
28 mars 2025 - Les proches et collègues pleurent la mort d'Anwar al-Attar, ambulancier et chef de la Défense civile palestinienne au complexe médical Al Nasser à Khan Yunis, dans la bande de Gaza. Al-Attar faisait partie des 14 membres de la Défense civile et de la Société du Croissant-Rouge palestinien qui ont participé à une mission de secours à Rafah, en coordination avec des organisations internationales. Ils ont disparu pendant plusieurs jours après avoir été pris au piège dans le quartier de Tel al-Sultan à Rafah dimanche, lorsque les forces coloniales israéliennes les ont encerclés. Les véhicules de l'équipe, les seules ambulances et camions de pompiers restants dans la zone, ont été « réduits en un tas de ferraille ». La Défense civile a déclaré que ses équipes attendaient depuis vendredi matin l'autorisation des Israéliens pour pouvoir accéder à nouveau à la zone et reprendre les recherches de leurs collègues toujours portés disparus. Selon le rapport du Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies, environ 400 travailleurs humanitaires, dont des enseignants, des médecins et des infirmiers, ont été tués lors des attaques israéliennes à travers Gaza depuis octobre 2023 - Photo : Doaa AlBaz / Activestills
Par Nabila Ramdani
Des dessins infantilisants ont été utilisés pour « expliquer » la nécessité pour les musulmans indigènes arabes et berbères de s’incliner ou de mourir pendant l’occupation française de l’Algérie.
Les villages menacés de destruction étaient recouverts d’affiches sur lesquelles étaient griffonnées les images d’une école et d’un drapeau tricolore, juxtaposées à celles d’une mère veuve et de son enfant, d’un cadavre ensanglanté et d’une maison en feu.
Le choix lourdement suggéré était facile : accepter « la paix et la protection de la France » ou devoir subir des conséquences mortelles.
Si une telle logique barbare semble familière aujourd’hui, c’est parce qu’Israël l’utilise pour tenter de « légitimer » le massacre de masse des Palestiniens.
Plus de 50 000 d’entre eux, dont de nombreuses femmes et enfants, ont été tués et des dizaines de milliers d’autres mutilés au cours des 17 derniers mois seulement.
Tout indique qu’il s’agit d’un véritable génocide, Israël tentant de procéder à un nettoyage ethnique du territoire qu’il convoite sous couvert de « légitime défense ».
La transformation de Gaza, et de plus en plus de la Cisjordanie, en un champ de tir quasi permanent a été précipitée cette fois par l’incursion de militants armés dirigée par le Hamas dans ce qu’ils considérent comme la Palestine occupée le 7 octobre 2023.
L’armée israélienne a reconnu que des hommes principalement jeunes avaient pénétré dans 119 sites, y compris des installations militaires et des colonies.
Près de 1200 Israéliens ont été tués, dont des civils non armés, ainsi que des soldats, des policiers et des membres de l’agence de sécurité Shin Bet, dont beaucoup par l’armée israélienne.
De leur côté, 1609 des attaquants palestiniens – au moins 409 de plus que les victimes israéliennes – ont été tués dans les combats le jour même.
Beaucoup ont été massacrés par des armes israéliennes de haute technologie qui ont également été accusées d’avoir tué des Israéliens. Ceux-ci sont les victimes de la « directive Hannibal », la procédure controversée qui tolère que les Israéliens tuent les leurs si cela permet d’éviter la capture de soldats.
Les atrocités commises dans des communautés telles que Be’eri, un kibboutz fondé en 1946, ont notamment consisté à tuer des habitants, mais les premières allégations israéliennes concernant le viol d’adolescentes et le meurtre de bébés et d’une femme enceinte sont de la pure invention.
Les politiciens israéliens et leurs apologistes continuent d’utiliser l’horreur du 7 octobre pour suggérer que leurs propres campagnes meurtrières de vengeance à Gaza et en Cisjordanie en sont une conséquence qui se justifie.
Ils considèrent même que la libération des Israéliens qui ont été faits prisonniers par les Palestiniens et qui sont détenus dans des lieux inconnus à travers Gaza, aboutit mieux en quelque sorte, en réduisant la bande de terre en décombres.
Qu’importe les décisions de la Cour internationale de justice et de la Cour pénale internationale faisant état de génocide, et les mandats d’arrêt contre les plus hauts responsables politiques israéliens, le carnage ne connait aucun répit.
La nature asymétrique des combats est, bien sûr, typique du conflit israélo-palestinien qui fait rage sans relâche depuis 1948, date de la fondation d’Israël avec le soutien des puissances occidentales prêtes à lui fournir toutes les armes nécessaires pour s’installer sur des terres qui appartenaient à d’autres.
Comme aujourd’hui, le raisonnement était que tout le monde devait se conformer aux exigences de l’hégémonie israélienne – y compris le vol de terres et l’effacement de l’identité – ou bien la punition collective continuerait.
En ce sens, les comparaisons avec la lutte algérienne contre les colonisateurs français sont tout à fait appropriées, et constituent en effet une voie pour essayer de comprendre ce que l’avenir pourrait nous réserver.
