candidat, le commandant de l’armée. La démocratie implique la libre concurrence et non la soumission à des diktats étrangers.

On ne peut pas non plus parler de souveraineté lorsque la liste des invités au vote parlementaire était complétée par l’ambassadrice des États-Unis, en sa qualité d’organisatrice de l’événement et de dirigeante de facto du pays.

Ce que de nombreux Libanais ont célébré comme un rassemblement national était l’aboutissement d’un plan américano-israélien calculé qui a été mis en œuvre par étapes. Il a commencé par l’affaiblissement du peuple libanais en détruisant son économie, en volant ses économies, en effondrant sa monnaie et en saccageant son système bancaire, autrefois si réputé.

Si des félicitations s’imposent, ce n’est pas au parlement libanais ou à la plupart de ses membres, mais à l’envoyé américain et vétéran de l’armée israélienne Amos Hochstein.

Ses multiples visites au Liban, dont le premier succès a été la désastreuse démarcation de la frontière maritime qui a attribué à Israël le bloc de Karish riche en hydrocarbures, ont préparé le terrain pour ce résultat avec l’aide de certaines forces anti-résistance au Liban.

Hochstein a tendu le piège et supervisé le processus de capture au service du projet sioniste dans la région, en commençant par le foyer du plus puissant de ses mouvements de résistance.

La mise en œuvre de ce plan américano-israélien contre le Liban a commencé il y a quelques mois avec la guerre génocidaire qui a délibérément ciblé la base de soutien civile de la résistance en bombardant des villages du sud du Liban, la banlieue sud de Beyrouth et la région de la Bekaa.

Cette guerre a été « couronnée » par le cessez-le-feu conclu un jour avant la prise d’Alep, de Hama, de Homs, puis de Damas, et le renversement du régime syrien, principal canal de soutien de la résistance par l’Iran, source de son pouvoir et de ses armes.

Les célébrations mises à part, nous pouvons prévoir ce que l’avenir nous réserve en lisant les lignes du discours que M. Aoun a prononcé après avoir prêté serment.

Tout d’abord, il a affirmé le droit de l’État libanais au monopole des armes. En pratique, cela signifie que le rêve sioniste/américain de désarmer la résistance libanaise se réalise. Cela ne peut se faire que de manière volontaire ou par le biais d’une confrontation militaire. Ce qui signifie qu’une crise se profile à l’horizon au Liban. (Aoun n’a pas prononcé le mot « résistance » dans son discours, ni fait référence à ses sacrifices ou l’a remerciée d’avoir libéré le sud).

Deuxièmement, M. Aoun a insisté sur le fait que les camps palestiniens seraient désarmés et placés sous le contrôle de l’armée, et que la réinstallation des réfugiés palestiniens serait empêchée (soi-disant pour protéger leur droit au retour). Les camps ne peuvent être désarmés qu’en les investissant par la force. Cela signifie que d’autres problèmes sont à venir.

Troisièmement, M. Aoun a appelé à la discussion d’une stratégie de défense globale pour permettre à l’armée libanaise de mettre fin à l’occupation israélienne du territoire libanais.

Il y a là un paradoxe majeur. Comment une armée qui n’a pas pu se défendre contre le dernier assaut israélien qui a tué plusieurs de ses membres, qui est payée par les Etats-Unis et qui n’a pas pu empêcher la destruction d’autres villages du sud même après la signature du cessez-le-feu (qu’Israël a depuis violé 395 fois, causant la mort de 40 Libanais) peut-elle mettre fin à l’occupation ?

Le nouveau président libanais a eu beau promettre de ne pas accorder d’immunité aux personnes corrompues ou criminelles, comment peut-il le faire alors que la plupart des citoyens libanais n’ont pas d’autre choix que de s’en remettre à la justice ? Mais comment peut-il le faire alors que la plupart de ses « électeurs » sont des corrompus et des voleurs de fonds publics, et qu’une grande partie d’entre eux bénéficient de la protection des États-Unis et de la France ?

On ne peut s’empêcher de se demander si l’ONU et Israël auraient pu obtenir tous ces résultats si Hasan Nasrallah était encore en vie, si le Hezbollah était à son maximum et si la plupart de ses dirigeants de premier plan n’avaient pas été assassinés – et si certains dirigeants du régime libanais n’avaient pas conspiré contre lui.

Avant que certains ne m’accusent, comme d’habitude, de bellicisme, il n’est peut-être pas inutile de rappeler aux acolytes arabes des États-Unis, pour la énième fois, qu’ils n’ont aucun respect pour eux ni pour les promesses qu’ils leur font. Ils utilisent tous leurs pouvoirs et toutes leurs capacités pour soutenir Israël et ses plans d’expansion.

Il suffit de demander aux signataires des accords de Camp David, d’Oslo et de Wadi Arba où ils en sont aujourd’hui, 30 à 50 ans plus tard.

Demandez également aux Libyens, aux Soudanais, aux Irakiens et à certains Yéménites qui ont compté sur les promesses américaines.

Et voyez comment le Liban, et tous les États arabes qui se sont soumis à l’hégémonie américaine, croulent sous les dettes qu’ils n’ont pour la plupart plus les moyens d’honorer, et encore moins de rembourser.

Avec la profusion de poignards brandis, le monde arabe traverse une phase sombre et lugubre. Mais il en sortira inévitablement, que ce soit à plus ou moins long terme.

10 janvier 2024 – Raï al-Yaoum – Traduction : Chronique de Palestine

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