Par Abdel Bari Atwan
Malgré toutes les fanfaronnades de son Premier ministre, Israël n’ose pas affronter l’Iran ni le Hezbollah.
(Titre original : « Lapid : un crapaud sous une peau de lion »)
Ces derniers jours, le Premier ministre israélien Yair Lapid a proféré des menaces de guerre à gauche, à droite, et dans tous les sens, notamment contre l’Iran et le Liban.
Son bellicisme trahit l’inquiétude d’Israël face à la puissance et aux capacités militaires croissantes du camp ennemi et à la fin du mythe de l’invincibilité militaire qu’il a entretenu pendant 74 ans.
Il y a quelques jours, Lapid s’est vanté d’avoir, avec son ministre de la défense, le général Benny Gantz, fait pression sur les États-Unis pour les empêcher de conclure un accord nucléaire avec l’Iran.
Dimanche, il s’est contredit en appelant à une pression militaire accrue sur l’Iran pour le forcer à accepter un accord nucléaire plus intéressant pour l’Etat hébreu que celui qui est actuellement sur la table.
Il a cité Barack Obama en exemple, affirmant qu’il avait menacé d’utiliser des bombes anti-abris souterrains contre l’Iran et que cela l’avait fait reculer et signer l’accord de 2015.
Les propos de Lapid sont incohérents et ses affirmations sont fausses ou parcellaires. Comment peut-il se vanter d’avoir déjoué les efforts des États-Unis pour parvenir à un accord nucléaire avec l’Iran, puis exiger une pression militaire américaine supplémentaire pour en obtenir un meilleur ? Comme si c’était lui qui décidait.
L’Iran n’a pas signé l’accord de 2015 à cause d’une quelconque menace d’Obama. Il l’a fait parce qu’à l’époque de la présidence de Hasan Rohani, le guide suprême, l’ayatollah Ali Khamenei, voulait donner aux réformistes une chance d’obtenir la levée des sanctions et autant de concessions que possible de la part des États-Unis, pour améliorer l’économie.
Si l’accord n’avait pas servi les objectifs économiques et militaires de l’Iran, Netanyahu n’aurait pas fait pression sur Trump, via son gendre Jared Kushner, pour qu’il y renonce et le remplace par des sanctions économiques draconiennes qui ont eu un effet boomerang.
C’est l’Iran, et non Israël, qui a sabordé le projet européen de nouvel accord nucléaire parce qu’il ne veut pas le signer, alors même que les États-Unis ont accepté nombre de ses conditions.
Son statut actuel d’État au seuil du nucléaire lui convient, maintenant qu’il a réussi à enrichir suffisamment d’uranium pour fabriquer une arme nucléaire en quelques semaines si Khamenei en donne l’ordre.
Lapid n’est pas un général et sa connaissance des affaires militaires stratégiques est très limitée. Mais il est un habile communicant grâce à son expérience de journaliste et de présentateur.
La menace qu’il brandit presque quotidiennement comme quoi il fera ce qu’il faut pour empêcher l’Iran d’acquérir des armes nucléaires est la même que celle que Netanyahu a souvent brandie. Mais il n’a jamais osé les mettre à exécution parce qu’il avait peur des conséquences, et la peur est toujours là.
Lapid a tremblé lorsque le Hezbollah a envoyé des drones de reconnaissance non armés dans le champ de Karish pour photographier les plateformes pétrolières et gazières et les navires de guerre le long de la côte, des drones que les radars israéliens n’ont pas détectés.
Il a cédé à la demande libanaise de retarder l’extraction du pétrole et du gaz, et supplie maintenant le médiateur américain de se dépêcher de conclure un accord – mais il continue à jouer les durs comme le tigre en papier qu’il est.
Si Lapid n’est pas capable de faire face au « tigreau » libanais et qu’il capitule devant ses missiles et ses drones, comment va-t-il affronter le « tigre » iranien avec son arsenal [voir la vidéo] beaucoup plus important et sa panoplie d’armes sophistiquées de fabrication nationale ?
Il convient de noter que, pendant le week-end, Lapid a déclaré vouloir utiliser le Mossad, l’agence de renseignement israélienne, pour faire monter la pression et obtenir un meilleur accord nucléaire.
Il a adopté la même ligne de conduite avec le Liban, en disant que la menace du Hezbollah était sérieuse et impossible à contenir, et qu’Israël devrait donc recourir à des opérations secrètes contre lui.
Que signifie tout cela ?
Qu’Israël va revenir à la pratique de l’assassinat des scientifiques nucléaires iraniens à l’intérieur et à l’extérieur du pays ? Qu’il est impliqué dans les troubles actuels en Iran dans le but de retourner l’opinion publique contre l’État et de déstabiliser le pays ? Qu’il mènera des opérations secrètes contre le Hezbollah et ses dirigeants, y compris des assassinats – bien qu’il essaie en vain de trouver et de tuer le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, depuis plus de 20 ans ?
La réponse aux opérations secrètes israéliennes sera très certainement des opérations secrètes de l’autre camp qui pourraient être encore plus meurtrières.
Nasrallah a récemment averti que toute tentative d’assassinat de dirigeants palestiniens au Liban déclencherait des représailles immédiates. Et si c’étaient des dirigeants libanais qui étaient visés ?
L’Iran a mené en bateau les négociateurs américains à Vienne pendant plus de deux ans, et le Hezbollah a triomphé de toutes les agences de renseignement israéliennes avec ses drones indétectables – pourtant Lapid parle d’utiliser le Mossad contre l’Iran et des opérations secrètes contre le Hezbollah.
Une seule erreur des dirigeants israéliens au Liban ou en Iran pourrait allumer la mèche d’une guerre régionale qui menacerait l’existence de l’État israélien.
Il semble pourtant qu’il pourrait bientôt commettre une telle erreur.
Auteur : Abdel Bari Atwan
* Abdel Bari Atwan est le rédacteur en chef du journal numérique Rai al-Yaoum. Il est l’auteur de L’histoire secrète d’al-Qaïda, de ses mémoires, A Country of Words, et d’Al-Qaida : la nouvelle génération. Vous pouvez le suivre sur Twitter : @abdelbariatwan
28 septembre 2022 – Raï al-Yaoum – Traduction : Chronique de Palestine – Dominique Muselet