Par Asma Barakat
Quelques heures après avoir réalisé un reportage en direct pour Al Jazeera, le journaliste Ismail al-Ghoul et le caméraman Rami al-Rifi ont été pris pour cible et tués par une frappe aérienne israélienne dans le camp de réfugiés d’al-Shati, dans le nord de la bande de Gaza.
Leur assassinat porte à 165 le nombre total de journalistes tués depuis le début du génocide, selon le bureau des médias du gouvernement de Gaza. Quatre d’entre eux étaient des correspondants d’Al Jazeera.
Les reporters se trouvaient au moment de l’attaque près de la résidence en ruines du responsable politique du Hamas , Ismail Haniyeh, et faisaient un reportage sur son assassinat en Iran.
L’attaque a également tué un enfant, Khaled Saed al-Shawa, qui circulait à vélo à travers les décombres du camp de réfugiés. al-Shawa était fils unique. Israël a tué plus de 15 000 enfants palestiniens à Gaza. Ce chiffre pourrait être bien plus élevé, comme l’estime The Lancet.
Des images de la scène de l’attaque sont devenues virales, montrant l’état de la voiture des journalistes et des cadavres. Des images corroborées par des témoins oculaires montrent que M. al-Ghoul a été décapité par l’impact de l’attaque.
Dans une émission émouvante diffusée sur Al Jazeera, la journaliste Hind al-Khoudary a déclaré qu’il était déchirant de parler de ses collègues.
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Interrogée sur les mesures de sécurité qu’un journaliste de Gaza doit prendre lors de ses reportages, Hind al-Khoudary a répondu en pleurant : « Nous faisons tout. … Mais nous avons été pris pour cible dans des endroits normaux où se trouvent des citoyens normaux ».
Al-Ghoul, dont la voix et la présence nous ont portés tout au long de ces dix derniers mois de dévastation extrême, avait décidé de rester seul dans le nord de Gaza, séparé de sa famille.
Après l’invasion de la bande de Gaza, al-Ghoul et al-Rifi ont joué un rôle clé en fournissant au monde des informations, des images et un contexte sur le génocide et la famine provoqués par les Israéliens.
Comme tous les travailleurs des médias assassinés avant eux, l’héritage d’Al-Ghoul et d’Al-Rifi parle de lui-même. Leur détermination leur a coûté le prix ultime et leur sacrifice témoigne de la solidarité et de l’altruisme qui sont naturels chez les journalistes palestiniens.
En mars 2024, al-Ghoul a été l’une des personnes prises en otage par les forces israéliennes d’occupation à l’hôpital al-Shifa, où il a été détenu pendant 12 heures et sévèrement battu.
Même après avoir été pris pour cible et torturé, al-Ghoul n’a jamais faibli et est resté dévoué à sa mission de journaliste. Dans les deux cas, celui de sa détention arbitraire et celui de son assassinat, al-Ghoul travaillait et portait son gilet de presse, à la vue de tous.
À Gaza, un gilet de presse est davantage une cible qu’un bouclier protecteur. Le collègue d’Al-Ghoul, Anas al-Sharif, a souligné que le gilet de presse ne protégeait ni Ismail, ni Rami, ni aucune autre équipe de journalistes tuée par Israël.
« Ce gilet est couvert du sang et des restes d’Ismail, qu’est-ce qu’Ismail a fait ? Il a rendu compte de la situation ? De la souffrance des gens ? »
La Fédération internationale des journalistes a indiqué que 2023 était l’année la plus meurtrière pour les journalistes depuis plus de deux décennies, désignant le début du génocide à Gaza comme un marqueur de la « montée en flèche » du nombre de morts. La fédération a également décrit le monde arabe, en particulier la Palestine, comme la région la plus meurtrière pour les journalistes.
Al Jazeera Media Network a déclaré que le meurtre de ses reporters était un « assassinat ciblé » et un « assassinat de sang-froid ». Ils ont également rapporté que le chef du bureau gouvernemental des médias à Gaza a déclaré que les Israéliens savaient qui étaient les deux journalistes avant de les « exécuter d’une manière odieuse et barbare ».
Mohamed Moawad, directeur de la rédaction de la chaîne Al Jazeera, a rendu hommage à M. al-Ghoul en écrivant sur X : « Ismail était réputé pour son professionnalisme et son dévouement, attirant l’attention du monde sur les souffrances et les atrocités commises à Gaza, en particulier à l’hôpital Al-Shifa et dans les quartiers nord ».
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Il a ajouté : « Sans Ismail, le monde n’aurait pas vu les images dévastatrices de ces massacres. Ismail était un journaliste déterminé qui a refusé de succomber à la faim, à la maladie et à la perte de son frère. Sa voix a été réduite au silence et il n’est plus nécessaire d’appeler le reste du monde. Ismail a rempli sa mission auprès de son peuple et de sa patrie. Honte à ceux qui ont abandonné à leur sort les civils, les journalistes et l’humanité ».
À Gaza, les journalistes ont l’habitude de rendre compte de la situation du moment jusqu’à ce qu’ils fassent la une des journaux. Quelques heures à peine après avoir couvert l’assassinat de Haniyeh, al-Ghoul et al-Rifi sont devenus eux-mêmes des martyrs.
Les Palestiniens du monde entier pleurent la perte dévastatrice de ces deux héros. Pourtant, les journalistes de Gaza promettent qu’ils continueront à couvrir la vérité et à dénoncer les atrocités commises par Israël.
« Nous continuerons à faire des reportages jusqu’à ce que le dernier journaliste reste debout », déclare Wadea Abu al-Saoud, journaliste à Gaza.
Auteur : Asma Barakat
* Asma Barakat est la co-créatrice d'une archive d'histoire orale intitulée « Rooted in Palestine ». Asma est titulaire d'une maîtrise en sociologie de la New School et d'une licence en sciences politiques de l'université d'État de Montclair.
31 juillet 2024 – Palestine Studies – Traduction : Chronique de Palestine