« Israël » : dans l’attente de la guerre civile

18 mars 2025 - Jérusalem - Les forces coloniales israéliennes ont violemment attaqué des manifestants, blessant plusieurs personnes, lors d'une manifestation contre le génocide et les nouveaux bombardements à Gaza qui ont tué des centaines de Palestiniens en une nuit. Des pancartes sur lesquelles était écrit le mot « génocide » ont été immédiatement confisquées par des policiers israéliens - Photo : Avishay Mohar / Activestills

Par Ramzy Baroud

Une guerre civile se profile-t-elle à l’horizon ? Le conflit entre les Juifs ashkénazes et séfarades et l’avenir de l’État génocidaire.

L’expression « guerre civile » est l’un des termes les plus utilisés par le personnel israélien aujourd’hui. Ce qui n’était au départ qu’un simple avertissement lancé par le président israélien Isaac Herzog est désormais une possibilité acceptée par une grande partie de la société politique israélienne.

« (Le Premier ministre israélien Benjamin) Netanyahu est prêt à tout sacrifier pour sa survie, et nous sommes plus proches d’une guerre civile que les gens ne le pensent », a déclaré l’ancien Premier ministre israélien [et criminel de guerre] Ehud Olmert dans une interview accordée au New York Times le 24 mars.

On suppose que la guerre civile si redoutée reflète la polarisation politique en Israël : deux groupes divisés par des opinions tranchées sur la guerre, le rôle du gouvernement, le pouvoir judiciaire, les allocations budgétaires et d’autres questions.

Cependant, cette hypothèse n’est pas forcément exacte. Les nations peuvent être divisées selon des lignes politiques, mais les manifestations de masse et la répression n’indiquent pas nécessairement qu’une guerre civile est imminente.

Bientôt une guerre civile en Israël ? Alors que le meilleur gagne !

Dans le cas d’Israël, cependant, les références à la guerre civile découlent de son contexte historique et de sa composition socio-ethnique.

Un rapport de la CIA, important mais largement ignoré, intitulé « Israël : la confrontation sépharade-ashkénaze et ses implications », est presque prophétique dans sa capacité à détailler les scénarios futurs d’un pays avec de profondes divisions socio-économiques et, par conséquent, politiques.

Le rapport a été préparé en 1982, mais n’a été publié qu’en 2007. Il a suivi les élections de 1981, lorsque le parti Likoud, dirigé par [le défunt criminel de guerre] Menahem Begin, a remporté 48 sièges à la Knesset, et que le [défunt criminel de guerre] travailliste Shimon Peres en a remporté 47.

Pendant des décennies, les juifs ashkénazes (occidentaux) ont dominé tous les aspects du pouvoir en Israël. Cette domination est logique : le sionisme est essentiellement une idéologie colonialiste occidentale, et tous les éléments de l’État – militaire (Haganah), parlementaire (Knesset), colonial (Agence juive) et économique (Histadrout) – étaient largement composés de classes juives d’Europe occidentale.

Les juifs séfarades et mizrahim, [ensemble hétéroclite de] descendants d’arabes du Moyen-Orient, sont arrivés en Israël principalement après sa création sur les ruines de la Palestine historique.

À cette époque, les Ashkénazes avaient déjà établi leur domination, contrôlant les institutions politiques et économiques israéliennes, parlant les langues prédominantes et prenant les décisions importantes.

La victoire électorale de Begin en 1977, puis en 1981, fut le résultat d’une lutte difficile et ardue contre la domination ashkénaze.

Le Likoud, une coalition de plusieurs factions de droite, avait été créé quatre ans plus tôt. En faisant appel aux griefs de groupes idéologiques et ethniques marginaux et en les manipulant, le Likoud réussit à évincer du pouvoir le Parti travailliste dominé par les Ashkénazes.

Les élections de 1981 ont été la tentative désespérée du Parti travailliste pour reprendre le pouvoir, et donc la domination de classe.

