Par Ramzy Baroud
Le 29 juillet, Muhammad Rabi’ Elayyan, âgé de 4 ans, a été convoqué pour interrogatoire par la police israélienne à Jérusalem occupée. La nouvelle, initialement rapportée par l’agence de presse officielle palestinienne, WAFA, a par la suite été démentie par la police israélienne, plus que probablement pour tenter d’atténuer les retombées catastrophiques qui ont suivi.
Les Israéliens ne nient pas l’intégralité de ce qui est survenu, mais soutiennent que ce n’est pas le garçon, Muhammad, qui a été convoqué, mais son père. C’est Rabi’ Elayyan, qui aurait été convoqué au poste de police israélien de la rue Salah Eddin à Jérusalem pour être interrogé sur les actes reprochés à son fils.
L’enfant a été accusé d’avoir lancé une pierre sur les soldats des forces israéliennes d’occupation dans le quartier d’Issawiyeh, qui est une cible constante de la violence israélienne. Le quartier a également été le lieu tragique de démolitions de maisons sous prétexte que les Palestiniens y construisent sans permis. Bien entendu, la grande majorité des demandes palestiniennes de permis de construire à Issawiyeh ou ailleurs à Jérusalem sont systématiquement refusées, tandis que les colons juifs sont autorisés à construire en toute liberté sur des terres palestiniennes volées.
En tant que tel, Issawiyeh n’est pas étranger au comportement grotesque et illégal de l’armée israélienne. Le 6 juillet, par exemple, une mère de famille du quartier assiégé a été arrêtée pour faire pression sur son fils adolescent, Mahmoud Ebeid, afin qu’il se rende. La mère “a été enlevée par la police israélienne comme monnaie d’échange“, a déclaré Mondoweiss, citant le Centre d’information Wadi Hileh basé à Jérusalem.
Les autorités israéliennes d’occupation ont raison de se sentir gênées par tout l’épisode concernant le garçon de 4 ans, d’où la tentative de falsifier une partie de l’histoire. Le fait est cependant que le correspondant de WAFA à Jérusalem a effectivement vérifié que le mandat était au nom de Muhammad, et non de son père Rabi.
Alors que certaines agence de presse ont souscrit à la propagande israélienne et ont aisément relayé les affirmations de “fausses nouvelles”, il faut garder à l’esprit que ce n’était pas un incident isolé. Pour les Palestiniens, une telle information sur la détention, le passage à tabac et le meurtre de leurs enfants est l’un des traits les plus constants de l’occupation israélienne depuis 1967.
Juste un jour après la convocation de Muhammad, les autorités israéliennes d’occupation ont également interrogé le père d’un enfant âgé de 6 ans, Qais Firas Obaid, du même quartier d’Issawiyeh. Ce garçon en particulier a été accusé d’avoir jeté un carton de jus de fruit sur des soldats israéliens.
“Selon des sources locales à Issawiyeh, l’armée [israélienne] a adressé une convocation officielle à la famille de Qais au centre d’interrogatoire de Jérusalem mercredi 31 juillet à 8 heures du matin”, a rapporté l’International Middle East Media Center (IMEMC). Sur une photo, le petit garçon tient devant la caméra l’ordre militaire israélien écrit en hébreu.
Les histoires de Muhammad et de Qais sont la norme, pas l’exception. Selon le groupe de défense des prisonniers, Addameer, 250 enfants palestiniens sont actuellement détenus dans les prisons israéliennes. Environ 700 enfants palestiniens sont jugés par le système des tribunaux militaires israéliens chaque année.
“L’accusation la plus courante à l’encontre des enfants est de jeter des pierres”, rapporte Addameer, “un crime passible de 20 ans d’emprisonnement en vertu de la loi militaire”.
C’est pourquoi Israël a toutes les raisons d’être embarrassé. Depuis le début de la deuxième intifada en 2000, environ 12 000 enfants palestiniens ont été arrêtés et interrogés par l’armée israélienne.