L’année 1830 fut l’équivalent de 1948 en Algérie, lorsqu’une invasion européenne conduisit le maréchal Thomas-Robert Bugeaud, premier gouverneur général de l’Algérie, à déclarer au Parlement de Paris : « Là où il y a de l’eau douce et des terres fertiles, il faut y installer des colons, sans se soucier de savoir à qui appartiennent ces terres. »
Les colons — diminutif de colonisateurs — en Algérie venaient de toute l’Europe, et souvent de milieux aux antécédents peu reluisants. Ils cherchaient à s’imposer sur une terre peuplée par des personnes qu’ils considéraient comme inférieures.
Les musulmans locaux étaient, au mieux, considérés comme des serviteurs utiles, et ceux qui résistaient activement aux envahisseurs pouvaient s’attendre à être torturés, emprisonnés sans procès et, en fin de compte, exterminés.
Les forces françaises ont ainsi créé les premières chambres à gaz primitives au monde, remplissant des grottes de fumées nocives afin d’asphyxier une classe inférieure détestée, tout en commettant régulièrement d’autres crimes contre l’humanité.
Comme en Palestine, la sauvagerie s’est retrouvée naturellement confrontée à une résistance, les musulmans arabes et berbères formant des groupes de guérilla, notamment le FLN, le Front de Libération Nationale.
Fondé au début de la guerre d’Algérie en 1954, il a mené une lutte victorieuse qui a abouti à l’indépendance en 1962.
La France a d’abord riposté de toutes ses forces, déployant les dernières technologies militaires, y compris des avions de chasse pour détruire sans discrimination villes et villages.
Les bombardiers transportaient des charges pleines de napalm, des « barils spéciaux » pétrochimiques selon le jargon de l’époque.
Là encore, comme en Palestine, le raisonnement totalement pervers était que chaque homme, femme et enfant musulman en Algérie occupée était soit un « bouclier humain », soit un « terroriste ».
Pire encore, la propagande dépeignait ces Arabes et Berbères comme des sous-hommes : des déviants sexuels et des rustres sans éducation qui n’étaient pas aptes à jouer un rôle dans une société civilisée, notamment parce qu’ils étaient basanés et issus de la mauvaise tradition religieuse monothéiste.
La tromperie historique selon laquelle l’Afrique serait peuplée de sauvages dangereux s’étendait également à la vision qu’avaient les colons du Moyen-Orient. D’où l’utilisation par les responsables israéliens de termes tels que « animaux humains », alors qu’ils pulvérisent des mosquées, des hôpitaux, des écoles et des immeubles d’habitation à Gaza, ainsi que tous ceux qui s’y trouvent.
« Les Palestiniens n’existent pas », avait déclaré l’ancienne Première ministre israélienne Golda Meir pour tenter de légitimer la persécution sans fin des Palestiniens indésirables.
Comme aujourd’hui, des milliards de dollars d’armes et d’aide ont été déversés sur une terre que Meir, née en Ukraine et éduquée aux États-Unis, considérait comme la sienne.
Un tel état d’esprit domine encore la pensée des dirigeants israéliens, comme en témoigne Benjamin Netanyahu, l’actuel Premier ministre et accusé de crimes de guerre.
Au-delà de sa satisfaction à l’idée de la destruction de Gaza, Netanyahu a exprimé son soutien au plan infernal du président américain Donald Trump visant à chasser deux millions de Palestiniens de Gaza afin de la transformer en station balnéaire, du genre qui existe en Floride.
Ce que des hommes comme Trump et Netanyahu doivent faire, c’est prendre note de la position d’une France apparemment invincible juste avant sa capitulation face au FLN en 1962.
Malgré le nombre croissant de civils tués et le fait que le complexe militaro-industriel occidental fournissait des armes à l’arsenal français, la communauté internationale était de plus en plus écœurée.
La France savait qu’elle ne pourrait jamais intégrer une population arabe et berbère qu’elle avait traitée de manière abominable pendant des décennies, et elle n’avait plus la force de maintenir son autorité par un conflit permanent.
Dire aux Algériens qu’ils pouvaient choisir entre « la paix et la protection » ou l’horreur permanente, ne faisait qu’exacerber la situation et donnait aux colons l’envie de fuir. Ils l’ont fait par centaines de milliers, mettant ainsi fin à 132 ans d’une impitoyable occupation.
Si, comme cela semble actuellement certain, les Israéliens ont renoncé à la solution à deux États et veulent simplement que les communautés palestiniennes qu’ils haïssent soient massacrées ou disparaissent, ils finiront par comprendre qu’ils ne pourront assurer indéfiniment un tel niveau de violence.
Auteur : Nabila Ramdani
* Nabila Ramdani est une journaliste franco-algérienne, chroniqueuse et animatrice renommée de chaînes d’information. Elle est spécialiste de la politique française, des affaires islamiques et du monde arabe. Elle rédige des chroniques pour les journaux The Guardian, The Observer, The Independent et London Evening Standard. Elle a écrit Fixing France, publié à l'automne 2023. Son compte Twitter/X.
27 mars 2027 – Middle East Monitor – Traduction : Chronique de Palestine – Lotfallah
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