La scission idéologique presque parfaite n’a toutefois fait que mettre en évidence la nouvelle règle qui régirait Israël pendant de nombreuses élections – et des décennies à venir – où la politique israélienne a été dominée par des critères ethniques : Est contre Ouest, fanatisme religieux contre extrémisme nationaliste, bien que souvent masqué sous le terme de « libéral », etc.

Depuis lors, Israël a géré ou, plus exactement, fabriqué des crises extérieures pour faire face à ses divisions internes. Par exemple, la guerre de 1982 au Liban a contribué, du moins pendant un certain temps, à détourner l’attention de la dynamique sociale changeante d’Israël.

Bien que Begin et ses partisans aient remodelé la politique israélienne, la domination profondément enracinée des institutions dirigées par les Ashkénazes a permis aux libéraux occidentaux de continuer à contrôler l’armée, la police, le Shin Bet et la plupart des autres secteurs.

La résurgence politique sépharade s’est principalement concentrée sur le peuplement des colonies [toutes illégales au regard du droit international] d’Israël dans les territoires occupés et sur l’augmentation des privilèges et du financement des institutions religieuses.

Il a fallu près de deux décennies après la victoire de Begin en 1977 pour que le groupe sépharade étende son pouvoir et établisse sa domination sur les principales institutions militaires et politiques.

La coalition de Netanyahu en 1996 a marqué le début de son ascension en tant que premier ministre le plus ancien d’Israël et le début de la formation de coalitions avec les alliances sépharade et mizrahim.

Bientôt une guerre civile israélienne ?

Pour conserver ce nouveau pouvoir, le noyau politique du Likoud a dû changer, car la représentation séfarade et mizrahie a augmenté de façon exponentielle au sein du parti désormais dominant en Israël.

S’il est exact de dire que Netanyahu a depuis lors dirigé la politique israélienne en manipulant les griefs des groupes socio-économiques, religieux et ethniques défavorisés, le changement fondamental en Israël, prédit à juste titre dans le document de la CIA, était susceptible de se produire, compte tenu de la dynamique propre au pays.

Netanyahu et ses alliés ont accéléré la transformation d’Israël. Pour marginaliser définitivement le pouvoir ashkénaze, ils devaient prendre le contrôle de toutes les institutions qui avaient été largement dominées par les juifs européens, en commençant par modifier le système de contrôle et d’équilibre qui existait en Israël depuis sa création.

La bataille en Israël a précédé le génocide israélien à Gaza. Elle a commencé en grande partie lorsque Netanyahu s’est rebellé contre la Cour suprême et a tenté de limoger l’ancien ministre de la Défense Yoav Gallant en mars 2023.

Les manifestations de masse qui ont suivi en Israël ont mis en évidence le fossé grandissant.

La guerre contre Gaza a encore creusé ces divisions, Netanyahu et ses alliés rejetant toute responsabilité et utilisant les événements du 7 octobre et la guerre ratée qui a suivi comme une occasion d’éliminer leurs rivaux politiques.

Une fois de plus, ils ont tourné leur regard vers le pouvoir judiciaire, réorganisant le système pour s’assurer qu’Israël, tel que le conçoivent les sionistes occidentaux, se transforme en un ordre politique complètement différent.

Bien que les Ashkénazes perdent la majeure partie de leur pouvoir politique, ils continuent de détenir la plupart de leurs cartes économiques, ce qui pourrait conduire à des grèves de perturbation et à la désobéissance civile.

Pour Nétanyahu et ses partisans, un compromis n’est pas possible car il ne ferait que signaler le retour de l’équilibre précaire qui a commencé au début des années 1980.

Pour la base de pouvoir ashkénaze, la soumission signifierait la fin d’Israël, de David Ben Gourion, de Chaim Weizmann et d’autres, essentiellement la fin du sionisme lui-même.

Sans compromis possible en vue, la guerre civile en Israël devient une réelle possibilité, et peut-être imminente.

2 avril 2025 – RamzyBaroud.net – Traduction : Chronique de Palestine – Lotfallah

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