En outre, ce ne sont pas seulement les enfants et leurs familles qui sont visés par l’armée israélienne, mais également ceux qui défendent leurs intérêts. La semaine dernière, le 30 juillet, l’avocat palestinien Tari Barghouth a été condamné à 13 ans de prison par un tribunal militaire israélien pour “avoir tiré sur des bus israéliens et sur les forces de sécurité à plusieurs reprises”.
Aussi improbable que puisse paraître l’accusation d’un avocat réputé qui aurait tiré sur des “autobus”, il est important de noter que Barghouth est connu pour sa défense des enfants palestiniens devant les tribunaux. Il a également représenté un casse-tête pour le système judiciaire militaire israélien pour sa forte défense d’Ahmad Manasra.
Le jeune garçon alors âgé de 13 ans a été jugé et inculpé par un tribunal militaire israélien pour avoir prétendument poignardé et blessé en 2015 deux Israéliens près de la colonie juive illégale de Pisgat Zeev dans lJérusalem occupée. Hassan, le cousin de Manasra, a été tué, et Ahmad, blessé, a été jugé devant un tribunal à l’âge de 14 ans. C’est Barghouth qui a contesté et dénoncé le tribunal israélien pour ses durs interrogatoires et pour avoir filmé secrètement l’enfant blessé alors qu’il était attaché à son lit d’hôpital.
Le 2 août 2016, Israël a adopté une loi donnant pouvoir aux autorités d’occupation d’ “emprisonner un mineur reconnu coupable de crimes graves tels que meurtre ou tentative de meurtre, même s’il est âgé de moins de 14 ans”. La loi a été conçue de manière appropriée pour traiter des cas comme celui d’Ahmad Manasra, qui a été condamné à 7 ans d’emprisonnement le 7 novembre de la même année, trois mois après l’approbation de la loi.
Le cas de Manasra, la diffusion d’enregistrements vidéo exposant les abus commis par les interrogateurs israéliens et sa sévère condamnation ont mis davantage l’accent sur le sort des enfants palestiniens traînés devant les tribunaux militaires israéliens. “Les interrogateurs israéliens s’appuient sur des violences verbales, des manœuvres d’intimidation et des menaces d’infliger apparemment des souffrances mentales dans le but d’obtenir des aveux”, a déclaré à l’époque Brad Parker, avocat auprès de Defense for Children – Palestine.
La Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant, dont Israël est l’un des signataires depuis 1991, “interdit la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants”. Pourtant, explique Parker, les “mauvais traitements et la torture d’enfants arrêtés par l’armée et la police israéliennes sont généralisés et systématiques”.
Tellement systématiques, en fait, que les vidéos et les reportages sur l’arrestation de très jeunes enfants palestiniens sont presque un élément de base sur les plateformes de médias sociaux préoccupés par la Palestine et les droits des Palestiniens.
La triste réalité est que Muhammad Elayyan, âgé de 4 ans et Qais Obaid, âgé de 6 ans – et de nombreux enfants comme eux – sont devenus la cible des soldats israéliens et des colons juifs dans les territoires palestiniens occupés. Cette horrible réalité ne doit pas être tolérée par la communauté internationale.
Les crimes israéliens contre les enfants palestiniens doivent être efficacement combattus pour la simple raison qu’Israël, ses lois inhumaines et ses tribunaux militaires iniques ne doivent pas pouvoir infliger leurs pratiques brutales à l’égard de ceux qui ne sont, en fin de compte, que des enfants. La guerre d’Israël contre leur innocence doit être stoppée.
* Ramzy Baroud est journaliste, auteur et rédacteur en chef de Palestine Chronicle. Son prochain livre est «The Last Earth: A Palestine Story» (Pluto Press). Baroud a un doctorat en études de la Palestine de l’Université d’Exeter et est chercheur associé au Centre Orfalea d’études mondiales et internationales, Université de Californie. Visitez son site web: www.ramzybaroud.net.
9 août 2019 – CounterPunch – Traduction : Chronique de Palestine – Lotfallah